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réjaillit prefque fur elle. Elle pouffa un cri perçant
qui glaça tous les coeurs, & tomba fans connoif-
fance. On la reporta demi-morte dans fon palais.
L’ epoque de cet horrible événement eft l'année *477-
H U G U E T AN , ( Hifi. mod. ) , libraire de Lyon,
dont l'hiftoire paroît un roman , & dont la deftinée
fut en tout point fort fingulière , s’ il faut s’en rapporter
à l ’auteur des Mémoires de madame de Main-
tenon , qui dit l’avoir connu., & dont voici les
termes :
« Huguetan, originaire de /Lyon, réfugié , pour
caufe de religion 3 en Hollande, y fit une grande
fortune à vendre des bréviaires & des miffels. Il
revint en France, où il acquit , malgré fon calvi-
nifme , la confiance de Louis XIV. M. de Pont-*
chartrain l’ ayant contraint de figner des lettres^
de-change pour plufieurs millions , Huguetan révoqua,
par le même courier, les .ordres forcée
ment donnés à fes correfoondans, & fe retira à
la Haie, où il époufa la fille naturelle d’ un prince
de Nafiau, & obtint le gouvernement.de Viane,
afile facré des banqueroutiers. Le R o i , qui avoit
fait en partie les fonds de ces lettres proteftées ,
donna commiflion au capitaine Gaiitier de l’enlever.
Huguetan, trahi par fon valet-de-chambre,
fut conduit jufqu’ à la dernière ville de.Hollande,
à travers tous les canaux dont ce pays eft coupé.
La dernière barrière s’ouvroit lorfqu’un fo ld a t,
qui avoit entrevu une robe rayée au moment que
Gautier fortoit du carroffe pour donner quelques
ordres , s’avança & ouvrit la portière pour voir
la belle que les voyageurs cacnoient avec tant de
foin. Au lieu d’ une.femme, il vit un homme en
bonnet de n u it, les,fers aux mains, un .bâillon à
la bouche. La barrière fe referma. Gautier & fes
recors furent faifis & eurent la tête tranchée. Huguetan
offrit fes fervices à% cour d'Angleterre ,
qui les refufa* & à celle- de Vienne , qui le fit
baron. Il erra en divers pays , toujours pourfuivi
par fes craintes & par le contrôleur-général. Il s’établit
à Hambourg , où il in.troduifit un fyftème de
commerce qui mit la bourfe de cette ville-dans-un
défordre affreux : rie magiftrajt riej?.ri,a d’en fortir.
H porta en Dannemarck les richeffes & fon efprit:
On y vit ce que peut un feul homme. Il tira ce
pays de la barbarie; il y établit des. compagnies
maritimes, des manufactures, de laine & d e.foie,
& une banque un peu plus folide que celie;de Law.
Confulté fur to u t, .quoique fans èmpfoi, i l accrédita
fi bien les bons, principes de l’ adminifiration
des finances & du commercé, que les;républiques
les plus foupçonneufes prirent confiance en -la pro-
bité.de ce gouvernement, quoiqu’il;loit purement
defpotique. Frédéric IV érigea, pour lui & pour
fes defcendans., la terre de Guldeftéen en comté,
& Huguetan en prit le nom; I l obtint la clé de
chambellan , & .eniùite le cordon blanc de l’Ordre
de Danehrbg. 11 Vécut. aye;c, beaucoup demagni-:
H U N'
ficence, augmentant fon bien en marchand, & le
dépenfant en grand feigneur. Brouillé avec un minière
de Chrétien V I , il fe retira dans fes terres
en Holftein , & fit un fi grand vuide à Copenhague
, qu’il fut rappelé avec honneur. Je ne l’ ai vu
qu’ âgé de cent trois ans ; mais il paffoit encore
alors p ourl’homme le plus aimable dans la fociété,-
le plus prévoyant dans le confeil, le plus droit,
dans le commerce , & le plus compatiffant pour
les pauvres. Quoique la librairie eût commencé
fa fortune, il ne connoiffoit d’autre livre que Rabelais.
Quoique la cour de France l’eûtperféçuté
dans toutes:fes retraites, il aimoit la France uniquement.
Sa fille unique fut enlevée par le marquis
de Montéleon/ambaffadeur d’Efpagne. Il re-
rufa une de fes petites-filles, en mariage , à un
Prince du fang de Dannemarck. Ilmouruteni7j,o i
de chagrin de n’ avoir pu obtenir le cordon bleu de
L'Eléphant.»
H UNAUD & GAIFFRE, ( Hiß. de Fr. ) , ducs
d’Aquitaine. Le fameux duc Eudes, tantôt l’ennemi,
tantôt le protégé de Charles Martel, étoit
mort en 735', laiffant trois fils, Hunaud, Hatton
& Remiftain. Hunaud fut duc d’A q u i t a in e H a t ton
comte de Poitiers. Hunaud, à la mort de
Charles Martel, avoit c ru, comme on le croit toujours,
qu’un nouveau gouvernement feroit foible^
& il avoit fait des courfes dans diverfes provinces
de France. Carloman & Pépin-le-Bref fon frère ,
fils de Charles Martel, l'en avoient puni par les
ravages de fes Etats, & l ’avoient force de demander
pardon. La douleur qu’ il avoit reffentie de
cette humiliation, jointe au remords qu’il éprou-
voit d’avoir, dans .un mouvement de colère & de
jaloufie, fait crever les yeux à Hatton fon frère,
l’avoient détenfiiné à fe faire moineexemple qui
fut imité: depuis par Carloman, frère de Pépin.
Hunaud, en entrant dans le cloître, avoit laifïé
fon duché à Gaïffre ou Gaiffre.ou'Vaifre fon fils.
Celui-ci ne fut pas moins remuant que Hunaud
fon p è re , & il fut encore plus cruellement puni.
Il avoit profité de tous les mqmens où Pépin étoit
engagé dans des expéditions lointaines, pour faire
dfes courfes . dans diverfes provinces de France;
Quatre, fois Pépin , avec la rapidité de fon père j
étoit accouru d’une extrémité du royaume pour le
réprimer & le châtier, & chaque lois il lui avoit
enlevé une partie de fes Etats. ( Voye^, dans ce
volume,!’article.Loup I I3 le traitement indigne que
fit Pépin à:Remiftain;, frète de. Hunaud &• de
Hattori, & oncle de Gaïffre.-):Rien ne.ço.rrigeoit
le Duc. Enfin "Pépin, ayant pénétre pour la c:in^
quième? fois au fond de l’Aquitaine., y.-gagpa yne
grande bataillé contre Gaïffre, lequel,- dépouillé
de tous fes Etats aband onné de tous fes foldats.,
errant, fugitif,, cherchant partout un afile & n’en
trouvant.point,, fut tué par fes fujets même, qui
s’enjiuyîoient de tant dé guerre*,, ou par fes demef-
tiques , que Pépin avoit gagnés.. ..
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L’Aquitaine fut alors réunie à la couronne,
quoique Gaïffre eût un fils. C e fils, manquant de
moyens pour fe rétablir dans les Etats de fes peres,
s’en tint au duché de Gafcogne, qui lui fut laiffé
dans, la fuite > mais il conferva contre les Français
une haine éternelle, dont il leur donna , dans
Poccafion, des marques éclatantes. Ce fut le duc
Loup II. ( Voye\ fon article. )
• Cependant la querelle de l’Aquitaine n’étoit
point terminé^. Charlemagne, qui avoit fait fes pre- j
mières armes fous fon père contre Gaïffre en 7 6 1 , j
eut au commencement de fon règne , en 770 , à
combattre Hunaud, père de- Gaïffre. Le léger
dépit, le léger remords, qui avoient jeté imprudemment
cet -inconfiant Hunaud dans le c lo ître , •
ne purent tenir contre l’ambition , feul fentiment
profond qui fut dans fon ame » elle ne tarda pas
à éclater par des regrets & des retours vers le
fiècle. A la mort de Pépin-le-Bref, il s’attendoit
à voir renaître dans le royaume les mêmes divi-
fions qui l ’avoient déchiré à la1 mort de Charles
Martel & à celle de Pépin de Hériftal fon père.
Dans cette efpérance, Hunaud fort de fon cloître
-au bout de vingt-quatre ans , fe montre aux
.peuples de l’Aquitaine ; & ,, foit qu’ il eût fu s’en
faire aimer dans le cours de fon adminiftration,
foit que le defîr qu’ ont tous les peuples d’aVoir
un Souverain particulier, & de former un Etat à
p art, qui rafïemble fur foi tous les foins du gouvernement
, lui tînt lieu d’amour de leur part, ils
parurent féconder fes vues : en peu de tems il eut
une armée , & fut en état d’annoncer fes prétentions
î mais en bien moins de tems encore cette j
armée fut diffipée. Dès que Charlemagne parut, ,
l’Aquitaine reconnut fon maître & fe fournit.
Charles ne prit contre les Aquitains d’autres précautions
que de faire bâtir fur la Dordogne un
château .fo r t, qui s’appela Franciac, c’eft-à-dire, 1
Château des Français : on l’ appelle aujourd hui
Fronfac, nom dans lequel, à travers la corruption,
il eft aifé d’appercevoir la prononciation & la
-lignification primitives.
Hunaud chercha en vain les afiles les plus fe-
crets pour s’y cacher ; il n’en trouva point qui
. puffent le dérober au vainqueur. Les menaces de:
Charlemagne avoient effrayé, fes bienfaits avoient
- féduit : Hunaud lui fut livré, il fut enfermé. Ce
n’ étqit peut-être pas ufer d’une juftice trop ri-
goureufe envers un homme qui s’étoit lui-même
enfermé volontairement dans uncloître pour toute
- fa vie-,.& qui n’én étoit forti qu’en violant fes:
voe u x , & que pour exciter des troubles.
Mais; il faut avouer, i° . que la confifeation
faite par Pépin , dé l’Aquitaine, fur le mal'heu-
. reuic Gaïffre, pouvoit n’être pas fort jufte, 8c que
Hunaud vengeqiîffon fils.
20. Q ue, pour avoir Hunaud en fa puiffance, il
en coûta au jeune Charles d’exiger un crime, &
un crime honteux. Hunaud s’étoit réfugié chez
Loup I> duc de Gafcogne, fon neveu, fils de
Hatton. Loup avoit obligation de fon duché à
Charlemagne , & ne pouvoit le conferver fans
fon agrément. Charlemagne le lui avoit donné en
bénéfice, c’ eft-à-dire, à titre de fief mouvant de
la couronne. Charlemagne fe fervit de l’afcendant
que ces titres de bienfaiteur & dé fuzerain lai
donnoient fur le D u c , & furtout de la terreur qu’ il
étoit en état de lui infpirer, pour exiger qu’ il
lui livrât^ fon oncle. A la vérité, cet oncle avoit
fait crever les yeux à Hatton, père de Loup I î
mais cet ancien crime &les divifions qui en avoient
été la caufe & l’effet, fembloient expiés par le
repentir & par le tems > & l’intérêt général de la
Maifon d’Aquitaine en avoit réuni les différentes
branches, puifque Loup I avoit donné Adèle
fa fille unique en mariagè à Gaïffre fon coufin, &
: puifqu’enfin c’étoit chez L<oup I que Hunaud ,
dans fa fuite , chérchoit un afile. Cependant le
duc Loup eut la lâcheté d’obéir à un ordre qu’ il
étoit également afireux-, &r-de donner, & d’exécuter.
Obfervons que prefque tous les auteurs modernes
ont confondu ce Loup I , fils de Hattort &:
neveu de Hunaud, avec Loup I I , fils de Gaïffre
& petit-fils de Hunaud, ( dont voyei l’article ) .
Ils ont cru que Hunaud avoit été livré par fon
petit-fils y ce qui feroit encore plus affreux, mais
ce qui n’eft pas* 1 orfque Charlemagne eut répudié
fa fécondé femme Hermengarde., fille de
Didier , roi des Lombards ( voyet l ’article ci-
deffus 3 Etienne I V 3 pape ) , & l’ eut renvoyée à
fon père j lorfqu’ en conféquence de ce renvoi &
de divers griefs refpeèlifs la guerre s’ alluma entre
ces deux Princes, la cour de Didier devint l’afile
& le rendez-vous de tous les ennemis de Charlemagne.
Dans le même-tems le duc d’Aquitaine ,
Hunaud, ayant trouvé le moyen de s’échapper de
fa prifon , fe retira auffi chez Didier, avec lequel
il s’enferma dans Pavie, que Charlemagne ne tarda
pas à-preffer vivement. Gn fe défendit bien, &
le fiége tira en longueur j mais les peuples s’en-
nuyoient de la guerre, les coeurs fe tournoient
vers Charlemagne. On refpeéfcoit encore l’ infortune
de Didier; mais Hunaud, qu’ on regardoit
comme l’ auteur de la guerre, du moins comme
celui qui contribuoit le plus à l’entretenir, étoit
devenu l’ objet de l’exécration des Lombards. On
fé-fouleva contre lui; & il fut tué dans la fédititin
(7 7 4 ). Qu’avoit gagne ce malheureux à quitter
fon cloître pour réclamer l’Aquitaine ? Une prifon
plus r ig o ureufeu n e vie agitée, une mort violente...