
Quant h l'impossibilité de transmettre
par tradition des poëmes composés à plusieurs
siècles de distance , ceux qui font une
pareille objection , ajoutent-ils, ne connois-
sent pas les moeurs et les habitudes particulières
des anciens Gaëls. S ’il est vrai que
chez les peuples civilisés, adonnés aux arts,
au commerce, a l’industrie, chez des nations Sw
formées elles-même du mélange de plusieurs
peuples, et sans cesse en rapport avec des
étrangers , une pareille transmission non interrompue
fut impossible sans l’aide de
l ’écriture , et même de l’imprimerie , il n’en
est point ainsi des montagnards écossais.
Cette race isolée et sans communication
avec les autres peuples, passoit son temps
entre la guerre et le repos , vivant des largesses
des chefs et du produit de la pêche ou
de la culture d’un petit coin de terre. Ils
avoient peu de besoins et par conséquent
peu d’occupations; sûrs de leur subsistance
journalière, ils ne pensoient point à l’avenir,
et leur vie eût été bien dénuée d’intérêt si
dans l’intervalle de leurs expéditions guerrières
, ils n’eussent eu les chants et les récits
des exploits de leurs ayeux Toutes les
soirées d’byver si longues dans ces cli-
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mais, éloient uniquement employées à de
pareils amusements, et comme depuis des
siècles rien n’étoit changé dans leur genre de
vie, aucune nouvelle idée , aucun projet
nouveau ne venoit les distraire de leurs anciennes
habitudes. Les chants que le fds
avoit entendus de la bouche de son père ,
il les transmeltoit lui-même à ses enfants.
On sait d’ailleurs que chaque Clan avoit
ses Bardes dont l’unique occupation étoit de
composer des poèmes en l’honneur du chef,
de conserver ceux de ses prédécesseurs et
surtout ceux des anciens Bardes, auxquels
un style plus énergique, des sentiments plus
relevés, des faits d’armes plus marquants
avoient empreint un cachet qui les faisoit toujours
reconnoître. Ce n ’étoit pas dans les
chateaux seulement que chantoient les Bardes
, mais dans les plus pauvres chaumières.
Ainsi leurs poésies devenoient populaires,
elles passoient de bouche en bouche , et c’é-
toit partout un mérite recherché avec avidité
que celui de savoir par coeur un grand
nombre de ces poèmes. Aussi chez un peuple
comme les Highlanders, où les basses
classes ne savoienl pas lire , la mémoire
avoit acquis un développement qui surpasse