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»3 cultivée en France, a malheureufement été né-
” gligée en Pruffe. Le feu Roi n'en faifoit aucun
** casft > vous étiez trop éclairé pour ne pas en con-
« noître la nécefTitë; mais il eft des abus auxquels 93 il faut bien du tems pour remédier. Le fîége de
M Schweidnitz eft un exemple qu'un habile ïngé- 35 nieur eft quelquefois plus effentiel & plus né- 93 ceftaire que dix officiers-généraux. C'eft Vauban 31 feul qui, par les places qu'il avoit fi bien forti- 33 fiées, a fauvé la France dans la guerre de la fuc-
» ceffion.»
Enfin ce n’eft que le 14 octobre qu’une lettre
du marquis d’Argens contient ces mots : « Les
33 voila donc arrivés ces poftillons reçus avec tant
33 de plaifir ! ! .......... à prefent que Schweidnitz eft
» pris. ....*>
Encore fi l’on en croit l'auteur d'un article nécrologique
de M. de Gribeauval, après foixante-
trois jours de tranchée ouverte, le roi de Prufie,
perdant toute efpérance, fe difpofoit à lever le
liège quand l'explofion caufée par une grenade
tombée fur un magafin à poudre, renverfant un
baftion entier du fort Javernick, facilita l’aftaut
que toutes les attaques fouterraines de l'ingénieur
Lefèvre, toujours prévues 8c prévenues par M. de
Gribeauval, n’avoient pas encore rendu poffibïe.
M. de Gribeauval fut fait prifonnier de guerre 8c
amené au roi de Pruffe, qui, par un refientiment
indigne de fa juftice, refufa, dit-on, d'abord de
voir un homme qui avoit tant retardé fes fuccès;
il finit cependant par l'admettre à fa table, en le
comblant d'éloges.
Cette meme année 1762, l'Impératrice-Reine
réccmpenfa les fervices de M. de Gribeauval, en
l élevant au grade de feld-maréçhal, & eh le décorant
de la grande croix de l'Ordre de Marie-
Thérèfe.
A la paix, il revint ;en France, ou il fe contenta
du grade de maréchal-de-camp. Il futfait, peu de
tems après, infpe&eur-général de l'artillerie &
commandant en chef du corps des Mineurs. Ce
fut lui qui rédigea l'ordonnance de 1764, laquelle
fixe la proportion des troupes d'artillerie relativement
à la force de chaque armée 5 c'eft à lui qu'on
d oitla reftauration des écoles d'artillerie, & des
amelioratiqns 8c des changemens heureux dans
les manufactures d'armes, lés .forges , les fonderies
, les arfenaux de conftru&ion. Avant, lui,, les
modèles différoient entr'eux ; les pièces qui appartenaient
à un train d'artillerie;, ne pouvoient
'fervir à un autre : il établit l'uniformité à cetégard
dans tous les arfenaux du rovaume. Il n'y a pas
une branche relative à l'artillerie, tant de fiege
que de campagne, qu’il n'ait ou, créée ourëfor-
mée, & toutes fes innovations , mptivées, ou fur-
une utilité réelle qui n'exiftpit pas, ou fur une
utilité plus grande que celle qui exiftoit, trions
phèrent de tous les préjugés 8c de. toutes lès con-«
traditions. La plus forte épreuve de fa vertu &
de fa confiance liit le fameux procès à l'occafion ■
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de la réforme des armes : l’ignorance crioit contre
cette réforme qui lui paroifioit exceffive. M. de
Gribeauval, vintant, en 17 7 1 , à Lille une falle
d'armes qu’on difoit dévaftée , fit voir aux'artil-
leurs qui l'accompagnoient, que parmi les fufils
confervés comme bons, il n’y en avoit prefque
pas un feul qui n'eût un défaut allez marqué pour
qu’il y eût quelque danger à s'en fervir. « V o ilà ,
» dit-il, ces armes contre la réforme defquelles
» on s’élève fi vivement : vous voyez s'il étoit
m urgent de s'en défaire, puifque les meilleures
» même ne font pas exemptes de défe&uofités
« dangereufes. » Il parvint enfin à faire comprendre
qu'il valoit mieux n'avoir qu'une moindre
quantité d'armes, & pouvoir s'en fervir avec aflu-
rance.
La mort le furprit dans ces opérations utiles,
dont il ne cefloit de s’occuper au milieu même
des langueurs de la vip fédentaire à laquelle les
tourmens de la goutte le condamnoient depuis
plufieurs années. Il mourut le lundi 9 mai 1789,
après deux mois d'une maladie douloureufe, pendant
laquelle des étouffemens continuels ne lui
avoientpas permis de refter une feule fois couché,
Franchife, fincérité, fermeté, tels furent les
principaux traits defon cara&ère, traits allez rares
pour être quelquefois diftinétifs.
GRIFFON0«GRIPPON. (U i f t .d e F r .) Charles
Martel laififa trois enfans de deux femmes differentes
; il avoit eu de la première, nommée Ro-
trude, Carloman & Pépin, & de la fécondé, nommée
Sonnichilde, un Prince nommé Griffon ou
Grippon.
Il donna l'Auftrafîe à Carloman, la Neuftrie à
Pépin , & à Griffon quelques comtés Feulement,
fitués entre les Etats de fes deux frères. Le jeune
Griffon , agifîant fous l’autorité de Sonnichilde fa
mère, fe montra mécontent de fon partage, 8c fit
la guerre à fes frères pour en obtenir ou en conquérir
un plus confidérable. Le fuccès ne répondit
pas à fes. efpérances. Griffon, près d’être forcé
dans la ville de Laon oùils'é toit retiré , fut obligé
de iè. rendre ; fes frères le firent enfermer aufli
,bien que fa mère ( en 742. )
Pépin-le-Bref avoit quelque modération ; il mit
dans la fuite Griffon en liberté ; il lui donna même;
une petite augmentation de partagé, indulgence
que lès hiftoriens ont beaucoup blâmée , 8c qu'il
falloit beaucoup louer, car c'étoit le feul moyen
d’affermir la paix, fans compter que c'étoit le feul
qui fût conforme à la nature & à la juftice. C e
moyen , il eft vrai-, ne réuffit pas. Griffon fut plus
fenfible à l'injure qu'au bienfait; mais le parti violent,
injufte & cruel ;de laiffer le Prince enfermé
toute fa vie auroit-il mieux réufli ? N’aurôit-il
pas révolté les efprits.P^N'auroit-il pas fourni-aux
grands des prétextes ; de troubles ?. N.’auroit-il pas
donné un parti à Griffon ? Du moins , lorfquece-
luj-ci fe révolta.pour la fécondé fois , ilfu t obligé-
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de quitter la France, où il n’avoit pas un feul par-
tifan, parce qu'on le regardoit comme un ingrat
8c un brouillon ; il alla mendier un afile chez les
Saxons : Pépin l'y pourfuivit 8c l'en chaffa. Griffon
fe réfugia en 748 dans la Bavière ; elle étoit alors
fans Duc, ou, ce qui étoit la même chofe, elle avoit
pour Duc un enfant defix ans : cet enfant fut dans
la fuite le fameux T'affillon. ( Voye^ fon article dans
ce volume. ) Griffon fe fit duc de Bavière, fans
qu'on puiffe bien comprendre quels moyens pou-
voit avoir un prcfcrit & un fugitif pour opérer
une femblable révolution. L’aétif Pépin le chaffa
encore de la Bavière. Les Allemands, auxquels
il s'adreffa enfuite, n’ofèrentle recevoir chez eux.
Forcé de demander encore pardon à fon frère, il
l'obtint encore. S’étant rêvçdté une troifième fois,
il fe retira chez lé duc d'Aquitaine ; Gaïffre ou
Vaiffre, devint amoureux de fa femme, 8c rendit
le Duc fi jaloux, que, félon quelques auteurs,
le Duc , non content de le chaflër de fes Etats ,
le fit enfuite afTaffiner dans les Alpes , où paffoit
alors Griffon pour fe retirer en Italie chez les Lombards
( en 753). C'eft ainfi que Pépin fe vit délivré
des inquiétudes perpétuelles que lui donnoit
Griffon.
La maxime que celui à qui le crime profite, eft
réputé l'auteur du crime, a fait foupçonner Pépin
d'avoir eu plus de part à la mort de Griffon, que
le duc d'Aquitaine, à la jaloufie duquel il fuffifoit
que Griffon fût éloigné.
GRQPPER (Jean ) ,. (U ift. du Luthéran. archidiacre
de C o lo gn e , théologien eftimé parmi
les Catholiques dans le tems de l'établiffement du
luthéranifme. Le P. Maimbourg l'appelle grand-
homtne (titrequ'il prodigue un peu) 8c Jai ne homme.
Voicil'hiftoire qu'il rapporte en preuve defafain-
te té , & voici comment il la rapporte. « Comme
33 un jour Gropper, en retournant de matines, eut
33 trouvé qu’une fervante s'étoit ingérée de faire
»3 fon lit en l’abfence de fon valet, il la challa bien
» vite de fà chambre ; 8c tirant à( l’heure même,
33 8c enveloppant avec précipitation draps, traversa
fin & matelas , il les jeta par la fenêtre au miss
lieu de la rue, comme fi fon lit eût été infeété
»» de la pefte, pour avoir été feulement touché
33 par une femme. *>•■ >,
Ceci rappelle les idées ridicules d’ un raifonneur
juftement condamné vers le même tems (èn 1^31)
par la Sorbonne, pour avoir outré une doètriné
naturellement bonne contre le concubinage des
prêtres. Il ne voulôitpointabfolument qu’unprêtre
eut de femme à fon fervice} 8c, félon lui, la première
qu eftion que le s J uifs auroient dû faire à J udas
fur le compte de Jéfus-Chrift,/ c'étoit: Quel homme
eft ton maître Jéfus? A -t-ilp oin t de chambrière ? D'Ar-..
gentré, Collectiojudiciorum, tom. II,pag. 90 &fuiv.
, On dit que Gropper refufa d'être Cardinal. Il
avoit long-tems gouverné l’éleéteur de Cologne,
Hermande Wi-ed , un de ces hommes foibles 8c
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nuis, qui abandonnent leur ame toute entière à
cèux qui daignent s'en charger. C e t Electeur avoit
autrefois prononcé la peine de mort contre les Luthériens,
parce que Gropper l’avoit voulu; il em-
brafla depuis le luthéranifme, parce que Mélanch-
ton 8c B.ucer le voulurent. La fottife & l'ignorance
de cet électeur de Cologne font reftées célèbres:
il eft vrai qu'elles ont pu être exagérées tour à
tour par les Luthériens 8c les Catholiques, qu’ il
mécontenta les uns après les autres. Quoi qu'il
en foit, il perdit fon éle&orat pour avoir embraffé-
le luthéranifme. Dépofé par le Pape 8c par l'Empereur,
après quelque réfiftance, il fe dépofa lui-
même, 8c alla vieillir dans l’obfcurité, l’ignorance
8c l'héréfie , tandis que fon fucceffeur, aidé des
foins de-Gropper, repouffoit loin de l'éle&orat t
de Cologne ce même luthéranifme qu'Herman de
Wied y avoit introduit.
GRUFFY. (H ift.d eF r .) L’écuyerGrilffiétoitnn
des plus beaux hommes de la cour de François I.
Brantôme attribue à ce Gruffi des bonnes fortunes
affez fingulières. Une grande Dame, qui ne voulut
jamais être connue, 8c qui ne le fut point, l’en-
voy oit chercher la nuit par un homme pareillement
inconnu, qui lui bandoit les yeux 8c l'introduifoit
dans la chambre de cette Dame, d’avec laquelle
il fortoit toujours très - content, mais fans avoir
pu ni la voir ni l'entendre j parce qu'il la voyoit
8c l’entendoit trop tous les jours. Avant la fin de
la nuit on le ramenoit chez lui les yeux toujours
bandés, 8c on lui donna de ces rendez-vous autant
qu'il en voulut recevoir. Brantôme ajoute que
cette Dame traita de même plufieurs autres hommes
; il dit qu’elle étoit avare, 8c il infinue qu’elle
en ufoitainfi, autant pour épargner fa bourfe que
pour fauver fon honneur ; en un mot, il défigne
tant qu’il peut la ducheffe d'Angoulême.
GUALTERIO ou GU ALTIERl. ( Uift. mod. )
Cette famille italienne eft originaire d’Allemagne.
: Elle s'établit à Orviette ,' vers le miliéu du dixième
fîècle ; elle a produit, furtout dans l ’état ecclé-
fiaftique , des fujets d’un mérite diftingué .;,elle y
a rempli les plus éminentes dignités, 8c s’eft fou-
vent alliée avec les Maifons papales.
Plufieurs perfonnages Célèbres ' de ; cette famille
| fe font fignalés par léur attachement à la France ,
dans un tems où l’Italié fe partageoit entre cette
puiffance 8c les puiffancès rivales , 8c où il falloit
quelquefois du courage pour fe déclarer en faveur
de la première. Cette inclination pour la France
fut comme un fentiment héréditaire dans la famille
Gualterio.
Au milieu des troubles que le calvinifme ex-
; citoit en France, Sébaftien Gualterip y évêqiie de
Vite rbe , fut deux fois ènyoyé , en qualité de
noncè, dans ce royaume, par lésrpapes Jules IIÏ
8c Pie IV . Sous les règnes de F'enri II 8c de
François I I , 8c pendant la tenue du concile dé