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. COSSUS (C lau d iu s ). (H'jI. rom.) C e per-
fonnage eft c onnu par un trait heureux d’éloquence,
ui fauva toute une nation dans une conjoncture
élicate & difficile. Les Helvétiens avcient em-
braffé le parti de Galba , & bravé les Vitelliens, qui
s’en étoient vengés par une irruption terrible dans
l’Helvétie. Des milliers d’Helvétiens avoient été
taillés en pièces} un grand nombre d’autres avoient
été vendus à l’encan comme efclaves. Avenche ,
leur ville capitale , étoit fans fortifications & fans
aucun moyen de réfifter au vainqueur. Il ne reftoit
d’ autre refifource que d’implorer la clémence de
Vitellius, qui étoit alors dans les'Gaules. Les députés
de cette ville parurent devant.lui au milieu
de fes gens de guerre , tous frémilfant de colère,
ne refpirant que la vengeance, menaçant les députés
, leur portant le poing ai\vifage , & lés pointes
des hallebardes aux yeux. L’Empereur paroiffoit
encore plus irrité qu’eux. Il falloit conferver tout
fon jugement dans ce grand péril. Claudius Cof-
l'us, chef, de la députation, homme exercé aux
divers mouvemens de l’ éloquence, & qui à forcje
4’ art favoit cacher toutes fortes d’ arts quand il en
étoit befoin, parut d’abord avec une contenance
en apparence mal alfurée, bégayant avec embarras
quelques paroles mal arrangées , mais il inté-
reffoit par cet air d’embarras même : on l’écoutoit.
Peu à peu il commanda , il força l’attention qu’il
avoit follicitée d’abord par.de timides inftances5
ii fléchit la colère du foldat 5 il changea leurs âmes ,
& ce farouche vainqueur,que rien ne fembloit pouvoir
appaifer , entra fi bien dans-tous les fentimens
que l ’orateur vouloit infpirer, qu’il fe joignit à lui
pour obtenir de l’Empereur, attendri & changé ;
lui-même, la grâce des Helvétiens & la conferva- I
tion de leur ville ; c’eft ainfi qu’il eft beau d’être j
éloquent, & cette manière de vaincre en vaut bien j
une autre.
COU P LE T ( C l a u d e -A n t o in e ) , ( Hijl.des
Sciences.) , né à Patis le 20 avril 1642 , a beaucoup
perfectionné la fcience des eaux & des ni-
vellemens, & s’eft rendu par-là un des hommes
les plus utiles de fon fiècle. M. Buhot, cofmo-
graphe & ingénieur dû R o i, l’inftruifit, lui donna
fa-fille, entra dans l’Académie des fciences à l’ époque
de fon inftitution , en ï 666, & y fit entrer
peu de tems après M. Couplet fon gendre. En
16 70 , M. Couplet acheta de lui la charge de
j>rofefleur de mathématiques de la’grande écurie.
C ’étoit le tems où Louis X IV faifoit faire de
grandes conduites d’eau pour l’embelliffement de
Verfailles , & où les efprits fe tournoient vers la
fcience des nivellemens, qui en fut perfectionnée
au point de devenir une fcience toute nouvelle.
L'mftoire de l’Académie des fciences de 1699 parle
d ’un niveau que M. Couplet s’ étoit en quelque
forte rendu propre, en le rendant d’ une exécution
plus facile.
Lorfqu’il travailloit pour des particuliers, il ne
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vouloit que réuffir, 8c pour affurer le fuccès fou-
vent il y mettoît du fien. Loin de faire valoir fes
foins & fes peines , il en parloit, dit M. de Fon-
‘ tenelle, avpc une modeftie qui -enhardiffoit à le
récompenfer mal, & ce n’ étoit jamais un tort avec
lui.
Il ne travailla pas moins utilement pour le public,
furtout a Coulanges, dite la Vineufe, petite ville
de Bourgogne à trois lieues d’ Auxerre, à qui cette
épithète de vineufe convenoit d’autant mieux, dit
M. de Fontenelle, qu’elle n’avoit que du vin &
point d’eau. Les habitans étoient réduits à des
mares qui étoient fouvent à fec ; alors il Falloir
aller chercher fort loin un puits qui fouvent ta-
riffoit aufli & les renvoyoit à une fontaine éloignée
d’une lieue. Pour qu’on ne manquât point d’eau
dans les incendies, la police obligeoit chaque habitant
d’avoir à fa porte un tonneau toujours plein
d’eau, & malgré cette précaution la ville avoit eu,
dans l’efpace de trente ans, trois grands incendies,
a l’un defquels on avoit été obligé de jeter du vin
fur le feu. On avoit voulu établir un impôt pour
fubvenir aux dépenfes nécelfaires à la découverte
de l’eau : des ingénieurs travaillèrent , mais fans
fuccès , & l’entreprife étoit abandonnée lorfque
M. le chancelier d’Agueffeau , alors procureur-
général , ayant acquis le domaine de Coulanges ,
voulut tenter un dernier effort. 11 s’ adrefifa, en 1 yoy,
-a M. Couplet, qui partit pour Coulanges au mois
de feptembre, c ’eft-à-dire , dans un des tems les
plus fecs d’une année qui fut mémorable par la
fécherefle. Si l’ on pouvoit alors trouver de l’ eau,
on ne devoit pas craindre d’en manquer jamais.
M. Couplet, arrivé à quelque diftance de Coulanges
, mais fans voir encore cette v ille, fe fait
montrer feulement de quel côté elle é to it, &* à la
feule infpeètion générale du terrain il ofa promettre
cette eau fi defirée qu’il venoit procurer. Quand
il eut vu les maifons de la v ille , il afliira que l ’eau
feroit plus haute. En fuivant fon chemin , il mar-
quoit avec des piquets les endroits où il falloit
fouiller ; il indiquoit précifément à quelle profondeur
on trouveroit l’eau; Un autre, dit M. de Fontenelle
, eut pu prendre un air impofant de divination.
M. Coupletexpliquoit naïvement les principes
de fon art, & fe privoit de toute apparence
de merveilleux. Il entra dans Coulanges, où tout
confirma les idées qu’ il avoit eues d’abord. Il reftoit
à conduire l’eau dans la ville par des tranchées
& par des canaux , & à lui ménager des canaux
de décharge en cas de befoin 5. il laifla toutes les
inftruétions nécelfaires pour les travaux qui dévoient
fe faire en fon abfence , & repartit pour
Paris, promettant de revenir au mois de décembre
mettre à tout la dernière main.
Il revint, & le 21 décembre l’eau arriva dans la
ville. M. de' Fontenelle décrit avec agrément &
avec intérêt cet événement & les transports qu’il
excita.
« Jamais la plus heureufe vendange n’y ayoit
c o u
s> répandu tant de joie. Hommes, femmes, enfans,
m tous couroient à cette eau poiir en boire, & ils
53 eulfent voulu s’y pouvoir baigner. Le premier
33 juge de la v ille, devenu aveugle , n’en crut que
33 le rapport de fes mains, qu’il y plongea plufieurs
33 fois. Oii chanta un Te Ocum , où les cloches
33 furent fonnées avec tant d’ emportement, que la
33 plus große fut démontéè. : l’allégreffe publique
33 fit cent folies. » La v ille , auparavant, tou te défigurée
par des maifons brûlées qu’on ne réparoit
point x prit une face nouvelle, & il n’en avoit pas
coûté mille écus de dépenfe à cette ville , q u i ,
pour obtenir un tel bienfait, avoit voulu fe charger
d’un impôt perpétuel. Elle confacra cet événement
& fa reconnoiflance par une infcription 8c
une devife. L’infcription eft un diftique latin que
voici :
Non erat ante fluens populis fitientibus unda ,
Afl dédit Aternas arte Cupletus aquas.
La devife eft Moyfë tirant de l’ eau d’un rocher
entouré de ceps de vigne, avec ces mots : Utile
dulci.
Auxerre & Courfon eurent part aufli aux bienfaits
de cet excellent phyficien ; il donna de meilleures
eaux à Auxerre, & rendit aux habitans de
Courfon une fource-perdue.
A foixante - dix-neuf ans il eut une première attaque
d’apoplexie , & quelque tems après une fe-,
conde fuivie d’une paralyfie. Il languit pendant
deux an s , & mourut le 25 juillet 1722.
COU R CY (Jean de ) . (H iß. d'Anglet.) Dans-
le tèms où Henri II , roi d’Angleterre, faifoit la
conquête de l’Irlande, un gentilhomme normand,
nommé Jean de C ourcy, d’ une taille gigantefque,
d’une valeur héroïque , & d’une force qui répon-
doit à ces avantagés, commandoiten Irlande pour
le roi d’Angleterre , & battoit les Irlandais partout
où il les rencontroit. Un jour il emmenoit
une quantité immenfe de gros bétail qu’il leur
avoit enlevé, & qui occupoit un efpace de plufieurs
milles: Il avoit à paffer à travers des bois ,
dans des chemins creux, bordés de fondrières &
d’abîmes. Les Irlandais , qui s’y étoient mis en
embufcade, fortirent tout à coup des brouffailles
en pouffant des cris affreux. Les troupeaux, épouvantés
, fe renverlerent fur leurs conducteurs ,
qu’ils frappoient de leurs cornes quand ils fe
lentoient preffés. C ’eft par-une manoeuvre à peu
près femblable que, chez les anciens, onétôitpar-
venu à tourner les éléphans contre les armées qui
les employoient. L’armée anglaife ne put foutenir
ce-poids 5 elle fut rompue , difperfée , taillée en
pièces. Courcy, avec une poignée de foldats qu’il
avoit ralliés, çombattit pendant deux jours de
fuite, & , la hache à la main , s’oüvrit enfin un
paffage. 11 prit fa revanche les jours fuivans, &
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maflkcra des milliers d’Irlandais comme des troupeaux.
Tout cela étoit du carnagè inutile. Henri voulut
tenter des voies plus douces. 11 efpéra de fou-
mettre les efprits des Irlandais, en y envoyant un
de fes fils pour les gouverner en fon nom 5 ce fils
fut le prince Jean, dit fans Terre, le dernier de tous
à tous égards. Il porta, chez des peuples un peu
fauvages 8c très-jaloux de leur liberté , l’efprit
defpotique des cours & toute l’étourderie de la
jeuneffe. Ses jeunes favoris le divertiffoient aux
dépens de la nobleffe du pays , qui avoit bien
voulu fe foumettre, mais qui ne favoit pas faire fa
cour. Les chefs de cette nobleffe euffent pu répondre
du refte de la nation ; mais il eût fallu les
gagner : on les révolta. On déconcertoit leur gravité
farouche par des railleries fanglantes ; on les
prenoit par leurs longues barbes ; on leur prôdi-
guoit en riant le mépris 8c l’infulte ; on les força
enfin de fe joindre à ceux qu’ on appeloit déjà les
rebelles. C e u x - c i alloient fe rendre lorfque l’inr
dignation dont ils furear faifis au récit detant d ’outrages,
les enflamma d’une nouvelle fureur. Les
fuccès de Courcy furent perdus. Les territoires de
Limmerick, de Corck, de Connaught, fe remplirent
de troubles. Henri rappela fon fils, 8c remit fes intérêts
entre les mains de Courcy , qui peu à peu
diflipa l’orage.
. C e lâche Jean, devenu roi d’Angleterre , étoit
baffement jaloux de cè brave Courcy , qui avoit
feul réparé: en Irlande toutes les fautes de Jean ,
lorfque celui-ci, par fa mauvaife conduite , avoit
forcé Henri II fon père de le rappeler. La compa-
raifon du mépris que ce Princë s’étoit attiré dans
cette î l e , avec la gloire que Courcy avoit fu y
acquérir, étoit infupportable au premier; 8c Courcy*
qui' ne voyoiten lui qu’un ufurpateur 8c qu’ un af-
faffin, refufoit de lui rendre hommage de quelqûes
provinces qu’ il venoit encore de foumettre dans
l ’Irlande. Le tyran fit marcher contre lui des troupes
qui furent battues ; mais il paya des traîtres
qui le lui livrèrent. Une prifbn fut le prix de tant
de fervices que Courcy avoit rendu s à la couronne
d’Angleterre.
CRÈME (G u id e ) , (Hifi.eccléfîaft. ) , cardinal
en 1 1 5 0 , fut Antipape en 1 1 6 4 , fous le nom de
Pafcal I I I , & continua le fchifme de Vi&or.
Un autre cardinal de Crème, qui vivoit environ
trente -■ neuf ou quarante ans auparavant , étoit
légat en Angleterre , dans un tems où ce pays
étoit très-agité par la grande queftion du célibat
des prêtres. Les Proteftans ont bien du plaifîr à
raconter l’aventure fuivante, qui à la vérité eft at-
teftée par tous les anciens auteurs eccléfiaftiques.
C e cardinal de Crème, en qualité de légat', tint un
concile à Londres, où il fit condamner rigoureu-
fement les mariages des prêtres..: Il fe diftingua par
une harangue pleine de z è le , où il appeloit leurs
femmes des projiituées 3 3c peignoit fortement 1$