
• Et que fur mon tombeau ce grand titre gravé
Montre à tout l'avenir que je l’ai confervé.
Liceat tumulo firipfijje : Catonis
Marcia.
Voici un bien beau développement .de ridée
qu'on ne fait qu’entrevoir dans ce paflage d’Horace
:
Fuit lue fapientia quondam..... '
Concubitu prohibere vago 3 dure jura maritis.
« Le mariage fut fournis à des lois , & ces ré-
Sî glemens, fource d’un "nouvel ordre de vertus Sc
« de plailirs, firent connoître les avantages de la
35 décence j les attraits de la pudeur, le defir de
31 plaire, le bonheur d’aimer, la néceflité d’aimer
“ toujours. Le père entendit au fond de fon coeur
» la voixfecrète de la Nature ; il l'entendit dans le
33 coeur de fon époufe & de fes enfans ; il fe furprit
33 verfant des larmes que ne lui arrachoit plus la dou-
30 leur, & apprit à s’eftimèr en devenant fenfible__
33 Les biens dont ils jouiffoient ne leur furent plus
33 perfonnels, Sc les maux qu’ils n’éprouvoientpas
33 ne leur furent plus étrangers. »
Anaçharfîs prend le ton d’Homère lui- même
pour le peindre j il en a la richelfe, l’éloquence
& la fublimité.
« Jupiter Sc Neptune font les plus puiflans des
33 dieux, mais il faut à Neptune un trident pour
33 fecouer la terré, à Jupiter un clin-d’oeil fufEt
33 pourebranler l ’Olympe..... Achille, A ja x , Dio-
» mède, font les plus redoutables des Grecs 5 mais
33 Diomède fe retire à l’afpeét de l’ armée troyenne,
33 Ajax ne cède qu’après l’ avoir repoufféeplufieurs
33 fois, Achille fe montre Sc elle difparoît......-Que
33 ceux qui peuvent réfîfter aux beautés d’Homère
33 s’appefantilfeiîf fur fes défauts..... Il fe repofe
33 fouvent;, & quelquefois il fommeille j mai,s fon
33 repos eft comme celui de l’aigle, q u i, après
33 avoir parcouru dans les airs fes vaftes domaines,
33 tombe accablé de fatigue fur une haute, monta-
33 gne, & fon fommeil refîemble à celui de Jupiter,
33 qui, fuivant Homère lui-même, fe réveille en
33 lançant le tonnerre.33
Portraits de trois héros grecs.
cc Heureufementil parut alors trois hommes def-
33 tinésà donner un nouvel effor aux fentimens de
v la nation j c’etoient Miltiade, Ariftide Sc Thé-
>3 miftocle...... Miltiade avoit fait long - tems la
33 guerre en Thrace, Sc s’étoit acquis une réputa- I
33 tion brillante 5 Ariftide Sc Themiftocle , plus
33 jeunes que lu i, avoient laifîe éclater depuis leur j
33 enfance une rivalité qui eût perdu 1 Etat fi, dans j
lés occafions effentieiles, ils ne .l’euffent facrifîée I
33 au bien public. Une faut qu’ un trait pour peindre !..
*>. Ariftide ; il fut le plus jufte & le plus vertueux des
» Athéniens. Il eç faudroit plulieurs pour exprimer
» les talens, les reffourçes Sc les vues de TnémiiV
33.toele ; il aima fa patrie, mais il aima la gloire
33 encore plus que fa patrie.33
Et c’ eft déjà le peindre d’ un feul trait.
Que de nobleffe Sc que de fentiment dans ces
regrets fur la mort des trois cents Spartiates qui
s’étoient dévoués pour la patrie, au paflage des
Thermopyles !
«Pardonnez, ombres généreufes, à lafoibleflTe
33 de mes expreflionsj je vous offrois un plus digne
33 hommage lorfque je vifitois cette colline où
33 vous rendîtes les derniers foupir s , lorfqu’appuyé
33 fur un de vos tombeaux , j’ arrofois de mes Iar-
33 mes les lieux teints de votre fang! Que' pourroit
33 ajouter l’éloquence à ce facrifice fi grand Sc fi
33 extraçrdinaire ? Votre mémoire fubfiftera plus
33 long-tems que l ’Empire des Perfes auquel vous
« av e z réfifté, Sc jufqu’ à la fin des fiècles yotre
33 exemple produira dans les coeurs qui chérifîent
33 leur patrie , le recueillement ou l’enthoufiafme
33 de l’admiration.33
- C ’eft: ainfi que V irgile , pénétré du généreux '
dévouement d’Euryale Sc de Nifus qu’il vient de
rapporter, s’écrie :
Fortunati ambo> f i quid mea carmina pqjfunt,
Nulla dies unquam memori vos eximet &vo ,
Dum domus Æne& capitali immobile fiaxum
Accolet imperiumquepater Romanus habe'oit.
C ’eft avec cet intérêt,cette majefté, cette fim-
plicité, cette variété qu’ eft écrit ce vafte ouvrage,
feul exemple peut-ê tre d’un livre fi volumineux
qui ait eu un fi prompt débit & un fuccès fi uni-
verfel auprès de toutes fortes de leéleurs.
M. l ’abbé Barthélemi étoit depuis long-tems ■
doyen de l’Académie des inferiptions Sc belles-
lettres lorfque cet "ouvrage le fit recevoir à l’Academie
françaife, le mardi z> août 1789.
, Celui qui eft aujourd’hui doyen de l'une de ces
Académies Sc prefque doyen de l’ autre, & quiétoit
des-lors 1 ancien de la colonie de l’Académie des
belles-lettres, admife dans l’Académie françaife,
crut devoir ,au nom de cettë colonie,féliciter fon
confrère Sc fon ami, & féliciter les deux Académies
du nouveau lien qui les uniflbit. Son difeours
eft ada fuite de celui du directeur de l’Académie
françaife.
«Anaçharfîs, d it - il, vient d’entendre ce que
33 l’pfprit, le goût & l’éloquence avoient à-lui
33 dire , au nom de l’Académie françaife, dans ce
33 jour de triomphe j il faut qu’il entende encore
33 ce que l’amitié Sc une confraternité de trente
33 ans dans l ’Académie des belles - lettres infpire à
33 fes anciens Confrères , charmés de s’hnir à lui
33 par un nouveau lien, & flattés de voir une des
33 plus favantes produ&ions, forties de l’Académie
33 des belles-lettres , devenir le titre le plus brillant
33 pour l’Académie françaife.; -
- 33 II me femble ( Sc. le defir de rendre un hom-
33 niage public à un tel récipiendaire contribue à
‘ » me
>» me le perfuader) que c’eft à moi d’ être aujour-
m d’hui l’interprète de leurs fentimens, puifque je
93 fuis ici l ’ancien de cette colonie d’ aflociés de
» l’Académie des belles-lettres, adoptée parl’Aca.-
99 demie françaife......
33 C e moment où le doyen des afïociés de l’Aca-
33 démie des belles-lettres porte dans' la première
33 des fociétés littéraires, avec les talens qu’elle
33 exige, les vertus fociales qu’elle defire, Sc qui,
» depuis plus de quarante ans, le font chérir Sc
33 refpeéter de tous fes premiers confrères:, ce
33 moment eft encore intéreffant pour les lettres,
33 en ce qu’ il reflferre les noeuds qui unifient deux
33 illuftres Académies, dont l’une, née de l’ autre,
33 Sc toujours plus digne de fon origine, s’ en fou- :
33 vient toujours, & laifîe dans le coeur de la plu- ;
33 part de fes membres un defir fecret de remonter
•3» vers fa fource.
« Tous les arts font frères, toutes les Acadé-
33 mies tendent au même b ut, le progrès des let-
33 très & de la raifon j mais cette union eft plus
33 intime encore entre l’Académie françaife Sc l’A-
33 cadémie des belles-lettres : celle-ci, plus rap-
33 prochée de la première qu’aucune autre par les
33 objets mêmes de fes travaux, lui a toujours
«> fourni d’abondantes recrues......
33 Aucun gerîre n’eft exclus du partagé de l’Aca-
33 démie des inferiptions : les arts agréables, plus
33 utiles qu’ on ne penfe, ce fuperflu3 ckofe tres-né'cëf-
M foire3 lui appartient aufli. Si elle eft l’Académie
33 du favoir, elle n'eft pas moins celle du goût j
33 c’eft l’Académie des belles-lettres. Elle a compté.
33 parmi fes membres, comme l’Académie fran-
33 çaife, Thomas Corneille, Boileau, Racine, Fon-
33 tenelle, Quinault, Duché, Danchet, &c.
33 J/Académie françaife ne rejette aucun genre,
33 & n’invite à aucun par préférence j elle prend
33 indiftindement dans tous les é ta ts, dans tous
33 les genres de littérature, dans la chaire, au bar-
33 reau, dans les tribunaux, au théâtre, dans les
33 académies, dans le monde, à la cour, tout ce
33 qui fe diftingue par le talent d’écrire, par l ’élo-
33 quence, parle goût, par une connoiflance par-
33 ticulière de la langue. C ’eft ce temple de Délos,
33 décrit par Anacharfis ÿ ce temple d'Apollon , où
33 des théories religïéufes^viennent de toutes les
*>.îles.,4.e tous les ports, de toutes les contrées
33 de la Grèce & de l’Afie , porter en tribut leurs
33 hommages & leurs offrandes, & former un lpec-_
» tacle unique dans le monde , par la réunion de
33 ce que les talens & les grâces ont de plus choifi
33 & de plus varié .33
C e voyage d’Anacharfis ne pouvoit, en effet,
être trop vanté 5 c’eft véritablement un monument
de gloire pour notre fiècle, & l’auteur lui-même
a été jufqu’en 1795 un monument vivant de ce
tems heureux où les Lamotte, les Fontenelle,les
Mairan , les Foncemagne, mettoient, & dans le
commerce des lettres, & dans la fociété'
Jiifioire. Tome V'I, Supplément..
décence, de douceur, de raifon, de grâce &
d’aménité.
MALESHERBES ( C h r é t ie n -G uillaume
de Lam oignon de ) , fils de M. le chancelier de
Lamoignon, petit-fils du préfîdent de Lamoignon,
l'ami de Boileau Sc de R.acine, à qui Boileau adrefie
fa fixième épître :
Oui, Lamoignon, je fuis les chagrins de la ville, &c.
arrière-petit-fils enfin du premier préfîdent de Lamoignon
, l’Arifte du Lutrin, & dont Fléchier a
fait l’oraifon funèbre. M. de Malesherbes naquit
le 6 décembre 1721. Après un cours d humanités
rempli avec diftinétion , après s’être exercé dans
l'éloquence & dans la poéfie, toujours févère
pour lui-même, Sc pour lui feul, pénétré de la
maxime vraie ou exagérée d’Horace & de Boileau,
Mediocribus efie poetis,
Non dîy non homines , non concejfere columni.
Et qu'à moins d'être au rang d’Horace ou de Voiture,
On rampe dans la fange avec l’abbé de Pure.
il renonça de bonne heure à la poéfie, & peu
de perfonnes favent qu’il ait jamais fait de vers.
J’ignore jUfqu’où il pouffa l’étude de la jurifpru-
dence ; je crois qu’elle avoit pour lui peu d’attraits,
mais je fais qu’il a toujours voulu très-bien faire
tout ce qu’il a fait ; je fais qu’il en avoit les moyens,
qu’il favoit de to u t , Sc beaucoup, Sc très-bien j
qu’ifîu d’une famille de magiftrats illuftres, Sc. def-
tiné comme eux à la magiftrature, il ne pouvoit
dégénérer de leur gloire Sc de leur capacité dans
la fcience qui les a furtout diftingués. Parent de
M. le procureur-général, il fut d’abord un de fes
fubftituts 5 il entra dans cette charge en 1741. Ces
charges de fubftituts de M. le procureur-général,
ainfi que celles d’avocats du Roi au châte let,
étoient pour les jeunes magiftrats deftinés aux
grandes dignités de la magiftrature, ce que les
moufquetaires étoient pour la jeune nobleffe militaire:
c’étoit une excellente école où ils fe'for-
moient aux fondions de leur état. M. de Ma-r
lesherbes fut reçu confeiller au parlement le 3 juillet
1744 , Sc quand, dans la fuite, M. fon père ,
alors premier préfîdent de la cour des aides, fut
fait chancelier, le 9 décembre 17^0, il eut fa
charge de premier préfîdent de la cour des aides.
Il eut aufli, fous fon p è re , le departement de la
librairie Sc de la littérature. Ce fut véritablement
l’âge d’or des lettres. Jamais magiftrat n’a fu
comme lui traiter d’égal à égal avec les gens de
lettres, Sc ne fe montrerfiipérieur à eux que par
l’étendue & la multitude de fes connoiffances.Nul
n a mieux fu mefurer fur leur mérite ou leur réputation
les égards qui pouvoient leur être dus. La
fociété du Journal des favans , que M. le chance^-
tant dé } lier d’Aguefîeau aimoit tant, dont il manquoit à
E e e