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[indulgence de ce Prince, même pour les défor-
dres de Tes filles, 8c que fa bonté, pouffée jufqu'à
la foibleffe dans fa famille. Le romancier efpagnol
le peint au contraire comme le tyran de fes filles
8c de fes foeurs. Tout trembl it devant lui. Berthe
fa foeur conçut pour Mil on d'Anglante , comte
d'Angers , un amour qui fut poulie jufqu'à l'oubli
de tout devoir & de toute bienféance. Sa honte
alloit éclater ; elle étoit groffe. Les lois de Charlemagne
étoient très-rigoureufes contre les filles
qui tombôient dans cette faute : il n y alloit pas de
moins que de la vie 8c les Princeflès même du
.fang. royal étoient d'autant pioins exceptées de la
rigueur de ces lo is , qu elles dévoient 1 exemple,
8c qu'étant plus défendues contre la féduétion ,
elles avoient moins ,^'excufe. Mais.le Prince pourvoit
toujours faire grâce. Berthe fe jette aux genoux
de fon frère, lui avoue fa faute 8c fon malheur
, 8c implore fa miféricorde. Son inflexible
frère la repouffe 8c la fait mettre en prifon. Son
amant la délivre, s'enfuit avec elle : ils s’établifîent
dans une caverne, au fond d'un défert dans l'Italie
alors dévaftée loin des violences de leur perfe-
cuteur, mais auffi loin des fecours humains. Pendant
qu'ils fe cachoient ainfi à tous les yeux , 1 implacable
Charlemagne mettoit leurs têtes à prix ;
il promettoit cent mille écus d’or à qui les repré-
fenteroit morts ou vifs. Un jour Miion revenant
de chercher des provifions dans le s-cabanes les
moins éloignées, 8c de s’affurer des fecours pour
les couches prochaines de fa femme, trouve, à
l'entrée d'une grotte placée au deffous de la caverne
qui leur fervoit d'afile, un enfant vigoureux
qui avoir roülé depuis la caverne jufqu'à l'entrée
de cette - grotte , 8c q u i, par cette raifon, fut
nommé Roulant ou Roland; c’étoit fon propre fils :
Eerthe venoit de le mettre au monde par les feules
forces de la nature pendant l'abfence de Milon.
Celui-ci apperçut bientôt la mère, qui, toute lan-
guiffante 8c toute éperdue, fe traînoit avec effort
vers le lieu ou fon enfant étoit tombé.
Le petit Roland ne tarda pas à fe diftinguer par
fa fo rc e , par fon audace, par fa valeur ; il fe fit
«Aimer 8c aimer des compagnons-de fon enfance.
La ville la plus voifine du.défert qu'habkoient fes
parens étoit Sienne le s enfans de cette v ille ,
attirés par la réputation naiffante de Roland, ve-
jnoient partager fes jeux 8c fes premiers exploits.
Milon & Berthe étoient fi pauvres , qu'ils n'avoient
pas de quoi lè vêtir. Quatre de fes jeunes amis, 61s de quatre différeras marchands de drap de
Sienne, affligés de le voir aller ainfi prefque nu,
demandèrent chacun à leur père un morceau de
drap, dont on fit un. habit au jeune Roland ; les
quatre morceaux fe trouvèrent de quatre couleurs,
différentes ; ce qui fit furnommer l’enfant, Roland
du Quartier. Tels furent, félon Eflaya, les com-
mencemens de ce fameux paladin.
Milon, en traverfant à la nage une' rivière débordée^
portant fon fils fuy fes épaules , fe noie
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o.u paroît fe noyer ; un goufre l'engloutit ; il dif-
paroît; Roland regagne le bord, 8c le voilà dé*
formais la feule refloUrce de fa mère.. Un jour
Berthe , voulant fortir de fa caverne , trouve à
l'entrée un ferpent monftrueux, qui l'entoure de
manière qu'elle ne peut échapper; mais fi le fer.
pent F avoit effrayée par fon afpe&, il la raffura
par fés difcours : ce ferpent étoit une F é e , 8ccette
Eée étoit la fille du premier roi des Francs ou plutôt
des Gaulois, quin’eftni Clovis ni Pharamond,
mais Samothée ou Samothés, fils ouffrèrede Go-
mer, 8c petit-fils de Japhet, fils de N o é .'C è Samothés,
grand-père de Magog ; avoit inftitué.le
collège des Prêtres ouProfeffeurs> nommés de fon
nom, Samothées. Ainfi ce ferpent ou cette.Fée,
ou cette Princeffe,-étoit une forte de divinité tutélaire
de la France ; elle avoir époufé un enchanteur
qui, pour quelqu'infidélité qu'elle lui avoit
faite, l 'avoit ainfi métamorphofee ; mais cette
punition n'étoit que pour un tems, 8c le terme où:
elle devoit finir, approchoit. La Fée annonce aufli
à Berthe la fin de fes malheurs ; elle lui annonce
qu'elle reverra Milon, 8c qu il va fe faire un changement
heureux dans fa fortune. Roland , dont'
chaque jour augmentoit la force 8c le courage,
fe charge d’ accomplir ce dernier oracle, lin'avoit
que deux moyens- de pourvoir à la fubfiftance de
fa mère; l ’un étoit de demanderl'aumône, l'autre
de fe la faire donner ; ce fécond parti étoit le plus
conforme à fon humeur, i Empereur étant venu
tenir fa cour à Sienne pendant quelques jours,
Roland ne fe contenta point de la portion que
1 on donnoit aux pauvres, de ladefferte de la table
de Charlemagne; il entre dans la falleoù man-
geoit ce Prince, prend à fa vue, fur la table, un
plat d’argent couvert de viande, 8c le porte à fa
mère. L'Empereur voulut voir où aboutiroit ce
hardi badinage ; il fit ligne qu’ on laiffât pafferl'enfant,
fans-lui faire aucun mal. Berthe réprimande
fon fils de-fon vol 8c de fa hardi&ffe , en profite
cependant , 8c après avoir mangé, le renvoie reporter
au moins le plat. Roland retourne au palais,
retrouye l’ Empereur à table, remet tranquillement
le plat d'argent,en apperçoit un d'or chargé
d'un mets , dont il lui parut agréable de faire goûter
à fa mère ; il Remporte avec la mêmé fécurité
qu'il avoit emporté le premier. L’Emperéur lui crie,
en groffiffant fa voix pour l'intimider : Enfant, que
fais-tu là?' L'enfant lui répond du même ton &
en le contrefaifant : Crois-tu me faire peur avec ta
grojfe voix d’Empereur ? Tu as trop à manger ; ma
mère meurt de faim partageons. Cette audace plat
à Charlemagne; il crut voir quelque chofe de fur-
naturel dans cet enfant ; il le fait fuivre : on entre
fur fes pas dans la caverne; on fe met en devoir
de l'arrêter 8e de le conduire à l'Empereur. Sa
mère s’élance fur les raviffeurs avec la fureur d'une
lionne à qui on enlève fes petits ; elle eft reconnue
à linftant, 8c elle reconnoît elle-même, dans les
officiers de 1 Empereur charg-és de cette conr
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fniffîon, des vaffaux de Milon fon mari : élfe en
|ff traitée avec toutes fortes de refpeéls.;1 mais ils
font obligés de la conduire à Charlemagne. Le
ferpent, redevenu F é e , difpofe le coeur de ce
Prince à oublier les torts de la foeur, pour ne voir
que fa mifère: Elle rentre en grâce, 8c reprend
fon rang à la cour : pour comble de bonheur, la ’
Fée lui rend Milon fon mari, qu'elle avoit enlevé
8c tranfporté dans fon palais au moment où il fe
îioyoit.
■ Le petit Roland eft reconnu pour neveu de
Charlemagne ; mais il ne voulut quitter l'habit de
quatre couleurs, qu'il devoit à l'amitié 8c à la
pitié de Tes camarades , que quand il feroit.â’rmé
chevalier : il ne tarda pas à mériter cet honneur.
Le rëfte de fon hiftoire eft connu par la foule des
romanciers 8c des p oètes , furtoUt par VOrlando
Innamorato du Boyardo, par l' Orlando Furiofo de
i'Ariofte , par le Rinaldo Innamorato , premier ouvrage
du Taffe, dont Roland 8c Renaud font Les
deux héros. Dans tous ces ouvrages, Roland eft
un paladin plus terrible qu'aimable ", bizarre dans
ïes exploits , bizarre dans fes amours , qui tantôt
exécute des faits d'armes au deffus de toute
croyance, tantôt fe dérobe volontairement aux
occafions de gloire qui lui font préfentées ; qui
refufe par humeur à Charlemagne de fe battre contre
Fierahras, Roi farrafin, lequel étoit. venu défier
toute la chevalerie françaife, 8c q u i, lorfqu'Oli-
. Vjer, fon coufin 8c fon ami, accepte le combat à fa
place, meurt prefque de confufion 8c de jaloufie ;
qui enfin devient tou d'amour, 8c dont la folie ,
qui pouvoir être fi intéreffante, eft baffe 8c cra-
puleufe. ’
i|T o u t ce que l'Hiftoire dit de lui, c'eft qu’il étoit
fils de Milon, comte d'Angers, 8c de Berthe, foeur
de Charl emagne ; qu'il fut gouverneur des côtes
de l’Océan britannique , 8c qu’il périt a cétteTatale
défaite de Roncevaux, en 778.
■ y0, Charlemagne eut auffi une fille nommée
Berthe : c ’eft celle qui eut deux enfans d'Angii-
bert avant de l'avoir époufé. ( Voye{ , dans ce
Supplément, l'article AagiLbert. )
w RILLETTES ( de s ) . ( H i f . des fciences .y Gilles
Filleau des Billettes, de l'Académie des fciences,
fie a Poitiers en 16^4, étoit frère puîné de M. de
la Chaife 8c de M. de Saint-Martin, dont nous
avons parle à l'article Chafe (d e la f f Veyei le
©iétionnaire..)
B-M. des Billettes étoitfort verfé dans l'Hiftoire,
dans la fcience des généalogies , dans la connoif-
fance des livres , furtout il poffédoit le détail des
arts; il en a décrit plufieurs, 8c c'eft à ce titre que
Bftc.adémie des fciences , qui avoit conçu le dtf-
fein de faire la defeription de tous les différens-
jf.ts , crut que M. des Billettes lui feroit nécef-
wire ; elle le nomma, en 16995 un de fes penfion-
fiaires mécaniciens. Il mourut âgé de quatre-vingt-
fix ans, le i j août 1720, ayant dès le 10 prédit
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fa mort pour le jour où elle arriva effectivement.
C'eft de lui que M. de Fontendie a raconté-
avec des précautions fi adroites, qu'elles ont non-
feulement fait paffer, mais confacré ce fait comme
un beau trait de caractère, « que quand il paffoit
m fur les marches du Pont-Neuf, il en prenoit les
m bouts qui étoient moins ufés* afiaque le milieu
» qui l ’eft toujours davantage, ne devînt pas trop
» tôt un glacis. Une fi petite attention s’ennoblif-
« {bit par fon principe ; 8c combien ne feroit-iL
» pas a fouhaiter que Le bien public fût toujours
m aimé avec autant de fuperftition ! «
V o ic i encore un trait de caractère bien refpec-
table, 8c en même tems un mot,, foit de M. des
Billettes, foit de fon paaégyrifte , bien philofo-
phiquement délicat.
. « Perfonne n'a jamais mieux fu foulager, 8c les
» befoins d’autrui, 8c la honte 3 de les avouer. 11 > difoit que ceux dont on refufoit le fecours
33 avoient eu l'art de s'attirer ce refus, ou n’avoient
33 pas eu I art de le prévenir „ 8c qu ils. étoient cou-
33 pâlies, d’être refufés., 33
B ITUIT. ( Hiß. rom. & hïfi. anc. des Gaules. )
C 'e ft le nom du premier Roi ou ch e f des Gaulois
vaincus par les Romains, 8c traîné en triomphe à
Rome. Les hiftoriensle qualifient riche 8c puiffant
Roi des Auvergnacs. En général, l’hiftoire des-
Gaulois Sç de leurs rapports avec les autres peuples
eft prefqu'ineonnue jufqu'au tems de l'arrivée des;
Romains dans les Gaules. Les Phéniciens, ce
peuple navigateur , avoient connu 8c fréquenté „
avantîes G recs, les côtes méridionales des Gaules ;
mais il ne paroït pas qu'ils y euffent fait d'établif-
fement ni fondé de colonies. Des habitans de lai
ville de Phocée , colonie grecque en Ionie, dans
l'Afie mineure , après avoir couru toute la Méditerranée,
fans autre deffein que de fuir leur patrie
8c de s’ établir ailleurs, s'arrêtèrent enfin fur la
côte méridionale de la G au le , 8c y bâtirent la
ville de Marfeille dans le fécond fiècle de l 'ère-
chrétienne« Onne dit pas quel fujet fi preffantchaf-
foit ces Grecs de leur patrie : de grandes haines
avoient part fans doute à cette émigration ; car o r
nous les repréfente jurant avec, de grands fermens,
8c de fortes exécrations de ne jamais revenir chez
eux.
Vhoc&orum
Ve!ut prof.agit execrata civitas'
Agros atque lares proprios kabitandaque fana
Apris reliquit & rapacibus lupis.
Ils jetèrent , dit-on ,,une barre de fer toute rouge-
dans la mer, 8c promirent de ne revoir là Grèce;
8c l 'Afiè que quand ils auroientvu cette maffe de fe r
remonter d'elle-même à flot. C'eft à peu près Bai
formule du ferment qu’Horace , après avoir cité;
leur exemple, propofe aux Romains de faire e©»
quittant Rome, en haine des guérre&civiies-:.