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voient servir de preuves contre lu i, les faire
disp aroître dans les éditions subséquentes.
C’est ainsi qu’il a retranché un morceau
qui f aisoit allusion aux troupeaux et aux
moissons ; c’est ainsi encore qu’apprenant
que le peuplier avoit été introduit en Angleterre
par les Romains , il supprime le
nom du tremble (aspin'), qui se trouvoit
dans les premiers fragments de Fingal. On
le voit aussi changer sans raison le nom
de Magnus, que les ballades donnent au
roi de Lochlin, et inventer celui de Swaran,
qui ne se trouve point dans l’histoire. De
même il a fait un héros qu’il nomme Ca~
thula, fds de Sarno , d’un personnage réel,
® connu dans l’histoire sous le nom de Kétil,
qui étoit d’origine irlandaise, vice-roi des
Hébrides, et allié par le mariage de sa
fille avec les petits princes de Dublin et de
Man. En général il évite constamment d’entrer
dans aucun détail sur les coutumes et
les circonstances particulières au siècle et
au pays qu il décrit. Chaque nation a toujours
eu une liqueur favorite ; mais Mac-
pherson, sachant que l’hydromel, le vin et
la biè re , devoiént également être inconnus
aux Calédoniens, n’a d’autre ressource que
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de les faire boire dans des coquilles, sans
trop s’inquiéter de ce qu’elles contiennent.
Malgré cette circonspection, il n’a pas
laissé que de commettre quelques erreurs
et quelques omissions remarquables. Ainsi
il place l’I f dans les forêts de la Calédonie,
quoique ce ne soit point un arbre indigène.
Au contraire, il n ’est question ni des loups,
ni des sangliers, ni des ours, ni même des
taureaux sauvages ou aurochs, quoique ces
derniers, indigènes de l’Ecosse, soient encore
conservés dans les parcs de quelques
grands seigneurs, et quoique les autres animaux
soient désignés par les anciens historiens
comme habitant autrefois les forêts
de toute la Grande-Bretagne. Enfin, il est
évident , par tous ces exemples, que le
prétendu traducteur ne savoit pas quelles
moeurs décrire, quelles circonstances il de-
voit admettre, quelles autres il devoit rejeter
; c’est pourquoi l’on ne trouve dans
son ouvrage aucun trait qui caractérise l’époque
qu’il vouloit désigner. On n’y trouve
rien que la peinture d’uu état sauvage, recouvert
d’un vernis d’une galanterie plus
que chevaleresque, des moeurs du christianisme
et des affections sentimentales d’aujourd’hui.