
finit par avouer confidentiellement toute
l’imposture. Il cite à cet effet quelques fragments
de la préface que Macpherson pu*
blia en 1773 } à la tête d’une nouvelle édition
des poèmes d’Ossian, édition dans laquelle
il retrancha l ’appendix de Blair et
la liste des témoignages qu’il avoit recueillis
dans les montagnes en faveur de l’authenticité.
Dans cette nouvelle préface, Macpherson
semble mépriser le rang de simple traducteur,
et prétendre au mérile plus éminent
de compositeur de poèmes admirés dans
toute l’Europe et traduits dans presque
toutes les langues. Voici quelques unes de
ces phrases remarquables par leur ambiguité
et qui paroissent avoir été mises en avant
pour jeter de nouveaux nuages sur une question
déjà si obscure.
« Ceux qui peuvent rendre la poésie an-
« cienne dans un langage moderne, emploie*
« roient bien mieux leur temps et leurs fait
cultés à publier leurs propres ouvrages,
« si ce n’étoit cette misérable et basse envie
« qui affecte de mépriser le génie contempo-
« rain. J’assûre mes antagonistes que je ne
« traduirois pas ce que je ne pourrois pas
« imiter.» Et ailleurs. « Sans avoir augmenté
a en génie , Yauteur peut avoir perfectionné
« son style dans les onze ans qui se sont
« écoulés depuis que ces poèmes ont été li-
« vrés au public. » Et enfin il conclut en
disant : « le traducteur qui 11e peut égaler
« son original est incapable d’en exprimer
« les beautés. »
Mr. L aing remarque avec raison que ces
phrases prises isolément ne prouvent pas
grand chose, mais, ajoute-t-il, si l’on considère
leur liaison avec toutes les circonstances
louches, avec l’impossibilité où s’est trouvé
Macpherson de montrer aucun ancien manuscrit,
avec les marques évidentes d’imposture
que présentent les poèmes, ces
mêmes phrases parlent hautement contre
leur authenticité.
Je ne dois pas à cette occasion passer sous
silence un fait dont Mr. Laing ne parle pas,
c est que dans une édition plus récente encore
, imprimée à Glascow, chez Cameron
et Murdoch, on trouve une sorte de protestation
des éditeurs contre la préface énigmatique
de l’édition de 1775, contre la
soustraction de l’appendix de Blair, et contre
la prétention que semble manifester Macpherson
d’être regardé comme l ’auteur
d ’Ossian.