
fe-trapes pour arrêter ceux qui voudroient les
poursuivrej & ils Ce fauvèrent dans l'hôtel du duc
de Bourgogne.
A la nouvelle de l'affaftinat du duc d'Orléans ,
la Reine ^ demi-morte de douleur & d'effroi 3 fe
fit porter à l'hôtel de Saint-Pol. Les Princes s'af-
femblèrent : le duc de Bourgogne fut celui qui
montra lè plus de douleur & aindignatioiiriSfo/î ,
s’éerioit-il 3 oncquts mais on ne perpétra , en ce
royaume 3 f i mauvais ni f i traître meurtre. Les Princes
allèrent vifiter le corps expofé dans l'églife des
Blancs-Manteaux : on n'a pas-manqué de dire que
le fang forcit à l'approche du due de Bourgogne ,
comme pour rendre témoignage contre le meurtrier.
A la cérémonie du convoi 3 les quatre coins
du drap mortuaire furent portés par le. roi de Si-,
ci le 3 fus du duc d’Anjou ; par les dues de Berry 3
de Bourbon & de Bourgogne. C e dernier fe faifoit
toujours diftinguer par l ’air d'affli&ion.
Le confeil s'afîèmble : le prévôt de Paris, Ti-
gnonville, vient y rendre compte des perquifîtions
qu'il a faites > il annonce qu'on a des- nouvelles'
certaines qu’un des affaflîns s'eft réfugié dans
thôtel du duc de Bourgogne : il demande d'être
autorifé à faire des recherches dans les palais des
Princes. Le duc de Bourgogne alors conduit le
roi de Sicile & le duc de Berry à une des extrémités
de la falle ; il leur avoue que le diable l'a tenté
& furprins 3 & qu'il eft l'auteur dé la mort du duc
d'Orléans. Le duc de Berry, faifî d'horreur, verfe
un torrent de larmes , & s’écrie : Je perds aujourd'hui
mes deux neveux. Le confeil fe. fépare : il fe
xaffemble le lendemain. Le duc de Bourgogne o£e
fe préfenter pour y prendre place > le duc de Berry
l'empêche d'entrer. Le duc de Bourbon s'indigne
de ce qu’on ne l ’a point arrêté pour le livrer à la
rigueur des lois. L'afraflin s'enfuit en Artois &
commence la guerre civile : il revient la force à la
main, avouant fon crime, ofant le juftifier, &
donnant à la France ce grand fcandale d’une apologie
publique de l'afîaffinat du frère du Roi ^prononcée
devant toute la cour, devant tous les corps
de l'Etat, devant le peuple même, par un prêtre
H un religieux. ( Voye\., dans le Dictionnaire,
l'article du cordèlier Jean Pe tit, & l’article Ger-
fon. ) Charles VI , alors en la puiffance du duc de
Bourgogne, donna des;lettres par lefquellesiil ap-
prouvoit le crime de ce .Prince!, & diffamoit lui-
même la mémoire, de fon propre frère. Pour ce que
le duc de Bourgogne, eft-if dit dans, ces lettres ,
ét 'oit pleinement informé, f i comme i l fit dire ■ & pro-
pcfer y que notre frire avoit machiné 6’ mackinoit de.
jour en jour à la mort & expuifion de nous & de notre
génération 3 & t en doit par plufieurs voies & moyens
a parvenir a la couronne 6’ feigneurie de notre royaume,
i l 3 pour-la fureté & préfervation de nous &. notrcdite
lignée 3 pour le bien & utilité de notre dit royaume ,
& pour garder envers nous la fo i & loyauté, en-, quoi
il nous eft tenu, avoit fait mettr,e:Aorsf d£ ce monde
■ noiredit frerej en nous, fuppliant qui fi^par le rapport
d'aucuns fes malveiHans, ou autrement, nous avions
pris aucune déplaifance contre lui pour caufe dudit cas
advenu en la perfonne de notredit frère , nous confidé--
rant les caufe s pourquoi il l'avoit fait faire, voulions
ôter de notre courage toute déplaifance, favoir fai-
fons que , nous confidérant le fervent & loyal amour,
& bonne affection que notredit coufin a eue & a à notre
dite lignée , avons ôté & ôtons de notre Courage
toute déplaifance que par le rapport d’aucuns malveilla
ns de notredit coufin ou autrement, pouvions avoir,
eue envers-lui pour occafion des chofes deffus dites , &
voulons qu’icelui notre coufin de Bourgogne fait & demeure
en notre firtgu lier amour. Tel étoit alors l'indigne
aviliflement du trône, telle étoit l'exécrable
impudence du crime.
Après avoir donné audience à l'apologifte de:
l’affaftinat, on la donna aufti, pour la forme , à’
1-abbé de Saint-Denis,-, orateur de la duchelTe d’Orléans,
& chargé de juftifier la mémoire de fort
mari. La puiflance du duc de Bourgogne, plus
dédfive que toutes ces inutiles harangues, diéta
les lettres qu'on vient de voir. On. le réconcilia en
apparence avec les- fils du duc d'Orléans, & l'autorité.
lui refta : il s'empara du gouvernement.
L’abus qu'il fit en toute occafion de fon autorité,
fouleva contre lui tous les grands du royaume; la
duchefle d’Orléans mourut de dépit & de douleur
de n'avoir pu venger la mort de fon mari qu'elle
n'avoit pas aimé ; mais la vengeance du duc d'Orléans,
remife entre les mains de la Reine, n'en
fut que. plus ardemment pourfuivie. La Reine ne
daignoit pas même cachet l’intérêt qui la faifoit
agir : elle faifoit de. cette vengeance fa caufe per-
fonnelle elle exigeoit que l'affaffin de fon amant
n approchât pas de cent lieues les endroits où elle &
lesprinces d'Orléans fe trouveraient. Tous les Princes
firent ligue avec la Maifbn d'Orléans, & avec ce
fier & ambitieux Bernard , comte d'Armagnac ,
qui fut depuis connétable de France, qui donna
fon nom au parti Orléanais, parce qu’il étoitl'ame
de ce parti, & qu'il étoit d'ailleurs beau.père;du
nouveau duc d'Orléans : il étoit aufti gendre du
duc de Berry. Bientôt tout fut en proie aux[horreurs
de-la guerre civile; les fa étions des Qrléà-
nais, ou Armagnacs & des Bourguignons partagèrent
toute la France : on s’envoÿoit de part &
d autre des cartels outrageans. Le P oi étoit réduit
à être tour-à-tour Armagnac ou Bourguignon, fer
lonqu'il .étoit en la puiftanoe de l'un ou de l'autre
parti. La ville de Paris étoit toujours pour le duc
de Bourgogne : on en avoit ôté. le gouvernement
au duc de Berry , pour le donner au comte dé
Saint-Pol, partifan du duc de Bourgogne. Saifttr
Pol y avoit formé cette fameufe milice royale ,
compofée de cinq cents bouchers ou éeoreheurs,
commandés par les' Goixi, les Saint^-Yons & les
Thiberts, propriétaires de la grande boucherie
de Paris. Ces furieux commettoient toutes, fortes
d'info lences ; ils àllèrent mettredefeu au château de
Wiceftre ou Bicêtre, appartenant au,duc de Berry.,
Cependant les Orléanais avoient pris Saint-
Denis & Saint-Cloud , & ne refpiroient que le
pillage de Paris, lorfque tout à coup lè duc de
Bourgogne arrive, s'ouvre un chemin à travers
t'armée orléanaife & entre dans Paris, où il eft
reçu comme le libérateur de la France. En paflant
à Pontoife, il avoit échappé au fer d'un affaffin,
moyennant la précauiion qu’il prenoit toujours de
laiffer quelque diftance entre lui & cëux qu'il ne
eonnoinoit pas , ou qui pouvaient lui être fuf-
peéts. Ses officiers apperçurent le poignard dans
fa manche de l’affaffin, qui fut pris à l’inftant, &
puni de mort. Les Orléanais furent repouftes, prof-
crits , excommuniés , dépouillés de leurs biens.
Charles V I , toujours gouverné par le duc de Bourgogne,
lève P oriflamme contr'eux, & afiiége le
duc de Berry dans Bourges. Pendant le cours du
liège ,■ le duc de Bourgogne eut une entrevue auprès
de Bourges avec le duc de Berry fon oncle ;
il y avoit une barrière entr'eux : Beau coufin & beau
filleul y dit le duc de Berry, lorfque votre p'erevivoit,
i l né falloit pas de barrière entre nous. Monfeigneur,
répondit en rougiflant le duc de Bourgogne, ce
n eft pas pour moi. Le traité d'Auxerre calma pour
quelque tems l’agitation des efprits. 11 y eut encore
une entrevue à Auxerre pour la ratification
du traité. Tous les Princes du parti armagnac dévoient
s'y trouver, & le duc de Bourgogne avoit
formé le projet de les égorger tous. Des Efiarts ,
auquel il fit part de cè projet, d'un côté n'oublia
rien pour l'en détourner, de l’autre fit avertir le
duc d'Orléans & les autres Princes armagnacs de
leur danger, & embrafla leux parti. Etant tombé
dans la fuite entre les mains du duc de Bourgo-
ghe, ce tyran lui fit trancher la tête comme à un
traître. ( Koye^, dans le Dictionnaire, l'article
Efforts ( dès).
■ La connoiffance du projet du duc de Bourgogne
n'empêcha point l'entrevue d'Auxerre ; elle obligea
feulement à un redoublement de précautions :
puis, lorfque la paix eut été confirmée & jurée
fur la croix & fur l'évangile, on affeéta de n'en
plus prendre du tout, & de célébrer par des
fêtes une réconciliation impoffible.On vit les ducs
d’Orléans. & de Bourgogne fe promenër familièrement
dans les rues d'Auxerre , montés fur le
même cheval; mais l'habit de deuil que le duc
.d3Orléans portoit encore qu'il n'avoit pas quitté
depuis cinq ans que fon père étoit mort, démen-
•toit toutes ces démonftrations d'amitié.
Pendant cette paix ou cette trêve, le'duc de
Bourgogne négocioit ; il détachoit peu à peu divers
Princes du parti des Armagnacs ; il diminuoit
le zèle du duc de Berry pour la caufe orléanaife.
A force d'égards & de refpeCts, il avoit confidé- .
rablement affaibli la haine d'Ifabelle de Bavière ,
pendant que le tems affoibliflbit chaque jour en
elle le fouvenir du duc d’Orléans & l'ardeur de
le venger. L'idée de tenir la balance entre les
deux partis, & d’établir fon empire fur leurs divifions,
la flattoit tous les jours davantage: ce
n'étoitplus cette femme effrénée, qui devoir pour-
fuivre jufqû’aux enfers le meurtrier de fon amant $
c'étoit une Reine politique, qui furtout vouloir
régner, & qui en cnerchoit tous les moyens. L'amant
étoit oublié , remplacé peut-être ; il l’étoit
au moins par l’ambition, & c'étoit par cette ambition
même que le duc de Bourgogne avoit entrepris
de la gouverner. Beau-père du Dauphin ,
il s'étoit fait donner la furintendance de l'éducation
de ce Prince, qui étoit un lien entre lui
& Ifabelle, comme le comte d’Armagnac en éto.it
un entre le duc de Berry fon beau - père , & le
duc d'Orléans fon gendre.
L’affabilité politique du duc de Bourgogne at-
tachoit à fes intérêts la populace, furtout celle de
Paris. Si elle voyoit fes crimes, elle les jugeoit
néceffaires. Ce Prince avoit d'ailleurs acquis dans
l'Europe une réputation impofante par la vi&oire
qu’il avoit remportée dans là plaine de Tongres
fur les Liégéois, pour les intérêts de Jean de Bavière
fon beau-frère, évêque de Liège. Les talens
qu'il montra dans les difpofitions de cette journée
, le firent regarder comme le plus grand capitaine
de l’Europe. L'intrépidité avec laquelle il
affronta tous les dangers, le fit nommer Jean-fans-
Peur, comme l'évêque de Liège fut nommé Jean-
fans-ditié pour la cruauté avec laquelle il maflacra
les vaincus & aftifta au fupplice des prifonniers.
Les deux partis, Armagnacs & Bourguignons,
avoient l’un & l'autre eu le tort d’appeler lès Anglais
; mais les Bourguignons en avoient donné
F exemple,- & perfévérèrent plus long-tems dans
cette alliance ennemie. Le duc de Bourgogne étoit
l'allié des Anglais à l'époque même de la bataille
d'Azincourt, tandis que, dans cette funefte bataille,
les princes d Orléans perdoient la liberté en
défendant leur patrie.
La politique au duc Jean étoit fouvent démentie
par fon caractère. L'intérêt qu’il avoit de ménager
le Dauphin ion gendre ne pouvoit l’engager à
fe contraindre ; il vouloit gouverner ce Piince avec
le même defpotifme qu’il gouvernoit le royaume.
La méfintelligence fe mit entr’eux : 1e Dauphin
s’ennuya du joug, 8r voulut jouer un rôle par
lui-même dans cette anarchie; il prétendit fou-
mettre Paris & défarmer les bourgeois. Le duc
de Bourgogne fouleva contre lui fes bouchers &
une foule de factieux, à la tête defquelsfe mit un
chirurgien, nommé Jean de Troye. On court à
l’hôtel du Dauphin, on lui déclare qu’on vient
pour arrêter les traîtres qui l’environnent. Le chancelier
particulier qu'avoit le Dauphin en qualité
de duc de Guienne , demande quels font ces
traîtres : on lui en donne une lifte, à la tête de
laquelle étoit le chancelier lui-même : on enfonce
les portes , on arrête tous les feigneurs dont le
Dauphin eft entouré ; on n'épargne ni le duc de
Bar, coufin-germain du Roi, ni Louis de Bavière,
frère de la Reine. C ’étoit la même infulte que