
Caere de Charles V I en 1 380 il voit le duc d'Anjo
u , rainé de les trois frères aînés, prendre place
en qualité de Régent, immédiatement après Mont
e u r , frère du Roi : il court à lui avec impétuofité,
le tire par le bras , & fe met en fa place. Le fier
duc d'Anjou, profondément blefifé de cet affront,
alloit en tirer vengeance: l'intrépide Philippe alloit
foutenir avec fon courage ordinaire cette a&ion
hardie : on s'allarme , on s'emprefife, on les répare.
Le confeil s’aflemble précipitamment, & ,
peut-être entraîné par la vivacité de Philippe,
prononce fur le champ en fa faveur.
Philippe , non moins ambitieux que hardi, dif-
puta , d'abord au duc d'Anjou & enfuite à Monsieur
, les rênes du gouvernement} il contribua
aux malheurs de la France fous le trifte règne
de Charles VI. S911 mariage avec l'héritière de
Flandre rendit fa puiffance égale à celle des Rois,
dont il furpaffoit la magnificence. Il mourut en
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Le fécond & dernier Philippe de cette fécondé
Maifon de Bourgogne étoit petit-fils du premier,
fils du cruel Jean 5 il fut furnommé le Bon. Jean fon
père avoit mis le royaume enfeu, & avoitété affaf-
finé à Montereau (en 1419) par une fuite des troubles
qu'il avoit fait naître. Si Philippe-le-Bon prolongea
la durée de ces troubles, s'il ouvrit toutes
les portes de la France aux Anglais, s'il les fit
affeoir furie trône de nos Rois, à Texclufion de
l'héritier légitime 5 fi cette étrange révolution dont
le fouvenir nous pénètre encore d'horreur, fi cet
affreux renverfement de nos lois les plus chères
eft fon ouvrage, il avoit à venger un père : voilà
fon exeufe. Loin de lui imputer ces malheurs &
cet opprobre de nos ancêtres, qu'on doit plutôt
rejeter fur les confeillersimprudens de Charles VII,
alors Dauphin, il faut favoir gré au généreux Philippe
de les avoir réparés , d'avoir mis des bornes
à fa vengeance, d'avoir éteint les haines mortelles
des Maiions d'Orléans & de Bourgogne, en
tirant lui-même le duc' d’Orléans de la captivité
où il gémifibit depuis la bataille d'Azincourt ;
d'avoir concilié par une paix jufte & folide (la
paix d'Arras en 14^5 ) ce qu'il devoit au Roi, à
l'E ta t, à fon père, a lui-même > d'avoir, par cette
défeéüon utile , afïuré le trône à Charles V I I ,
préparé l'expulfion des Anglais , & prouvé à ces
rivaux orgueilleux qu'ils n'avoient été fi puiffans
que par nos divifions. Il faut admirer cet efprit de
paix & de défintéreflement qui porta Philippe à
réconcilier plufieurs fois le dauphin Louis avec un
père juftement irrité, au lieu d'aigrir un courroux
& d'allumer des troubles dont il eût pu profiter,
& que Louis, à fa place, n’eût certainement point
calmés. Il faut louer cette modération ferme &
fage qu'il oppofa fi fouvent au reffentiment impétueux
de Charles-le-Téméraire fon fils contre
Louis X I , & à cette ardeur guerrière qui préfa-
geoit les malheurs de la France & de la Bourgogne.
Il faut furtout publier pour l'exemple des
Souverains , la juftice & la bonté avec lefquelles
il gouverna fes peuples 3 la magnificence qu'il déploya
fans les opprimer, l'abondance qu'il répandit
dans fes nombreufes provinces, & l'amour
que fes fujets reconrioiflans confervèreht pour fa
mémoire. Mort en 1467.
PH O T IN , ( Hiß. eccléf. ) , héréfiarque du quatrième
fiècle, dont les feétateurs furent appelés
de fon nom, Photiniens , étoit difciple de Marcel
d’Aqcyre, & fut évêque de Sirmich. On lui trou-
voit du favoir & de l’ éloquence, & il étoit au
nombre des évêques’ diftingués par le talent &
par une conduite très-épifcopale 5 mais fa doétrine
étoit d’ un homme qui pouvoit à peine paffer pour
chrétien, puifqu'il alloit jufqü'à nier la divinité
dé Jéfus-Chrift. Ses erreurs furent condamnées
dans un concile tenu chez lui-même à Sirmich en
351 5 enfuite il fut exilé par l'empereur Confiance,
d'après l’erreur générale du tems, q ui, regardant
l'heréfie comme un crime, prononçoit toujours
quelque peine contre ceux dont les opinions
avoient été proferites. L'empereur Julien, auquel
on n'auroit prefqu’aucun reproche à faire s’il avoit
été aufli tolérant à l'égard de la religion chrétienne
qu'à l'égard de toutes les autres, le rappela,
& ne voyant quefa vertu & s’embarraflant
fo r t(peu de fes opinions, il lui écrivit une lettre
pleine d’éloges. P ho tin fut exilé de nouveau fous
l'empire de Valentinien, & mourut en Galatie-
l'an 376. Ses ouvrages, dont les uns étoient en
grec , les autres en latin, ne nous font point parvenus.
Son Traité contre lès Gentils étoit célébré
de fon tems. ’
PICQU ET (Fr an ço is ) , (H//?. deFr.)3 néà Lyon
en 1616 3 d’un banquier de cette ville, voyagea en
France, en Italie, en Angleterre, fut nommé en
1652, à vingt-fix ans, conful d 'A lep , & acquit
une grande réputation dans cet emploi. Il joignojt-
aux talens d'un conful aétif & intelligent tout le
zèle d'un millionnaire, & fervit avec un fuccès
égal la religion & l'Etat. Les Français , les Chrétiens
de Syrie, les Infidèles, tous fe louoiént de
fa conduite. Son goût pourT'Eglife l'emporta fur
fon talent pour les affaires j il abdiqua le cohfulat
pour embraffer l'état eccléfiaftique. Il partit d'Alep
en 1661, & , après avoir été à Rome rendre compte
au pape Alexandre V I I , de l'état de la religion
en Syrie, il revint en France, où il prit les Ordres
facrés. 11 fut nommé, en 1674, vicaire apoftolique
de Bagdad, puis évêque in partibus de Céfarople
en Macédoine. Il repartit en 1679 pour Alep ,
non plus comme conful, mais comme miffionnaire >
il rendit à l'Eglife d'importansfervices, au nombre
defcpiels il faut mettre divers Mémoires qu'il fournit
a meflieurs Arnauld & Nicole,- pour leur fameux
livre de la Perpétuité de la Foi. Revêtu dans
la fuite du titre d'ambàffadeur de France auprès
, du roi deP e r fe , il mourut en 1683 à Hamaaan,
ville de Perfe. Il a paru en 1732 , à Paris, une
Vie de François Picquet, attribuée à M. Anthelmi,
évêque de Graffe.
P IC T E T (B e n q ît ) , (Hifi. litt. mod.) 3\mi-
niftre génevois , recommandable par de favans
ouvrages, & plus encore par un caractère de douceur
& toujours porté à la tolérance. Il a beaucoup
écrit fur la théologie & la morale chrétiennes.
Il y a de lui un Traité contre l'indifférence en
matière de religion. Ses fermons ont été recueillis
en quatre volumes in-8°. Il a aufli écrit l'hiftoire
du onzième & du douzième fiè c le , pour fervir
de fuite à celle de le Sueur, & c . Né en ié y j 5
mort en 1724, des fuites d'un excès de travail :
c'eft de quoi nous nous faifons un devoir d'avertir
les gens de lettres toutes les fois que l'occa-
fion.s'en préfente.
PIERQUIN (Je a n ) , (Hifi. litt. mod.)3 curé
de Châtelj dans le diocèfe de Rheims, fils d'un
avocat de Charleville, a écrit fur la couleur des
Nègres, fur l'évocation des morts, fur l'obfeflion
naturelle , fur le fabbat des forciers, fur les tranf
formations magiques, fur le chant du co q , fur la
pefanteur de la flamme, fur la preuve de l'innocence
par l immerfion fur les hommes amphibies,
Ôcc. Le choix de quelques-uns de ces fujets,
tels que l'évocation des morts, l'obfeflion, le ;
fabbat des forciers, la preuve par 1 immerfion,
font d'un vrai curé de campagne, qui eft toujours
à quelque diffance de fon fiècle, & qui ne fent
pas que toutes ces chimères, loin de pouvoir être
foutenues aujourd’h u i, ne valent plus même la
peine d'être combattues. On a encore de Pierquin
une vie de faint Juvin. Mort en 1742, âgé d'environ
foixante-dix ans.
PIERRE MAUCLERC. (Hijl. de Fr.) Pierre
de Dreux, dit Mauclerc» comte de Bretagne par
Alix fa femme.
La Bretagne avoit pafle dans la Maifon d'Angleterre
par le mariage de Confiance de Bretagne
avec Geoffroy, fils de Henri II. Ce mariage avoit
étendu & confirmé des droits que Henri II pré- ;
tendoit avoir de fon chef fur la Bretagne, comme !
héritier d'un autre Geoffroy_fôn frè re , qu'une
partie des Bretons avoit élu pour Souverain. Conf-
tanee avoit eu de ce mariage deux enfans, dont
la deftinée fut très-malheüreufe : Arthur, qui mourut
afîàfliné par Jean-fans-Terre,fon oncle 5 Eléonore,
dite la Brette, qui mourut en prifon. Conf*
tance avoit époufé en fécondés noces un autre
Anglais, ÎRalph Blundeville, comte de Chefter,
uila foupçonna (on ne fait fur quel fondement)
'une intrigue âmoüreufe avec ce même roi Jean-
fans-Terre, le plus cruel ennemi de cettè Prin-
cefle 5 'il demanda & obtint le divorcé. Constance,
devenue libre, époufa Guy , frère du vicomte
de Thouars > elle eut de ce mariage un
fille nommée Alix, Les Bretons, après avoir fait
au roi Jean-fans-Terre d’ inutiles inftances pour la
liberté d'Eléonore-la-Brette, foeur aînée d 'A lix ,
fe déterminèrent à reconnoître Alix pour leur Souveraine
: ce fut cette Prinçefle qui, par fon mariage
avec Pierre de Dreux, defeendu de Louis-
le-Gros, & coufin de Philippe-Augufte, porta la
Bretagne dan? cette branche de la Maifon de
France. Philippe - Augufte influa fortement fur
cette alliance, dont il tira dans la fuite les plus
grands avantages j il eut en fa difpofition toutes
les forces navales de cette province , &: Pierre de
Dreux le fervit toujours très-bien contre les Anglais
> mais pendant la minorité de faint Louis, il
fe déclara contre la Régente, & entra dans la ligue
des Grands & des Princes du fang, o u , comme
on difoit alors, des feigneurs du fang, mécontens
d'être exclus de la régence. Le roi d'Angleterre,
Henri I I I , fils de Jean, efpérant de rentrer dans
fes provinces françaifes à la faveur de l'o.rage qui
alloit éclater en France, fe déclara le protecteur
de cette aflociation, & Pierre de Dreux en fut
l'ame. Les conjurés comptoient fur Thibaud V I ,
comte de Champagne, qu'on accufoit d'avoir em-
poifonné Louis V I I I , père de faint Louis , & le
comté de Bretagne devoit lui donner fà fille > mais
la Régente, en femme habile, faifant fervir à fes
defleins la paflion qu'elle avoit fu infpirer à ce
jeune Thibaud qu'elle dédaignoit à quarante ans,
lui ordonna d'entrer dans cette ligue pour lui en
révéler tous les fecrets, & fit de fon chevalier un
efpion. La diligence de Blanche prévint tous les
mouvemens de cette grande cabale : elle mène
fon fils à Rheims & le fait facrer 3 elle apprend
.q u e les rebelles s'aflemblent en Bretagne, elle
marche en Bretagne : ils n'avoient pas eu le tems
de faire leurs préparatifs ; ils fe diflipèrent & traitèrent
féparément. Tout refta paifible, du . moins
pour quelque tems. Le comte de Bretagne (Pierre
de Dreux) fe fournit, & convint de donner Jeann,e
fa fille au prince Jean, le plus jeune des frères de
faint Louis : mariage par lequel la Bretagne pou-
voit être réunie à la France, ou du moins devenir
plus françaife.
Cependant le parti des feigneurs fubfiftoit toujours
: l'adrefle de la Régente avoit bien été juf-
' qu'à l'enchaîner, non jufqu’ à l'étouffer. Les feigneurs
confédérés s'étoient apperçus des trahilons
du comte de Champagne, & avoient tourné contre
lui leur colère. On n'appeloit plus Thibaud
que le traître & l 'empoifonneur. Le comte de Bretagne,
toujours voué à la révolte, appeloit à grands
cris les fecours de l'Angleterre, & cherchoit à fe
ménager ceux de l'Allemagne : il étoit prêt à ouvrir
tous fes ports àl'énnemi étranger 5 il pafla lui-
même en Angleterre î il arracha Henri III à fon
indolencè naturelle & aux fuggeftions de miniftres
penfionnés par la reine Blanche, régente de France
j mais ce ne fut qu’une effervefcence d'un moment.
Henri ayant diflipé en folles dépenfes l'ar