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Trente, il préparoit en fe c re t, avec le cardinal
de Lorraine 8; les autres prélats français, les matières
qu’on devoir agiter dans ce concile.
J Divers Cardinaux du nom de Gualterio partagèrent
ce même fentiment. Le plus célèbre d’en-
tr’eux, & celui qui fe diftingua le plus par cet attachement
à la France, dont il aimoit à faire honneur
à t ute fa famille , fut le cardinal Philippe-
Antoine Gualterio
Il naquit la 24 mars 16 6b, à Fermo , ville de
l’Etat eccléfiaftique, dans la Marche d’Ancône.
Le cardinal Charles Gualterio fon grand-oncle ,
évêque de Fermo , & un autre de fes oncles qui
remplaça le cardinal Charles dans l’é v ê ch é , le
firent élever & inftruire en partie fous leurs yeux.
A dix-neuf ans il reçut le bonnet de doéteur dans
* les deux F acuités, de Théologie 8c de Droit. Avant
vingt-cinq ans il fut admis au nombre des prélats
référendaires de l’une & l’autre fignature. Les
papes Innocent X I , Alexandre V III, Innocent XII
& Clément XI l ’élevèrent fucceffivement à divers
emplois, 8c lui confièrent divers gouvernemens,
entr’ autres celui de Notre-Dame de Lorette , &
enfin la vice-légation d’Avignon.
On avoir déjà obfervé que, dans fon gouvernement
de Lorette , affable 8c poli envers tous les
étrangers, il accueilloit les Français avec une dif-
tinélion marquée 8c des égards tous particuliers.
La vice-légation d’Avignon le mit encore plus en
état de fatisfaire cette inclination pour la France.
M. le comte de Grignan , M. de Bafville, tous :
ceux qui commandoient dans les provinces voi- |
fines, louoient la fageffe de fon gouvernement,
& en rendoient à la cour un compte avantageux.
Il y eu t, pendant fon adminiftration après la paix
de Rifwick, une affaire à laquelle les principes per-
fécuteurs du tems donnèrent trop d’importance.
La principauté d’Orange , qui appartenojt au roi
d’Angleterre, Guillaume I I I , eft enclavée dans le
Comtat-V.enaiffin. Les nouveaux convertis des
environs; de cette principauté, qui étoient mal
convertis, ne l’ayant été qu’ à prix d’argent ou
que par les dragonades , alloient librement faire
la cène 8c lès autres exercices de leur ancienne
religion à Orange. Pour remédier à cet abus,
qui peut-être n’en etoit pas un , mais qui en pa-
roiftoit un énorme à Louis XIV , ce Prince très-
catholique avoit pris des mefures avec 1 hérétique
Guillaume , pour faire paffer dans le Comtat quel*
ques corps de troupes, qui tiendroient Orange
comme bloquée de loin 8c à une certaine diftance
de fon territoire , uniquement pour en défendre
l'entrée aux Camifards 8c autres Proteftans. Celui
à qui cet envoi de troupes dans le Comtat dé-
plaifoit le plus, étoit le Pape , non pas qu’il ne fût
fort d’avis de troubler les Proteftans dans l ’exercice
de leur religion 3 mais- cet envoi fur fon territoire:
des troupes d’ uné grande puiffance , & le
cohfentement qu’y donnoit une autre grande puif-
fahee, alarmoient 8c effarouchoient fa petite puif-
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fance. Gualterio trouva un expédient ; ce fut que
ces troupes étant réputées troupes auxiliaires du
Pape , & le Pape étant cenfé les avoir demandées
pour le maintien de la religion catholique dans le
Comtat, elles fuffent fous le commandement du
Vice -Légat, c’eft-à-dire, de Gualterio lui-même.
L’expédient pou voit être en effet fort b on, fi
Gualterio, qui étoit trop bon eccléfiaftique pour
etre un général ou pour en avoir la prétention ,
bornoit fon commandement fur ces troupes à les
laiffer dans l’inattion.
Au commencement de l’année 1700, le pape
Innocent XJI nomma Gualterio nonce en France.
C etoit de tous les emplois où Gualterio pouvoir
prétendre, celui qui étoit le plus félon fon coeur.
Le cardinal d Fftrees , qui avoit été fort ami du
feu cardinal Charles, grand - oncle du nouveau
nonce, apprit au Roi des particularités du zèle
& de la vénération de Gualterio pour la perfonne
de Sa Majefté3 il lui apprit une anecdote littéraire
de 1 enfance de ce nonce , qu’ il avoit connu à
peine âgé de huit ans , chez fon oncle. l es premiers
vers latins qu’un coeur déjà français avoit
infpires a cet enfant au collège, avoient été à la
louange de Louis X IV 5 mais fon régent n’avoit
pas cru devoir lui faire honneur de cette pièce ,
parce que, dans un de ces vers, il y avoit un pied
de trop. Le cardinal d’Eftrées auroit pu fe dhpen-
fer d’ajouter , 8c l’hiftorien de l’Académie des
belles-lettres de répéter après lui -, -que ces'fautes
contre la mefure etoient , dans un jeune poète y L* effet
ordinaire de la •vivacité des fenti mens. 11 n’y a ni
jeuneffe ni vivacité de fentimens qui tiennent 5
quand on fait des vers, il faut qu’ ils aient la mefure
, 8c le régent n’avoit pas tort.
La nonciature de Gualterio dura fix ans 5 il étoit
encore en France lorfque Clément XI lui conféra
l ’abbaye de la Trinité, dans le duché de
Milan , le nomma évêque d’ imola , cardinal &
légat a latere dans Ravenne 8c la Romagne. Le Roi
fit la cérémonie de lui donner le bonnet, & y
joignit les marques de bienveillance les plus distinguées.
Pendant fon féjour en France, Gualterio avoit
extrêmement cultivé les fciences & les favans, 8c
fuivi les bibliothèques. Il y avoit puifé les fecours
neceffaires à la compôfition & à la perfe&ion d’ un
ouvrage immenfe dont il étoit occupé depuis l’ âge
de vingt ans 3 c’étoit une Hiftoire univerfelle, du
plan le plus vafte & de l'exécution la plus difficile.
« 11 n’y auroit e u , dit le fecrétaire de l’Académie,
« auteur de^fon é lo g e , aucun pays, aucun peuple
»3 qui n’y eût trouvé fes annales 8c fes faftes dans
» un plus grand détail que partout ailleurs 3 c’eût
*>_ été véritablement la bibliothèque du Monde. »
Les matériaux de cet ouvrage formoient quinze
grandes caiffes qu’on embarqua pour lui fur un
batiment frété exprès à Marfeille , avec un amas
confidérable de livres choifis, des fuites de médailles
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dailles antiques A' modernes, des inftrumens de
mathématiques de toute efpèce, &c.
M. le cardinal Gualterio étant arrivé à Imola, ;
y apprit le naufrage de fon vaifféau & la perte ;
entière de Tes livres, mantiferits , médailles & _■
autres tréfors littéraires & favans ; il eut le courage
d’ën racheter d’autres qu’il eut encore le
malheur de perdre, en 1708, par les ravages dès
Impériaux, qui vivoient à diferétion dans l’Etat
eccléfiaftique -, ils pillèrent tout ce qui lui appartenoit,
8e il fut obligé de fe retirer a Rome pour
y mettre fa perfonne en fûreté. C ’ étoit au nonce
de France qu’on en vouloit, difoit-on, 8c non pas
au légat du Saint-Siégè ; & à la faveur de cette
diftindfion l’ on fe difpenfa de lui accorder aucun
dédommagement lorfque le Pape fut forcé de faire
fa paix avec l'Empereur.
11 fe confola de fa difgrace , par le motif au-
uel onl’attribuoit; il ofamême s’en faire honneur
ans le tems de nos plus grandes calamités. La
nuit du 31 décembre au premier janvier 17.10 , il
fit arborer les armes de France fur la porte de
fon palais. Louis XIV fentit que c’ étoit a lui a
récompenfer un dévouement fi généreux, 8c à dédommager
le Cardinal de tant de pertes 3 il lui
donna l’abbaye de Saint-Remy de Rheims & une
forte penfion fur le tréfor royal. Auffitot que la
paix d’Utrecht, conclue en 1 - 1 3, eut rendu les
chemins libres , le Cardinal partit pour revoir encore
la France , 8c remercier le Roi fon bienfaiteur.
Le Roi l’ embraffa, lui donna plufieurs fois
le nom d’ami, le logea près de lui à Verfailles, à
Marly, à Fontainebleau 3 8c comptant apparemment
fur l’immortalité dès cette vie , malgré fon
âge de foixante-quinze à foixante-feize ans , il lui
fit prendre l’ engagement d’ amitié de le revenir
voir tous les cinq ans.
" Le cardinal Gualterio ne fut pas moins bien
traité fous le règne de Louis X V . Dès la première
année de la régence, il fut nommé à l’abbaye de
Saint-Viftor de Paris, 8c fut fait commandeur de
l’Ordre du Saint-Ffprit à la promotion que le Roi
fit après fa majorité.
Il fut admis à l’Académie des belles-lettres en
qualité d’académicien honoraire étranger 3 il en
etoit bien digne par fon amour opiniâtre pour les
lettres 8c les fciences, qui fut; te l, qu’après la
perte de deux bibliothèques , de plufieurs fuites
de médailles 8c de recueils précieux de curiofités,
il laiffa une bibliothèque de trente-deux mille volumes.
A cette bibliothèque fuccédoient dans fon
palais une vingtaine d'autres pièces, les unes pour
les médailles 8c les pierres gravées 3 les autres *
pour les figures, vafès, inferiptions, urnes fepul-
crales 5 d’autres, pour l’Hiftoire naturelle des trois
règnes 3 d’ autres, pour les inftrumens de prefque
tous les arts, principalement de l’anatomie, de la
chymie, de l’ aftronomie 8c de l’optique, fur laquelle
on dit qu’il a écrit.
HifioireJ Tome Supplément.
G U I 163
Il mourut le 21 avril 172.8, d’ une troifième attaque
d’apoplexie.
C ’eft M, l ’abbé Gualterio Ton neveu , camérier
d’honneur du Pape, 8c fils du comte Gualterio ,
duc.de Cumies , l’ un des dix frères qu’ il avoit
eu s , qui apporta là barrette à M. le cardinal de
Fleury en 172.6.
Un autre de ces dix frères, évêque de T o d i ,
fut un prélat diftingué par fon favoir 8c fa piété.
GUIDACERIO ( A g a th 10 ) , ( Hifi. litt. tnod.),
fécond profeffeur en hébreu au Collège-Royal ;
nommé par François I. Les Médicis, Laurent,
dit l. Grand & lep'ere d 's lettres, 8c lé pape Léon X
fon fils, avoient donné l’exemple à François I de
"diftinguer ce favant par des bienfaits. Guidacerio , •
né à Rocca-Coragio dans la Calabre, avoit étudié
, puis enfeigné l’hébreu à Rome 3 il y étoit
encore dans le tems du fac de cette ville en 1 ^27.
11 raconte lui-même dans la préface de fa fécondé
Grammaire hébraïque, comment à travers mille .
douleurs 8c-mille périls il aborda en France, 8c
fe fixa quelque tems dans Avignon, ou il trouva
un protecteur utile dans le Vice-Légat, Jean de
Nicolaï, nommé depuis peu à l’évêché d’A p i,
prélat ami des lettres, 8c qui a mérité les éloges
du vertueux Sadolet. On croit que ce fut l’évê*
^ que d’Apt qui mena Guidacerio à Paris, féconder'
| Rçme, dit Guidacerio lui-même, « où François I
« me' fit un deftin plus tranquille 8c plus heureux
•m que les Médicis 8c tous les Papes n’avoient pu
"• m m en faire à Rome. &
Guidacerio eft auteur d’une Grammaire hébraïque
qu’ il avoit d’abord dédiée à ? éon X , 8c dont
il changea beaucoup la forme dans la fuite. Il fit
auffi des commentaires fur quelques Pfeaumes 8c
fur 'd’autres livres de la Bible, qu’ il dédia, foit à
François I , foit aux papes Clément VII 8c Paul III.
Les commentaires fur la Bible étoient une efpèce
d’ouvrage fort à la mode-alors : Erafme lui-même
en a fait, 8c de très-eftimés.
On ne fait pas certainement l’année de la naif*
fance ni de la mort de Guidacerio.
GUILLAUME , (Hift- de Fr. ) , dit la longue
épée, fils 8c fucceffeur de Rollon, premier duc de
Normandie. Ces Ducs s’empreffoient toujours
d’influer dans toutes les querelles des Princes car-
lovingiens 3 mais ils affeétoient d’y influer comme
médiateurs 3 ils réconeilioient fans ceffe les rois
de France , foit avec leurs vaffaux trop puiffans
foit avec les empereurs 8c les rois de Germanie.
C e perfonnage de pacificateurs donnoit à ces
Ducs une confidération qui affermiffoit leur puiffance,
qui leur procuroit des alliés, 8c qui.les
mettoit toujours de plus en plus en état de repouffer
les tentatives que faifoient dé tems en
tems les rois de France, foit pour réunir la Nor-
Y
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