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» du naturel > il requiert cet art délicat de faire
».penfer aux autres qu'ils font avec nous fur la
» {cène-, tandis que notre fupériorité les met un
*> rang plus-bas pour nous écouter.- L’efprit de:
« coaivèrfation qui réufïît le plus fouvent n’eflpas
» celui qui éblouit par des éclairs, mais plutôt ce-
» lui qui'fait parler la raifolr avec une négligence
» aimable j.qui, enrichi de connoiflances , effleure
» toür à tour vingt füjets différens > qui enfin ,*
«fondu avec famé de celui qui parle , en eft Ri-
« mage vivante y& par cette raifôn produit encore
« plus d’ intérêt que d’ amufemént.
M. de Foncemagne, à qui fon âge & fes lec-
« türeSav oient tant appris ,orn oit fes entretiens
« de la multitude de fes connoil fances.. Doux , pré-
« venant, affable,1 il fe peignoir dans fes«difcours.
« Ce bon ton des Français, dont le modèle chez
» eux-mêmes eft fï rare , & dont la connoiffance
« délicate importe à tous les fuccès d’ agrément,
« il 1- avoit acquis par la fréquentation des perfonnes
« les plus diftinguées. Les grands le irecherchoient,
« les femmes trouvoient auprès de lui l’agrément
« & l’ inftriiétion. Il; étoit doué: de cette fenfibi-
M^lité, fans laquelle on n’apprécie qu’imparfaite-
»•■ ment ce qu’ elles ont d’aimable. En e ffe t ,. leur
« ton, leurs manières, leur efprit même a je ne
» fais quel charme que l ’efprit feul ne peut juger ;
« c’eft à l ’ame à l’indiquer, à le fentirj & celui
« qui eft privé de ce fens intérieur, juge infidèle
« de leur mérite, eft condamné au malheur d’être
» injufte envers elles. «
Le tableau de l’ame de M. de Foncemagne &
d é jà confidération fi rare qui fut le prix de fes
ve tus eft auflî d'une grande vérité dans le difcours
de M. Chabanon.
« Lorfqu’un homme a parcouru de longues an-
« nées fans avoir chancelé dans la pratique des
« vertus , le public élève fa voix poùr lui décerner
» la réputation d’homme de bien. 11 rappelle du
« lointain d’une vie écoulée mille actions honnêtes
» tombées dans l ’oubli j il les fait revivre 5 il les
« place autour de l’homme vertueux, pour fervir
« d’efcorte à fa vieillefie j c ’eft ce cortege augufte
» qui partout lui concilie le reipeéf..... La bonté,
» la douceur, formoient fon caractère aimable......
« Son favoir, Ton goût-pour l’étude , en femant de
.» plaifirs utiles fa longue carrière, favorifoient
« l’exercice de fes vertus $ ils offroient à fa bien-
« faifance des tréfors.littéraires qu’il aimoit à com-
« muniquer. Nous l’avons v u , même dans fes der-
» nières années , où les fouffrances le rendoient
» inhabile au travail, revenir fur fés travaux paffés,
» & , environné de ceux qui venoient le confulter,
«-leur léguer en quelque forte les fruits de fes
« confiantes études..;... La .réputation eft le. prix
« des talensj la confidération eft:le,fruit du mérite
« perfonnel. Quel homme pourra fe flatter, d’en
« obtenir une égale, à celle dont a joui M. de Fon-
» cèmagne ? Dans un fflonde léger, ou chacun ne
» s’occupe que de fo i, il avoit mérité que la Loft
« ciéte s occupât de lui. Ce qui lui é<toit perfonnel
» n’étoit point etranger aux autres : on Raimoit
« fans jamais l’avoir vu. Dans les événemens heu-
” reux ou malheureux qu’il éprouva , le publie
« fembloit prendre foin de l’avertir de l’ intérêt
p l>ffl înfpiroit à fes concitoyens......Connoiffez
w ce que la fcience a d’utile & la vertu d aimable j
” v o ye z combien , en s’uniffant, elles s’embel-
” hflcnt j jugez enfin à quel bonheur paifible , à
” quelle profpérité touchante a droit de parvenir
» celui qui concilié ces avantages ineftimables. «
M. le maréchal de Duras , qui recevoit M. de
Chabanon a l’Academie , fait auflî un digne éloge
de M. de Foncemagne.
« M. de Foncemagne, d i t - i l , étoit du petit
« nombre de ces hommes que l’on ne peut guère
« flatter^, parce qu'il n’y avoit rien en lui qu’un
« ami eût befoin d’ exagérer ou de diffimuler......
« Ses indulgentes vertus étoient exemptes de l’auft
» térité qui accufe ou humilie la foibîeffe $ il ne
« rechercha que des fuccès qu’on ne peut pas lui
« difputer, & il ne rechercha pas tous ceux qu’ il
» pouvoit obtenir.
« Egalement cher aux gens du monde & aux
H gfvns letcresJ 11 réuniffoit la politefie des ma-
«, nières Sr celle de l ’ame , la facilité dés moeurs
» & la dignité du caractère, le don rare de plaire
» en inftruifant, 8ç le don plus rarè encore de
» contredire les opinions fans bleffer l ’amour-pro-
95 ;.pre. Il a fait peu d’ouvrages,. mais fil a fouvent
« guidé & éclairé ceux qui vouloient én faire.
« S’il n’a pas enrichi les lettres autant que fes
« profondes connoiffarices & fon excellent efprit
« pouvoientie faire efpérer , il les-a toujours en-
« couragees par fes confeils , & fait refpeéter par
« fon exemple. Il en a obtenu la récompenfe qu’il
« méritoit. Les lettres av oient fait le charme de fa
« v ie } elles feules adouciffoient les douleurs cruelr
« les qui ont empoifonnné les derniers jours de fa
« longue carrière. »
Feu M. l’ abbé de Reyrac, correspondant de
l’Académie des belles-lettres, connu.par le fuccès
prodigieux de fon Hymne au Soleil ( ouvrage digne
en effet, à quelques égards, de l’auteur de Télé-
maque ) , & par une aménité de caractère qui rappelle
M. de Fénélon & M. de Foncemagne , réel
amoit comme un honneur l’avantage d’avoir été
le premier homme de lettres qui eût élevé la voix
pour célébrer M. de Foncemagne après fa mort.
Vo ic i ce qu’il en d i t , en;- annonçant cette mort
dans une feuille hebdomadaire de la ville d’Or-.
léans.
; '“ A- de tous les-hommes célèbres que,la
« ville d’Orléans a produits , celui qui a jou i, dans
« la république des letfireg/gç auprès des grands,
» de la plus brillante & 'deJa plus jufte conftdé’
» ration. Sa longue vie artoujojUjrsj été douce .&
| pure comme fon ame* T rès-favant, très;pfofond
« littérateur^ mai s mqdefte & fage., plus jaloux
» de l’eftime. qqe de la; renommée, & du bonheur
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» que de la gloire & du bruit, il a très-péu écrit ,
« niais ce peu annonce ces vaftes connoifîances ,
» ce goût exquis , ce ftyle élégant & correél qui
>5 l’ont élevé, du vivant des Fontenelle, des Mon-.
» tefquieu <kdes Voltaire, aux fuprêmes honneurs
»» de la littérature. Il a c.onfervé jufqu’ au dernier
» moment tout ce qui fait le charme de la v ie , &
» furtout de la vieillefie; de grandes lumières ,
» une mémoire heureufe, un caractère aimable &
» doux , & un refpeét fincère poiir la religion
«Jam ais homme de lettres enfin n’a mieux; mé-
w rité que M. de Foncemagne,-l’application de ces
» beaux vers de La Fontaine :
Le fage vie en paix. . . . . . .
Approche-t-il du but, quitte-t-il ce féjour ?
Rien ne trouble fa fin5 c’eft le loir d’un beau jour.
FONTANGFS ( M adi moiselle d e ) . ( Hift.
de Fr. -) Dans le paffage du règne de madame de
Montefpan au règne de madame de Maintenon ,
lorfque Louis XIV n’ aimoit déjà plus guère la première
, & n’ aimoit encore que l’efprit de la fe--
conde, Marie-Angélique de Scoraille de Roufille,
née en 1661, depuis ducheffe de Fontanges, faifit
un moment de faveur que la mort lui enleva bientôt.
A vingt ans elle n’étoit déjà plus.
Et rofe die a vécu ce que vivent les rofes,
L’efpace d’un matin.
On ne reprochoit à fon éblouiffante beauté qu’ un
défaut, plutôt foupçonné qü’avéré jfes rivales même
n’ ofoientpas direprécifémentqu’elle fûtrouffe,
mais elles difoient que fes cheveux blonds tiroient
un peu fur le roux. L’abbé de Choify dit quelle
étoit belle comme un ange , mais Jbtte comme un panier.
Sa famille, qui étoit du Rouergue, fonda de
bonne heure des efoérances & des projets fur fa
beauté. De Peyre, lieutenant de Roi du Languedoc,
fe chargea de l’amener à la cour ; la ducheffe
d’Arpajon lui procura une place de fille d’honneur
chez Madame. C ’eft un artifice ordinaire des favorites
&: des maîtreffes en titre, de produire elles-
mêmes leurs rivales de beauté, foit pour les avilir
en les protégeant, foit pour prévenir la renommée
& pour affoiblir d*avance-l’ effet d’une rencontre
& a’ une furprife. C ’eft ainfi qu’en ufa madame de
Montefpan à; l’ égard de mademoifelie de Fontari-
ges. File courut apprendre au Roi que Madame
avoit chez elle une idole de marbre. Louis XIV
voulut voir l’idole j elle parut à fes regards dans
une partie de chaffe. Madame de Montefpan l’ap-
perçoit, l’ appelle, la préfente au R o i , lui fait remarquer
tous fes appas avec des exclamations indécentes.
La jeune tille étoit dans une confufion
très-favorable à la beauté.’ Louis XIV en vit plus
d’un coup .d’oeil que madame de Montefpan n’af-
feétoit d'en montrer j il trouva la ftatue tort belle
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& voulut Ranimer i il rencontra peu d’ obftacles,* &
mademoifelie de Fontanges eut bientôt tous-les
vices de la place qu’ elle occupoit} elle fembla vouloir
dévorer ce régné d'un moment, comme il elle en
eût connu la brièveté ; elle attiroit à elle feula
toute la puiffànce & toute la grandeur, paffoit devant
la Reine fans la faluer, luttoit d’infolence avec
madame de Montefpan, & lui rendoit au centuple
fes mépris , dépenfoit cent mille écus par mois
étant née fans fortune, & s’étonnoit fort qu’on
s’en étonnât, & que cela s’appelât- de la prodigalité
; elle irrita lès ennemis par fes hauteurs , &
fes amis par fon indifférence. Bientôt elle n’eut
plus que des ennemis : fon amant même, plus af-
furé de fa magnificence que de fa fidélité, ne de-
firoit que fes faveurs : tout l’ attiroit, rien ne le
retenoit.
Le P. de la Chaife, qui avoit toujours été fort
contraire à madame de Montefpan, parut l’être
moins à mademoifelie de Fontanges. Le Roi_, auquel
il avoit depuis long-tems interdit l ufage de
la communion, lui arracha une abfolution à Ta faveur
d’un renoncement fimulé à fes amours, & il
communia. On crut en conféquencé que le P. de
la Chaife ne condamnoit que l’adultère : on l ’ac-
eufa d’abord de tolérer , & bientôt même de fa-
vorifer le commerce du Roi avec mademoifelie dé
Fontanges. « Le P. delà Chaife,» dit à ce fujetma-
dame de Montefpan, n’eft qu’ une chaife de com-
» modité. » Louis XIV ne pouvoit, ni facrifier
l’une à l’ autre , ni obtenir d'elles qu’ elles fe fup-
portaffent mutuèllement. Madame de Maintenon,
q u i, à travers toutes ces foibleffes & tous ces dé-
! fordres qu’elle condamnoit, confervoit une ame
toujours douce & ferme, fut fouvent, mais tou-
; jours inutilement, employée par Louis XIV à réconcilier
ces deux femmes ; elle lui confeilloit toujours
de les renvoyer., & leur confeilloit toujours
de le quitter, fans jamais bleffer ni le Roi ni fes
maîtreffes par des confeils fi contraires à leurs paf-
fions. On la confultoit, on ne la craignoit pas , &
cependant elle s’é levo it, finon par la v ertu, du
moins par la fageffe, à ce pouvoir fuprême que les
autres n’ avoient pu s’affurer par le vice. « Mais ,
» que dois-je faire? » lui difoit un jour mademoi-
felle de Fontanges à la fuite d’un entretien où
elle l’avoit fort ébranlée par fes remontrances &
fes exhortations.— « C e que vous devez faire, Ma-
i » demoifelle? Renoncer au Roi. Ou vous l’aimez,
» ou vous ne l’aimez pas : fi vous l’aimez , vous
» devez le fauver & vous fauver avec lui > fi vous
».ne l’aimez pas, l’effort ne doit pas vous coûter. »
Ce dilemme paroit fimple & concluant comme tous
les dilemmes 5 mais tant de paflions étrangères à
l'amour entrent dans la paftion qu’ un Roi infpire,
• & :forment des noeuds fi puiffans , que le pouvoir
de les rompre n’appartient qu’à des âmes, ou bien
fortes, ou bien tendres.,“ .Ne diroit- on p as , »
répliqua Fontanges, « qu’ il eft auflî aifé de quitter
| » un R o i , que de quitter fa chemife? » C ’étoit