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lé fie , fous le maréchal Schwerin. L e 6 mai 17 5 7 fe
lfvra la fanglante bataille de Prague , où périt c e
maréchal. L e général F ouqu é , qui le remplaça ,
fu t dangereufement blefle. U n coup de fauconneau
brifa dans fa main la garde de fon ép é e . Il fit lier
(on épé e à fa main bleflee , qui n’auroit pu la fou-
t e n i r , & continua de combattre. L e fuccès répondit
à fon cou rage ; il décida la viétoire
Mais fa bleflure le condamna enfuite pour long-
tems à l’ inaétion , 8c il ne put reprendre le commandement
qu’ au 8 feptembre fuivant.
L e 22 décembre. 17 5 7 , il atteignit à Landshut
l ’arrière-garde des Autrichiens 3 8c la mit en déroute.
Il commanda enfuite le blocus de S chweidnitz,
L e 21 mars '1 7 5 8 , il battit en co re les ennemis 3
& les pourfuivit jufqu’au-delà des frontières de la
Bohême 5 il revint auprès de Schwe idnitz , dont
on fit alors le fiége , 8c qui fut pris d’ alfa ut le 16
avril.
L e 16 mai 3 il eu t ordre d ’ inveftir O lm u tz , dont
il conduifit le fiége avec le feld-maréçhal Keith.
L e 14 ju ille t , il fut a tteint , dans la tranchée , d ’un
b o u le t de canon qui lui fit une contufion au pied
gauche j mais Los n’ ayant pas é té endommagé 3 il
fut p romptement guéri.
11 d é fen d it , pendant prefque tou t le relie de la
campagne , le fo r t de Landshut contre des forcés
très-fupérieures qu’ il réduifit à renoncer au p roje t
de pénétrer dans la Siléfie ; elles voulurent s’ en
dédommager en formant le fié g*. / . N e ilïe 5 il le
leur fit le v e r .
L e 31 ju illet 1 7 5 9 , il furprit le s ennemis pendant
la nuit 5 s’ empara de leur camp , de leur bagage ,
ch e v a u x , m u le ts5 fit un butin immenfe 8c beaucou
p de prifonniers. L e relie de ce tte année 8c
tou te l’ année 1 7 6 0 , il eut à fou ten iru n e guerre
d ifficile , avec des forces tou jou rs très-inférieures,
con tre les Autrichiens, dont il fit manquer la p lupart
des entreprifes. Il y e u t , l e .23 ju in , près de
L an d sh u t, une affaire générale , où la valeur & la
bonne cond uite furent obligés d e céde r au nombre.
Qu oiqu e dé fa it 8c accablé , le général F ouqu é y
fu t comblé de g loire. Pendant qu’ il donnoit fes
ordres au milieu du feu a vec le plus grand fang-
froid , il eu t fon ch eval tué fous lui 5 il tomba. Les
dragons de LoèVen ftein malfacrèrent tou t c e qui
l’ environnoit. Blefle de trois cou ps de fabre , au
f ro n t , au cou de 8c fur le d o s , il a llo it périr fi
T ra u ts ch k e , fon fidèle écuyer ( fo n hiftorien l ’ appelle
pa le fren ie r ), ne fe fu t je té au devant de lui
en parant ou recevant fur fon corps les coups
qu’on lui p o r to it, & en criant 8c répétant fans
ce lle de toute fa fo r c e : Vouleç - vous donc tuer le
général en chef ? L e colonel du régiment de L o e -
w'enfléin , nommé V o i t e n t e n d i t ces cris , accou
rut , difperfa les dragons , 8c releva le général
cou ve rt de fang. F ouqu é lui remit fon ép é e. V o it
fit v enir fon ch eval de p a ra d e , 8c l'offrit a FouquéA
qui le refufa en difant : Je rifquerois de fouiller ce bel
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équipage avec mon fang. — Mon équipage, répondit
le co lon el V o i t , ne peut que gagner a être teint du
fang d‘un héros. Il fallut b ien céder à un vainqueur
fi co u r to is , 8c monter le cheval offert. Lorfque le
roi de P ru d e , qui ven oit de partir de la Saxe pour
amener à F ouqu é un renfort déformais inutile ,
apprit c e défaftre 8c le malheur de fon ami : « F ou -
» qué eft prifonnie r, dit-il aux généraux qui Ren-
» tou r'oien t, mais fa captivité lui fait honneur j il
*> s’ eft défendu en hé ros . »
Fouqué fu t transféré de v ille en v ille , 8c to u jours
plus éloigné . L ’ intention de l’ Impératrice-
Reine é to it qu’ on eut pour fon prifonnier tous les
ménagemens dus à fon mérite & à fa réputation >
mais ce tte intention fut mal remplie. On honora
fon mérite d’ une manière p lus flatteufe p eu t -ê t re ,
mais moins ag ré ab le, en refufant conftamment de
le relâcher-avant la paix.
Les événemens qui arrivèrent pendant fa prifon-,
joignirent la perte de fa fortun e à la perte de la
lib e r té . La prife de G la tz , arrivée le 26 juillet
fu iv an t , un mois après la bataille de Landshut ,
lui coû ta tout fpn bien. Outre un caipital confidé-
rable en argent comp tan t, il tenoit des bienfaits
du R o i fix tabatières d’ o r , la plupart garnies de
brillans j des fervices de table de porcelaine 8c
en a rg en t , une bibliothèque choifie 8c une co llection
des plus belles gravures faites par le feu
ro i Fréd éric -Guillaume, en trente-trois volumes
in-folio , collection regardée alors comme unique
en fon genre , 8c que l'infpeéteur de la galerie
royale , Oefterreich , eftimoit cent mille écus.
T o u s ce s effets furent tranfportés à Brunn , pour
y ê t r e , d ifo it -o n , mis en d é p ô t, 8c on alla jufqu’ à
exiger du général F ouqué les frais du tranfport.
C e général avoit une fierté ferme 8c noble ,
que fes ennemis pouvoient aifénient taxer de hau-
; teur 8c d e rudeffe. Il s’ éle v a quelques contefta-
1 tions entre les officiers pruffiens prifonniers 8c le
confeil de guerre de la cour de V ie n n e , au fujet
de la fold e de ces officiers prifonniers. Fouqué
défendit/avec courage les droits de ceux-ci > il
e u t , à c e fu je t , des difputes viv es avec quelques
généraux autrichiens, & ne crut pas manquer au
refpeét qu’ il de vo it à l’ Impé ra trice, en acculant
fes agens de lui cacher beaucoup de ch o fe s , d’a-
bufer d© fon nom pour des in ju ltices , 8c d’in ter cepter
les Mémoires 8c les réclamations qu’ on
adreffbit à ce tte Princeffe.
C e s plaintes fatiguèrent d ’autant plus le confeil
de guerre de la c o u r , que fans d ou te elles n’ é-
toient pasfans fondement. L e con feil s’ en v en g e a ,
8c fit transférer Fouqué jufqu’à Carlftadt en Cro a tie.
C ’é to it à peu près comme fi l ’impératrice de
Ruffie l ’eû t exilé en Sibérie. Quand on lui apporta,
le 7 feptembre 1 7 6 1 , l’ ordre de M a r ie -T n é rè fe
pour ce tte tranflation : L Impératrice, répondit-il
avec la plus grande indifférence 3 peut m exiler ou
elle voudra , puifque le fort des armesjria mis en fa
puijfince ; mais la vérité ne fàuroit perdre de Jes
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droits 3 & je ne la deguiferai jamais. 11 arriva le 20
feptembre à Ca r lftad t, où il vécu t renfermé dans
fa famille 8c dans fon domeftique. Il n’ obtint fa l i berté
qu’ à la conclufion de la paix , 8c ne put retourner
à G la tz que le 7 avril 1763. L’ Impératrice .
lui envoya un officier pour l'in viter à fe rendre à
V ien n e , où on lui promettoit des diftinétions, 8c
on lui annonçoit qu'il fe ro it le maître de reprendre
fes meubles 8c fes b ijou x. Fouqué reçut ce tte offre
avec la politeffe con v en a b le , 8c ne parla de l’ Impératrice
qu’a vec l ’expreffion du plus profond ref-
pe£ t} mais il crut de voir refufer. « il m’ eft impof-
» f ib le , dit-il , de b a ife r ia main qui m’ a fi dure-
as ment frappé 5 mes b ien s, étant clans ce tte main,
» n’ ont plus de charmes pour moi > mon R o i , qui
»» me les avoit d o n n é s , peut feul me les refti-
m tuer. » On jugea divérfement de ce tte conduite.
Les uns n’ y virent que de l’humeur 8c du reffen-
timent j les autres y virent de la grandeur d’ame
8c de la fermeté. Paflons fur les formes : il eft certain
du moins que partout où il y a de grands fa-
crifices v o lon ta ire s , il y a de la magnanimité 5 mais
c’ é to it peut-être charger affez inutilement fon Roi
de lui refaire une fortune qui pou v oit fi facilement
8c fi juftement ê tre recouvrée. L e R o i parut en
effe t fe croire obligé de dédommager Fouqué de
ce que celui-ci avoit un peu volontairement perdu.
Il l ’avoit déjà nommé précédemment à la prévôté
de l’ég life cathédrale de Brandebourg, 8c Fouqué
l’ en avoit remercié par un b illet où il difoit au
R o i : « Il femble que vous a y ez pris à tâche de
» me combler d’ opulence , 8c p ou r comble d ’em
barras vous me faites ecclefiaftique. Je m’ ac-
« quitterai auffi mal des fon d io n s d e ce tte ch a rg e ,
» que du rôle d’A rb a te , fi je dois officier. | j \
I l avoit apparemment fourni fon contingent aux
plaifirs de R h e in sb e rg , en y jouant dans Mithri-
date c e rôle d’ Arbate. On fait que c-es repréfen-
tations théâtrales étoient le plus dou x amufement
de Frédéric dans fa retraite de Rheinsberg.
■ C e fu t ce tte prévôté de brandebourg que Fouqué
choiilt pour afile : « Je ne fuis plus b on à :
33 rien, écrivit il au R o i , 8c rien ne m’ eft plus çon-
»3 venahle que la vie de chanoine 8c le repos.j»
L e R o i meubla fa maifon, remplit fa ca ve de
v in , garnit fa table de f ru it s , le combla des plus
riches préfens en tou t genre , fit paffer à Brandebourg
tout ce qui p ou voir contribuer à rendre ce
féjoür agréable : le jardin fût orné d’ orangers apportés
de Sans-Souci 8c de Charlottembourg. Le
Roi partageoit tou t avec celui qu’il appeloit fon
vieux & fidèle ami. L e relie de la v ie du général
Fouqué devenu ch anoine, 8c de fa correspondance
avec le ro i de P ru ffe, n’e ll plus que l’hiftoire des
bienfaits de ce monarque envers F o u q u é , des
foins attentifs 8c délicats de fa généreufe amitié.
Jamais R oi n’ amieux démenti par fa conduite 8c par
fes fentimens, ces deux vers fi fou vent répé té s:
Amitié que les Rois, ces illuftrcs ingrats,
§unc allez, malheureux pour ne connoîtrc pas 1
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En confentant malgré lui à la retraite de F o u q
u é , que l’âge 8c les infirmités de c e général lui
rendoient néceffa ire, il prit Rengagement d’ aller
fouvent l ’y v ifite r , 8c il le remplit 5 il e x ig ea que
F ouqu é vint auffi le vo ir comme un voifin de campagne
: « V ou s me rendrez vifite q u e lq u e fo is , lui
33 é c r ivoit-il ; il n’y a pas loin 5 8c quand je (aurai
33 que vous voudrez v e n ir , je vous enverrai mes
33 cnevaux à moitié chemin. »
L orfque dans la fuite Fouqu é eu t perdu Rufage
de fes jam b e s, le R o i , qui a v o itp r is l’habitude de
fe promener folitairement 8c de. caufer familièrement
avec lui,, foi t dans les jardins de San s-Sou ci,
foit dans les allées de la pré vô té de Brandebourg,
ne voulut pas p erdre un ufage qui lui é to it fi cher :
on portoit F ouqué dans un brancard fur les te r -
raffes de S an s -S o u c i, puis ün petit charriot fait
exprès le promenoit dans les parties bafles des
jardins, ie Roi marchant toujours à pied à cô té de
lui 8c réglant fa marche fur ce lle du ch ar r io t, pour
être à p o r tée de s’ entretenir avec fon ami. C ep en -
dantla vieillefife 8c la maladie faifoient des progrès,
8c F o u q u é , demi-paralytique, fe v it hors d ’état de
prononcer une feule parole diftinélement.
O n inventa pour lui une machine q u i , au moyen
de l’ arrangement des le t t r e s , fuppléoit aux termes
qu’ il ne p ou voit plus a rticuler.: le R o i s’ en fervoit
quand il s’ entretenoit feul avec lu i, 8c fe donnoit
la peine d’ épeler en faveur de fon vieil ami. il entro
it avec lui dans tous les détails qui pouvoient
adoucir fon fort : « V ou s v iv e z trop en folita ire , 3»
lui dit-il un jou r j « il vous faudroitplus de fo c ié t é }
33 il fau droit que Vos fenêtres fan en t ornées dë
33 pots de fleurs , 8c que de petits chiens fautaffent
»3 autour de vous pour vous amufer. 33 F ouqu é rejeta
l’expédient des ch ien s , à caufe de la mal-prop
reté.
> « Mais vous les aimiez a u tre fo is , lui dit le Roi j
3» ne vous rappelez-vous plus vo tre Mélampo, qui
33 nous a tant de fois amufés à Rheinsberg ? 33
Q u e l Roi ! mais auffi que l homme vous êtes ! s’écria
Fouqué : comment avec tou te s les affaires ,
• non feulement du royaume , mais de toute l ’Europe
8c d’une partie de l’ Afie dans la tê te p o u vez
vou s vous fouvenir au b ou t de quarante ans
du nom d’ un chien de ch a f lê , qui même n’étoit.
pas à vous ?
Le Roi donnoit fou vent lieu à de pareilles exclamations.
Rien de plus (impie, de plus aimable ,
d e p lu s c a re ffan tq u e le to n dont il affaifonne toutes
fes faveurs ! T ou jou r s il lui envoie quelque préfent, 8c toujours chaque préfent annonce une tendre
follicitude pour fon ami.
ce Je vous envoie , mon cher am i, du caffé turc
33 q u ’un Mamamouchim’a donné. V o u s m’ oubüe-
33 rie z tout-à-fait fi je ne vous faifois reflouvenir
33 de moi. J’en aurai bientôt une n ouvelle occafîon,
>3 que je faifirai a v e c empreffement. 33
L e général F ouqu é répond :
« Grand D ieu 1 quel homme nous as-tu donné î