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avec qui elle en avoit fi peu, elle lui dit : « J'étois
jj ce que je fuis avant que vous fuflîez au monde, »j
O r , cette Prihceffè étoit née le 6 décembre 168
Les témoins furent Bontemps , premier valet-de1-
chambre, 8c îe marquis de Montehevreuil. C e
dernier dit fur ce fujet à madame de Maintenon :
« Je vois avec un charme infini , Madame, qu'il
sj ne me fera pas poflible d'augmenter de'refpeCt
>3 pour VOUS .» L'archevêque de Paris, de Harlay de
Chanyallon , 8c le P. de la Ghaife furent les mi-
niftres. La cérémonie fe fit à un autel de la tribune
de l’ancienne chapelle de Verfailles-. L'aCte de célébration,
s'il a exifté , eft perdu. L'archevêque
l'emporta dans fa poche, dit M. de la Beaumelle.
« Il étoit fi négligent, que toutes les fois qu’ il
s» changeoit d'habit, il renfermoit dans une ar-
» moire celui qu'il quittoit, pour s'épargner la
» peine de mettre en ordre fes papiers. A fa m ort,
ss on trouva fous la c le f quantité de vieilles cu-
» lottes, dont l’une contenoit cet aCte, qui, après
ss avoir effuyé les pafquinades de tous les laquais,
* paffa de main’en main, peut-être dans celles de
» quelque homme peu curieux, qui, en lifant ceci,
»j dit : Je voudrois bien avoir cette pièce , & l'a
•sj dans un coin de fon cabinet. »
M. de Voltaire, quoiqu’il croie à ce' mariage
par d'autres raifons, dit que' ce conte n'éft' pas
même digne des laquais J 8c en effet, l'aütëur au-
fôit bien du nous dire de qui il1 Ië tient'. On n'a
donc que des Conjectures fur ie mariage, mais elles
font fçrtë'S.
( Voye^ ci-déffus , à l'article de l'abbé de Choify 3
ce qui concerne la traduction de l’Imitation , 8c
l'éftampe allégorique de madame de Maintenon. )
Le même abbé de Choify rapporte qu’ayant prie
Bontemps d’offrir à madame de Maintenon un exemplaire
d'un de fes ouvrages , Bontemps, dans le
compte qu'il lui rendit de c e qu'il avoit dit à cette
Dame, fe fervit de ces termes : Je fuis ajfuré que fa
Ma..... Il s’arrêta tout cou r t, rougit de fe.fur-
prendre dansl'iiïdifcrétion, 8c changea de propos.
Je ne fis pas femblant, ajoute l ’abbé de Choify ,
d’avoir ouï les mots facramentaux , 8c ne lui en ai
jamais parlé.
Madame de Maintenon ne laifïoit point pénétrer
fon fecret, mais elle ne nioit point fon état. Etant
un jour allée aux Carmélites , ouïes Reines feules
ont droit d'entrer, la fupérieure lui dit : « Ma-
» dame, vous favez nos ufages ,. ê'eft à vous à- dé-
» cider. — Ouvrez toujours, ma mère, répondit
« madame de Maintenon. jj
v Madame la Ducheffe, fille de Louis X IV , qui
avoit du talent pour les cfranfofts fatyriques , eh
ayant fait une contr'eüe : Me prehdroit-on , dit madame
de Maintenon , pour la maêtrejfe du Roi ?
Une de fes amies lui difantun jour : Vous n êtes
pas la dernière du royaume : — Taife^-vous , lui ré-
portdit-elle, tout cela neft que vanité.
Un enfant lui ayant dit : On affure que vous êtes
M A I
Reine ; elle he répondit que ces mots : Qui vous
Va dit. ? i/
Un autre montant en carroffe avec elle , 8c s'e-
criânt : J° ai les honneurs de la cour j elle fourit 8c
lui mit fon éventail fur la bouche.
Un payfan des environs de Fontainebleau la?
traitant de Majefté, elle rougit, 8c dit : I l faut donc
que tout ce que je Vois fo it flatteur.
Elle exclut, pendant quelques m ois , de faSociété
, madame d'Hëhdicourt, pour s'être avifee
de lui dire : Nos maris ne reviendront pas fitôt de là
ckaffe.
On prétend qu’ au contraire le duc dè Noaillés,
mari de fa nièce , fut un joui: au moment d'apprendre
par elle fon fecret, 8c; qu'il fe refiifa de
lui-même à cette confidence, qui ne lui parut pas-
fans inconvénient à l'égard du Roi.
On prétend âiiffi qu’un jour madame de Maintenon
grondant madame de Caylus, fa nièce à la
mode de Bretagne, lui difoit : Vous qûi pourrie^
faire ici la plus grande figuYe3 voits a qui je rènverrois
volontiers tout Vencens dont on me fatigue ; 8c que
tout a coup baiffant la voix fans rien diminuer de
la véhémence de fon ton , elle ajouta : Vous pourtant
nièce d'iérte- Reine J
Un jour d 'é té , le R oi ayant pris médecine,
Monfîeur, qui entra dans fa chambre , lé trouva
dans fon lit un peu négligemment couvert. Madame
de Maintenon étoit dans la- chambre. Le
Roi ne voulut pas biffer fubfifter dans l’efprit de
fon frère un foupçon défavorable à fon amie. De
la manière dont vous me voye% devant Madame ,. lui
dit-il , vous juge^ bien ce qu elle m eft.
Madame la Dauphine, prétendant avoir un fauteuil
devant une Reine étrangère" ( apparemment
la reine d'Angleterre ) , difoit : Je ne fuis pas reine
de France 3 mais f en tiens la place. Le Roi rép ondit :
Pas encore.
Mignard , peignant madame de Maintenon en
fainte Françoife romaine , demanda au Roi en
fondant, fi , pour orner le portrait, il ne pourroit
pas mettre un manteau d'hermine. Oui, dit le Roi,
jointe Fran'fdife le mérite bien.
Mademoifelîe Bernard fit ce madrigal fur les
portraits du Roi 8c de madame de Maintenon ,
peints par Mignard :
Oui, votre arc, je l ’avoue, eft au deffus du mien.
J’ai loué mille fois notre invincible maître j
Mars vous, en deux portraits vous le faites connoître.
On voit aifément dans le fiert
Sa valeur, fon coeur magnanime j
Dans l’autre, on voit fon goût à placer fon-eftime.
Ah! Mignard, que vous louez bienil^;
Le dernier volume du Recueil des Lettres de ma-
dame de Maintenon , volume publié par M. l’abbé 1* Berthier, finit par une dettre de M. Godet-Def-
marais, évêque de'Chàrtre'S, directeur fpirituel dé-
madame de Maintenon, 8c l'homme le plus.iuftruit
de ce qui concerne 3 8c l'état, 8c la confidence de
cette Dame. Cette le ttre , dont tout établit l’authenticité
, eft adreffée à Louis XIV, quelque tems
après la paix de Rifv/ick. Voici ce que lu! dit l’évêque
au fujet de madame de Maintenon :
ce Vous avez une excellente compagne**... dont
jj la tendrejfe , la fenfibilité, la fidélit é pour vous font
jj fans égales...... Je ferois bien fa caution, S ire ,
33 qu’ on ne peut vous aimer plus tendrement..... Die.u
a» vous a voulu donner une aide femblable a vous.....
33 envous accordant unefemme... occupée de la gloire
» 8 c du falut de fon époux. >j
Madame' de Maintenonécrivoit,le 28 juillet 1698,
à l’archevêque de Paris ( Noaillés ) . ce Comptez ,
33 Monfeigneur , que vous ne me verrez plus que
33 chez moi : vous ne me traitez point familiére-
» ment. Sur quel pied pouvez-vous me faire des
ss cérémonies, comme de venir me recevoir au
39 bas du degré, 8c de m’accompagner à mon car-
33 roffe avec tout ce qui eft chez vous Vouïe£-
33 vous trahir monfécret ? Eft-ce que vous etes aufli
33 adorateur de la faveur ? ou eft-ce que vous m’en
99 croyez enivrée f v
Madame la ducheffe de Bourgogne n’appeloit
jamais madame de Maintenon que fa tante, 8c
avoit avec elle, des manières aufli refpeétueufes
qu’affe&ueufes j d’ailleurs, toutes les grâces, toute
la gaîté, tout le badinage d’une enfant aimable. Un
jop r, dit M. la Beaumelle, qu’elle s’étoit mife dans
fa niche (cetteniche, quelle qu’elle fu t , étoit apparemment
la place d’honneur ) : Oteç-vous donc,
lui dit le Roi 5 ne voyeç-vous pas que vous êtes à la
place de Madame ?
Enfin, madame de Montefoan, voyant à une
fenêtre le Roi rire avec madame de Maintenon
de l’ air le plus familier, dit: ce S’ ils étoient mariés,
93 s’aimeroient-ils tant ? S’ ils ne l’étoient pas , fe
» permettroient-ils ces familiarités ? 33 . -
Cléopâtre, déj a vieille, enchaîne Auguftet dit M. de
la Beaumelle : elle l’ enchaîna fi p eu , qu’ elle fe fit
piquer par .un afpic , parce qu’ Augufte vouloit la
mener enchaînée à Romej mais elle avoit fubiu-
gué Céfar 8c Antoine > 8c elle étoit alors dans l ’age
de plaire.
Madame de Maintenon ne favoit pas demander,
& fa famille fe plaignoit de l’ excès de fon défin-
téreffement. Vous voule^ 3 lui difoit madame de
Villette , jouir de votre modération, & que votre
famille en foit la viêlime. Le Roi lui difoit fouvent:
Mais , Madame, demandez, vous n’avez rien à
vous. Sire, répondoitelle, Une vous eft pas permis
de me rien donner.
Elle fut nommée fupérieure perpétuelle de la
communauté de Saint-Cyr, qu’ elle avoit fondée.
Les Dames lui envoyèrent une croix d'or femée
de fleurs-de-lys, où étoient .gravés ces deux vers
de Racine :
Elle eft notre guide fidèle ;
Notre félicité vient d’elle.
DôUble allufion 3 & àja croix, & à celle qui de-
voit la porter. M. de la Beaumelle obfetve que,
dans les lettres-patentes de fondation, elle eft
nommée madame de Maintenon, quoique , félon
le ftyle de la chancellerie, elle dût être nommée
la dame de Maintenon. Remarque petite, mais
peut-être aflez jufte. _ t
Âffurément M. dé la Beaumelle avoit quelquV
yerfipn pour Racine. II dit qu’avant Efiher, ce
poète n avoit encore fait que Phèdre , 8c que C o r neille
^voit fait Rodogune 8c Héraclius.
i° . Etoit-ce avoir fait fi peu que d’aypir fait U
tragédie de Phèdre ?
2°. Racine n'avoit-il fait que Phèdre ? Atidro-
maque, Britannicus, Bajaçet , Mithridate, 8c fur-
tout Iphigénie, que M. de Voltaire préféroit à tout :
tout cela doit-il être compté pour rien ?
30. Corneille avoit fait Rodogune, Héraclius 8c
plufieurs autres pièces, ou égales ou fupérieures >
mais dont aucune n'approche de b perfection de
Phèdre, quoique pleines de beautés qufon ne peut
trop admirer.
M. de 1a Beaumelle s'amufe à parodier, comme
eût pu faire Scarron, tout ce que Racine a fi magnifiquement
ennobli dans ce prologue de 1a piete ,
chef-d'oeuvre de poéfie, monument qui fera chérir 8c refpeéter dans tous les fiècles cette noble infti-
tution de Saint-Cyr. «« 11 repréfente le roi 8c la 39 reine d’Angleterre, ravis qu'on peignitle Saint-
33 Père qui avoit contribué à les détrôner, comme
33 un aveugle a qui le diable avoit crevé les yeux ; .33 Louis un peu confus de l'impie plainte dç Ig. piété, .33 qui faifoit valoir à Dieu fon exactitude oc fon
33 recueillement d la fainte mejfe. 33 Vo ic i maintenant
les endroits critiqués.
Tout femble abandonner tes facrés étendards,
Et l’enfer couvrant tout-de fes vapeurs funèbres,
Sur les yeux les plus faines a jeté fes ténèbres.»
Pouvoir-on parler avec plus de ménagement,1
plus d’art, plus de convenance, plus de nobleffe,
d’ un Pape, d’ailleurs pieux 8cvertueux, mais allié
des hérétiques , qui rourniffoit de l’argent 8c faifoit
dire des meffes pour obtenir que 1a meffe fût
abolie dans la Grande-Bretagne, 8c qu’une fille
détrônât fon père ? Quant à Louis X IV , non-feulement
Racine loue fon recueillement , mais il entreprend
d’ennoblir 8c de fan&ifier jufqu’ à'cette
petite dévotion de bonne femme, fi l’ on veut , qui
confifte à baifer la terre dans l’ églife par humilité ; 8c jamais le poète n’ a été fi grand, fi harmonieux,
fi impofant, fi fublime qu’en décrivant une fi petite
chofe. Voilà la magie de 1a poéfie 8c le prefc
• tige çle l'art.
Tu Iç vois tous les jours devant toi profterné,
Humilier ce front de fplendeur couronné,
Et confondant l’orgueil par d’auguftes exemples s
\ Baifer ayec refpeCt le payé de tes temples.
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