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qui avoient combattu fous Arminius, & que la
guerre avoir rendus puiffans , allèrent porter leur
inquiétude chez les peuples voifins. Ils fe plai-
gnoient avec fureur des Romains , qui 3 pour opprimer
plus furement la liberté germanique , leur
donnoient pour Roi le fils d’ un traître & d'un, ef-
pion élevé dans les fentimens d’un.efclave & dans
les principes d’un -tyran ; qui leur appqrtoit des
moeurs.& des maximes, non-feulement étrangères,
mais .contraires à leur franchife altière & a leur
générolîté naturelle. Ces difcours 3 appuyés d’ intrigues
puiffantes , foulevèrent une partie de ces
peuples j & procurèrent aux rebelles une armée
çonfidérable. Italus marcha contr’eux avec des
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forces a peu près égales 3 & remporta fur eux une
pleine victoire qui coûta beaucoup de fang aux
deux partis. Affermi fur fon trône , la profpérité fit ,
dit- on 3 fur lui fon effet ordinaire 5 elle entraîna
l’abus de la puiffance 3 ou du moins fes fujets le
préténdirent j ils fe révoltèrent de nouveau & avec
plus de fuccès. Ils parvinrent à le chaffer du trône
& même du pays. Il implora l’affiftaqce des Lombards
y & les Lombards le rétablirent : on ne fait
fi c e fut pour long-tems, ni fi la leçon du malheur
lui fut profitable ou inutile. Ces événemens fe paf-
foientfous l’empire de Claude 3 vers l’ an 46 de
Iéfus-Chrift.
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JE A N -L E -C R U E L , {Uift. de F r .) , duc dsBour-
gogne, fils de Philippe-le-Hardi & père de Phi-
lippe-le-Bon3 difputoit, comme avoit fait fon père,
mort en 1404, l'autorité, au duc d’Orleàns j qui 3
pendant la démence de Charles VI fon frère 3 ré-
gnoit fouverainement en France avec la reine 1 fa-
belle de Bavière fa belle-foeür 3 qu’on croyoir fa
maîtreffe. Cette rivalité politique fe borna quelque
tems à des intrigues de deBourgogne cour ; mais enfin les .partis & d’Orléans fe déclarent; on prend
les armes i les cabales fecrètes deviennent des hof-
tilités publiques. Le duc de Bourgogne avoir marié
fa fille au Dauphin 3 un des frères aines de
Charles V I I 3 ce qui lui donnoit du crédit à la
ctaotu r j il s’ annonçoit comme voulant réformer 1 E- 3 ce qui lui eoncilioit la faveur du peuple ; il
preffa fes préparatifs», ce qui lui procura 1 avantage
de furprendremes s’enmirent ennemis. La Reine & le
duc d’Orléans à fon arrivée; mais pour
avoir entre les mains des otages frère précieux, ils
chargèrent le prince de Bavière, delà Reine,
de leur amener le Dauphin & la Dauphine. Le
duc deBourgogne, averti de cet enlévément (car
on l’ appeloit ainfi), redouble de diligence, atteint
le Dauphin & fon raviffeur à Juvify. Il demande
au Dauphin s’ il ne véut pas revenir à Paris ; le
Dauphin y confent. Le prince de Bavière, veut ré-
fifter ; le duc de Bourgogne , fans daigner le regarder
ni l’écduter, donne les ordres pour le re
tour, &: les fait exécuter. Le duc de Bourgogne
rentre dans Paris en triomphe avec le Dauphin fon
gendre : le d;uc d’Orléans eft-réduit à écrire con-
tr’ e'ux au parlement. |
devant le Prince quatre ou cinq valets-de-piei,
on apperçut le long des murs une troupe d inconnus
Les ducs de Berry & de Bourbon menagerent
au moins les apparences d’une réconciliation entre
les deux rivaux. Le duc de Bourgogne & le duc
d’Orléans s’ embrâfîèrent ; ils couchèrent dans le
même li t , félon l ’ufage du tems. Le dimanche 20
novembre 1407, ils communièrent à la mêmemeffe
& dînèrent enfemble. Le duc d’Orléans priale duc
de Bourgogne à dîner pour le dimanche 'fuiyant.
C e dîner ne devoit point avoir lieu. La nuit du
mercredi 23 au jeudi 24, le duc d’Orléans, après
avoir paffé la journée à l’hôtel de Saint-Pol, ou
demeuroit le R o i , s’étoit rendu chez la Reine à
l ’hôtel Barbette. Il y foupa. Vers les huit heures
dufoir ( c ’étoit alors après fouper), un valet-de-
chambre du Roi, nommé Schas de Courte-Heuze ,
•vint avertir le Duc que le Roi le mandoit pour une
affaire importante & preffée. Le Duc retourne a
l’ hôtel de Saint-Pol ; il étoit fans armes & prefque
fans fuite, & alloit en chantant fans prévoir aucun
malheur. A la lueur des flambeaux que portoient
rangés en haie, & quiparoifloient attendre
quelqu’un. Anflitôt le Prince eft environné d’affff-
nns, qui crient : A mort. — Je fuis le duc d Orléans.3
dit-il : on liii répond : Tant mieux ; c eft ce que nous
demandons. En même tems, d’un coup de hache,
on lui abattit la main gauche ; d’autres coups le
renverfent de fa mule. Qu eft ceci ? dltu rient ceci?
difoit-il en s’efforçant de parer avec le bras dé-
farmé qui lui reftoit, les coups dont on l 'accabloit.
Ce bras fut bientôt fracaffe par une malfue armée
de pointes de fer , & deux autres coups que le
Duc reçut à la tête lui firent fauter la cervelle.
Les affaflins, voulant s’affurer qu’il étoit mort, approchèrent
un flambeau pour f examiner. Al ors fortit
d’une maifon voifine un homme dont le vifage étoit
caché fous un grand chaperon ; il donna au Prince
un dernier coup de maffue, & dit/. Eteignetout;,
allons-noûs-en ; il eft. mort. On croit que c’étoit le.
duc de Bourgogne. Un feul des domeftiques du
duo d-Orléans le défendit jufqu’à la fin ;,il fe nom-
moit Jacob ; il fut tué avec fon maître : on le trouva
expirant lorfqu’on vint relever le' corps du Duc ,
&■ dans ce moment il proféra encore ces derniers-
mots Haro ^Mmfeigneur3 mon maître. Une femme
du voifinage ayant voulu crier au meurtre, les af-
faffms lui avoient dit avec menaces & d’une voix
étouffée : T a i f i - vous , mauvaife femme ; ta>fcuvons.
Le duc d’Orléans ne màrchoit ordinairement
1 qu’avec une efcorte de fix cents gentilshommes ;
| mais tout- étoit difpofé pour qu’il fat feul ce moment
là. Les affaflins etôient au nombre de dix-
huit ; ils avoient à leur tête Raoul d’Ocqueton-
ville, gentilhomme normand, attaché à la Maifon
de Bourgogne, & qui étoit, dit-on, animé d’un
réffentiment particulier contre le duc d'Orléans.
Le duc de Bourgogne , outre la jaloufie du pouvoir,
avoit aufli-contre fon rival un refféntiment
très-vif. Le duc d’Orléans, aimable & accoutumé
aux fuccès de là galanterie -, étoit encore plus vain,
que voluptueux ; il publioit & nommoit fes^ conquêtes
; il avoit une galerie de portraits, qui con-
tenoit tous ceux de fes maîtreffes. Il pouffa l’info-
| lence de l’indifcrétion ou de la-calomnie jufqu’a
y faire voir le portrait-dé la ducheffe de Bourgogne
au duc de Bourgogne lui-même , &r jufqu’à célébrer
dans des chanfons des détails fecrets .de fon
bonheur.
Les affaffins ne prirent pas moins de précautions
après leur crime qu’anpafavant. Ils mirent le feu
à une maifon, pour détourner l’attention & aug-
l raenter le trouble i ils Bernèrent les rues de chauf-
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