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lemèrit le tableau d ’un état particulier de
civilisation qui forme le contraste le plus
frappant avec l’état actuel des Gaëls écossais
et irlandais. L ’objection contre l ’absence
de toute religion, de toute croyance et de
tout dogme est plus spécieuse , et elle seroit
presque décisive si on ne trouvoit pas ailleurs
des poésies héroïques , totalement dénuées
d’allusions mythologiques ; mais
comme l ’a observé le savant Frédéric Schlé-
g e l , les poëmès des anciens Arabes présentent
la même anomalie, ce sont aussi des
chants qui célèbrent les guerriers, les combats,
les chefs de tribus , et qui gardent un
silence complet sur le culte et les divinités
de ce peuple. Le même auteur remarque
que ces poésies arabes et les poëmes gaëlics
ont les plus grands rapports dans les traits
généraux et dans l’ensemble, mais que la
teinte locale y est différente, comme le ciel
brumeux , le climat septentrional et l’aspect
sauvage des monts écossais contraste avec
le soleil brillant et la nature méridionale
de l ’Arabie.
Enfin il observé qû^ s’il existe en effet chez
de grands peuples, coinme lesPerses, le s lu -
diens, les Grecs, les Scandinaves, une tendance
à considérer plutôt la destinée du genre humain
que les actipns particulières de quelques
hommes, tendance qui se montre surtout
dans leur poésie , toute empreinte d ’une
haute philosophie, de systèmes mythologiques
et cosmogoniques, il y a aussi des
nations moins puissantes, moins étendues,
peut-être, chez lesquelles des affections, des
relations plus locales, telles, par exemple,
que le gouvernement patriarchal ou de famille,
ont donné à leurs pensées un cours
différent. Chez ces peuples, les idées générales
relatives au sort de l’humanité se sont
éclipsées devant leur admiration exclusive
pour les Chefs de leurs tribus, pour leurs
héros et leurs guerriers. Ils n’ont chanté que
les exploits des hommes, et les Dieux n ’ont
plus été célébrés dans leurs vers. Les anciens
peuples de 1 Arabie et les Gaëls sont du
nombre de ces nations, et si les poésies
doriennes nous étoient mieux connues , si la
littérature de ces Grecs, si différents des autres
habitans de la même contrée, par leur
mode de gouvernement et leurs moeurs, et
dont Pindare seul nous reste, si cette littérature
poétique pouvoit être recouvrée, peut-être
y retrouverions-nous le même phénomène
Tom. III.