
cepte si juste et si vrai de la morale : I I ne
fa u t jamais faire un mal pour c/uil en
résulte un bien! En effet, quelque soit la
probabilité du bien sur lequel on compte,
elle est toujours fort loin de la certitude ,
tandis que le mal est assuré et irréparable.
El où en seroit donc la société, si l’on pou-
voit se permettre une injustice évidente,
dans la chance éloignée d’obtenir ün bien
incertain?
Combien a de force cette réponse d’un
Chef montagnard à qui l’on conseiiloit de
renvoyer ses anciens vassaux pour les remplacer
par des moutons. «Leurs pères, dit-il,
ont conquis et défendu , au prix de leur sang
et de de leur vie , le domaine que je possède,
et je crois que les enfans ont un droit
naturel à participer à ses produits. »
J’ai exprès, jusqua présent, traité cette
importante question sous une forme dogmatique
, et j ’en ai appelé aux loix de la morale
qui d’un commun accord sont aussi celles
de la raison. Les partisans du calcul d’intérêt
appliqué à toutes les circonstances de la vie,
repoussent les arguments tirés du sentiment.
Us affectent de les regarder avec pitié,
comme tenant à une foiblesse aveugle , qui
C 275 )
met des entraves à leurs vastes projets pour
le perfectionnement de l ’état social. Mais
que seroit ce sije m’étois adressé à ceux qu’émeuvent
encore vivement le récit des souffrances
de leurs semblables , si je leur avois
présenté ces hommes, que les économistes
considèrent comme des quantités abstraites,
et dont ils disposent comme le calculateur
de ses chiffres , et que je les eusse montrés
animés de toutes les affections, de tous les
souvenirs, en proie à toutes les impressions
de bonheur ou de peine que le Créateur a
départies à l’espèce humaine, si enfin , j ’avois
opposé au* spécieux arguments de ces
hardis constructeurs de systèmes, le simple
et déchirant tableau qu’offre cette foule de
pères, de vieillards, d’enfans en bas âge
arrachés par centaines à leur sol natal pour
satisfaire à l’avide cupidité et à la vanité
coupable d’un seul homme, qui eût osé fermer
son coeur à la profonde pitié qu’excite
un tel spectacle ? Ces malheureux sans patrie
, sans secours, abandonnés de celui qu’ils
avoient chéri comme un père , et sur qui ils
fondaient toutes leurs espérances , se confient
au pi emier avanturier qm les trompe *
entassés pêle-mêle sur des bâtiments trop