
à l’Ecosse, il ne manquoit à la gloire de
ce pays qu’un poëte épique. Homère et
Milton étoient aveugles; on inventa un
Ossian aveugle comme eux. Un tel rapprochement
ne sauroit être accidentel ;
mais on y reconnoît manifestement une invention
faite à plaisir.
On sait que Macpherson publia en 1758,
un poème anglais intitulé le Highlander,
qui eut peu de succès. N’ayant pas réussi
•dans la poesxe moderne , il a cru être plus
heureux, en donnant à ses oeuvres une
tournure antique, e t , avec son poème du
Highlander, il a composé sa prétendue traduction
d Ossian. Qu’on veuille en effet comparer
ces deux ouvrages, on y trouvera
non-seulement le même plan, mais les mêmes
incidents, les mêmes images, des nuages,
des fantômes, des tempêtes, le même
style boursoufflé, ces phrases courtes et visant
au sublime. Que le style de Fingal soit
plus correct et plus soigné, cela ne prouve
pas l’authenticité de ce poème , puisquJalors
1 auteur savoit mieux l’anglais ; auparavant
son goût n’étoit pas formé, et il n’avoit pas
encore suivi les leçons de littérature du docteur
Blair. M. Laing s’est procuré depuis la
mort de Macpherson des poèmes anglais
manuscrits que cet auteur avoit composés
à l’âge de dix-sept ans , et dans lesquels au
milieu de descriptions véritablement poétiques,
on retrouve aussi la même enflure de
style. Il est à remarquer que les mêmes défauts
paroissent d’une manière encore plus
saillante dans une mauvaise traduction de l’I liade
d’IIomère que Macpherson publia en
1773, ouvrage qui n’eut aucun succès et qui
exposa son auteur à la raillerie des littérateurs
anglais.
Ce fut donc après la chute de son poème
anglais, que Macpherson commença à traduire
de la poésie gaélique, et qu’il publia
en 1760, sous le titre de Fragments, le
commencement de Fingal et quelques épisodes
de ce poème; ou sait qu’il fît alors
espérer qu’on pourroit retrouver le texte de
cette épopée e t , qu’à l’aide d’une souscription,
il parcourut dans ce but, la Haute-
Ecosse : en effet, en 1762, il publia Fingal ;
mais les morceaux qui a voient déjà paru
dans les fragments, éprouvèrent dans cette
nouvelle publication quelques changements
qu’on doit attribuer au perfectionnement du
goût de l’auteur, et à la crainte délaisser des
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