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3> & meme des têtes couronnées. Plufieurs lui ap-
« portoient ou lui envoyoient des animaux 5 des
*> plantes j.des foffilles, des coquillages de toutes
» les parties de la terre , des rivages de toutes les
*> mers. Ariftote , pourraffembler fous Tes yeux les
» productions de la Nature , avoit eu befcin qu’À-
*> lexandre f ît la conquête de I’Afie. Pour raffem-
»» bler un plus grand nombre des mêmes produc-
» tions , que falloit-il à MV de Buffon? Sa gloire. »
On a vu dans le cours de la dernière guerre,
c ’eft-à-diré, de la guerre d’Amérique , des corfaires
anglais renvoyer à MTde Buffon des caiffes à fon
adreffe , trouvées fur des bâtimens qu’ ils avoient
pris, & garder d’autres caiffes qui appartenoient au
roi d’ ETpagne : des armateurs montroient plus de
réfpe&pôur le génie que pour la fouveraineté.
On ne réunit jamais tous les fuffragés. Remarquons
ic i, comme une anecdote littéraire, que
M. d’Alembert, foit par la nature particulière de
fon g oû t, foit par l’effet de quelque paffion, n'ai-
moit ni la perfonne ni les talens de M. de Buffon.
Ces belles phrafes li harmonieufes j fi majeftueufes,
ne lui paroiffoient que de l’emphafe & de l’enflure 5
il n’appeloit M. de Buffon que le grand phrafier3 le
roi des phrafitrs , le grand modèle des petitspfirafîers~.
M. de Buffon, inftruit de cette averfion deM .d ’A-
lembert, St fachant qu’il exerçoit fur lui le talent
lîngulier qu’il avoit pour contrefaire , le traitoit de
fïnge, & affeéloit pour lui un mépris qui ne pouvait
guère êtrefincère, ou qui du moins auroit été
bien inj lifte.
# M. de Buffon étoit né le '7 feptembre 1707. Sa
vie entière eft dans Tes ouvrages, St c’eft là qu’il
vivra éternellement. Il eft mort 4e-la pierre : c’ eft
dire que fa mort a été précédée St préparée par
de grandes douleurs , & qu’ on ne peut pas citer
fon exemple à l ’appui du foin qu’il avoit pris de
raffurer l’efoèce Humaine fur la crainte des douleurs
exceffives qui peuvent accompagner la diffo-
lution de nos organes ; mais s’il fouffrit beaucoup
St long-tems , fi la douleur ne put détruire que
lentement un corps fi bien organife, s’ il eut befoin
d’oppofer un grand courage à de grandes Touf-
frances & à de longues infomnies , il eut à fe féliciter
du moins d’avoir confervé une tête toujours
libre , une préfence d’ efprit parfaite, St jufqu’ au
dernier moment l’amour des devoirs qu’ il s’étoit
impofés 11 fuccomba la nuit du 1 y au 16 avril 1788,
& dans la matinée du 15 il avoit encore donné
des ordres pour les travaux du Jardin des Plantes,
& remis à M. Thouin une fomme de 18,000 liv.
pour ces travaux.
Son corps ayant été ouvert après fa mort, on
lui trouva cinquante-fept pierres dans la veflie :
plufieurs étoient groffes comme une petite fève ,
trente étoient cryftallifées en triangle, St pefoient
enfemble deux onces & fix gros. Les gens de l’ art
qui ont fait l’ouverture, croient s’être affurés
qu’il auroit p>u être taillé facilement &fans danger ;
mais il ne put s’y déterminer dans les commen-
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cemens, parce qu’il doutoit ou cherchoit à douter
qu’ il eût la pierre, St dans la fuite, parce qu’il douta
encore plus du fuccès de l’ opération , St qu’il crut
devoir s'abandonner à la Nature , dont il s’ étoit
peut-être exagéré les reffources.
Toutes les autres parties étoient parfaitement
faines. Le cerveau s’eft trouvé, dit-on, d’ une capacité
un peu plus grande que celle des cerveaux
ordinaires.
Il fut préfenté le 18 avril à Saint-Médard fa
paroiffe, puis tranfporté à Montbar, où il avoit
defiré d’ être réuni à fa femme dans le même caveau,
A travers les éloges académiques, qui font les
principaux matériaux de cet article, on voit que
les plus grands panégyriftes de M. de Buffon, en
rendant juftice à fes talens , à fes lumières, à Tes
connoiffances, neie jugent pa-s irréprochable, St
ne le regardent pas comme le plus exaèl des natu-
raliftes. C ’eft un grand écrivain, un grand peintre
en hiftoire naturelle ; mais les phyficiens, les ob-
fervateurs, fe défient un peu de fa brillante & poétique
imagination. L’ opinion de M. d’Alembert,
portant fur le ftyle même , eft fans doute injufte ;
mais un homme qui fut toujours incapable de la
moindre injuftice, JVl. de Malesherbes, pour venger
Linnæus St d’autres naturaliftes, a écrit contre
les premiers volumes de l ’Hiftoire naturelle de
M. de Buffon , où ce Pline français, qui n’avoit
pas encore allez étudié l’hiftoire qu’il entrepre-
noit d’écrire., s’eft principalement livré à l’efprit
fyftématique. Dans cet ouvrage ( car c’en eft un
affez confidérable ) , fi M. de Malesherbes pa^oît
toujours plein de refpeét pour le génie St l’éloquence
de M. de Buffon, il n’ eftimè pas autant fes
fyftèmes, St P on ne fait ce qui étonne le,plus, ou
de la multitude d’ erreurs qu’ il relève & rend fen-
fibles dans M . de Buffon, ou de l’immenfîté des connoiffances
de M. de Malesherbes dans les diverfes
parties de l ’Hiftoire naturelle j. elle étoit la même
dans tous les. genres de fcience, d’hiftôire & de
littérature 5 mais par un motif plus eftimable encore
que tant de connoiffances, M. de Malesherbes
n’ avoit pas deftiné cet ouvrage à J’impref-
fion* jamais il n’ eût pu fe réfoudre à mortifier qui
que ce fu t , furtcut un homme célèbre, St l’ ou-
vrage, refté plus de quarante ans mainufcrit, n’a
paru qu’ après la mort de tous les deux, par les
foins de M. Abeille, qui, dans la préface St les
notes, montre auffi des connoiffances étendues
dans l’Hiftoire naturelle. Aurefte, fi M. de Buffon
n’étoit pas encore un naturaliftè quand il commença
fon ouvragé, il l’étoit fûrement devenu
depuis, St quarante ou cinquante ans de travaux
confacrés à cette fcience doivent infpirer plus de
confiance pour les parties fuivantes de fon ouvrage.
} BURGH (H ubert de) ou de Bourg, (fflft.
d'Anglet. ) , miniftré d’Henri 111, roi d’ Angleterre.
L’évêque de Winchefter, Guillaume Defroches,
avoit été nommé régent du royaume d’Angleterre
pendant la minorité d ’Henri III; mais la faveur St .
le pouvoir étoient entre les mains d’Hubert de
Burgh, grand-jufticier, qui les avoit mérités par
fon z è le , & qui s’en rendoit indigne par fon orgueil.
Pendant l ’expédition que Louis, dit le Lion,
fils de Philippe-Augufte St père de faint Louis,
avoit faite en Angleterre , Louis , pour le forcer
à lui rendre Douvres, l'avoit menacé de faire trancher
la tête à Thomas de Burgh fon frère, qu’ il
tenoit prifonnier. Hubert préféra Ton devoir à Ton
frère. Louis épargna Thomas St eftima Hubert;
mais celui-ci s’ oublia dans la grandeur où il parvint
fous Henri III : une adminiftration injufte St
hautaine fouleva contre lui un grand nombre de
barons , St l’évêque de Winchefter lui-même.
Pour fe fouftraire à l’autorité de ce régent, de
Burgh voulut avancer la majorité du Roi; il obtint
du Pape une bulle qui déclaroit Henri majeur ;
mais il ne plut pas à la Nation d’obéir à une pareille
bulle, dont on fentit toutes les conféquen-
ces : on s’ en tint pour lors aux lois du royaume,
qui fixoient la majorité à vingt-un ans. De Burgh
imagina un autre moyen de régner, fous prétexte
de faire régner fon traître : ce fut d’engager, par
fon exemple, les confervateurs des libertés britanniques
à remettre les places de fureté qu’ils
s’étoient fait donner pour T exécution des chartes.
Le Roi, de concert avec de Burgh, redemanda la
tour de Londres St le château de Douvres. De
Burgh, entre les mains duquel-étoient alors ces
fortereffes, les lui remit. Plufieurs barons., gagnés
par les féduCtions ordinaires de la cour, en
firent autant ; mais de Burgh rentra le lendemain
dans fes places, St les autres barons ne rentrèrent
point dans les leurs. On peut juger de leur mécontentement.
Ceux d’ entr’eux q ui, plus prudens,
n’avoient point remis leurs places , offrirent aux
autres leut appui ; tout fermenta : les relies du
parti français qui avoit fervi Louis-le-Lion Te ranimèrent.
Un riche bourgeois, nommé Conftantin
Fitz-Arnulph, pour venger une injure faite aux
habitans de Londres par le fteward ou intendant
de l’abbé de Weftminfter, fe mit à piller quelques
maifons de l’ abbaye, en criant : Montjoie
faint Denis. C e cri de guerre parut plus coupable
que fon aélion, St rappela le zèle qu’il avoit autrefois
montré pour la caufe de Louis-le-Lion St
des barons rebelles. Hubert de Burgh le fit pendre
le lendemain fans forme de procès : c’etoit
violer l’article'le plus important de la charte des
libertés, dite la grande charte. Hubert devint odieux
au peuple comme à la Nobleffe ; mais Henri III,"
Prince lâche St amolli par les voluptés , n’étoit
que l’efclave d’Hubert de Burgh, q u i, félon fes
intérêts, le condamnoitài’a&ion ou à l’indolence.
De Burgh avoit eu un rival dans la faveur du Prince :
c ’étoit le comte de Salisbury, oncle d’Henri III
St fils naturel d’Henri II. Salisbury étoit généreux
comme fon père ; il étoit l’appui du peuple contre \
les entreprifes de de Burgh. Celui-ci l’invite à
dîner, & depuis ce moment on voit Salisbury
tomber dans une langueur, qui le conduit au tombeau.
Cn peut juger fi la haine du peuple, pour le
miniftre diminua ; mais fon empire fur fon maître
augmenta, & c’étoit tout ce qu’&vouloit : il le
plongeoit dans la molleffe, principe le plus fur de
1a foibleffe des Rois Sc du crédtf’Êes courtifans >
il l’éloignoit de la guerre St derexpéditions du
continent; il le concentroit dans fes intrigues Sc
dans les plaifirs de fon île.
Cependant le comte de Bretagne Pierre, dit
Mauclerc, qui, pendant la minorité de faint Louis
St la régence de Blanche de Caftille, brouilloit
tout en France, St qui ne pouvoir refter en paix,
vient lui-même en Angleterre folliciter le fecours
d'Henri, St lui offrir ï’efpérance de rentrer dans
les provinces françaifes confifquées fur fon père Sc
fur lui-même. Henri l’écoute, s’enflamme, veut
échapper aux fers de fon miniftre, St partir pour
la France ; il lève une armée ; il ordonne d’équiper
une flotte. De Burgh, que cet enthoufiafme n'avoit
point gagné, obéit froidement St lentement. Quand
le Roi voulut s’embarquer avec l’armée, il ne fe
trouva pas affez de vaiffeaux de transport. On dit
ue le Roi, à la vue de cette négligence, entra
ans un tel accès de colère, qu’il tira fon épée
pour tuer fon miniftre ,; en l’appelant penfionnaire
de la reine Blanche. On l’arrêta : le voyage fut remis
à l’année fuivante, mais il fe fit. Les inftances du
comte de Bretagne étoient trop preffantes pour
qu’on pût s’y refufer, St de Burgh n’ofa pas rif-
quer de déplaire une féconde fois.
Cependant Henri III, ou plutôt Hubert de Burgh,
avoit révoqué la charte des forêts , &violoit l’autre
en toute rencontre. Pour récompenfe d’un tel
fervice ren4u à la monarchie, de Burgh s’étoit
donné le comté de Kent. Les grands s’affemblè-
rent ; ils demandèrent la confirmation des deux
chartes &l’expulfion d’Hubert de Burgh. Richard,
comte de Cornouailles „ frère du Roi-, avoit faifi
les terres d’un de fes vaffaux. Le Roi prit la: dé.-
fenfe de ce vaffal, St voulut le remettre en pof-
feflion. 11 en parla au comte de Cornouailles, qui
lui répondit froidement : Cefi une affaire quon peut
remettre au jugement des pairs. Henri, jugeant que
c’étoit attaquer la prérogative royale,,s’emporta,
St dit à fon frère : Ou rendes les terres , ou Jorteç
tout à l'heure du royaume. — Je ne ferai ni Lun ni
Vautre, répliqua Richard avec une fermeté toujours
froide, que quand f y ferai condamné par un.
jugement des pairs. De Eurgh vouloit le faire arrê*-
ter. Henri héfîta. Richard n'héfita point ; il fe mit
à la tête des rebelles, & il fallut que le Roi foii.
frère le comblât de bienfaits pour le ramener..
De: Burgh cependant pourfuivoit le cours de fes:
violences ; il prenoit un château à l’archevêque de.:
Cantoibery, St l’archevêque l’excommunioit. Un?
des quatre fils d’un comte de Pembrock,. à qui«
Henri étoit redevable de fa couronne, mourut..
Henri s’empara de fa.fucceffion, au préjudice des: