
comte d’ Ànguien y avoit été tué ; il étoit frère du
roi de Navarre j du prince de Condé, du cardinal
de Bourbon & du héros de Cerifoles, du même
nom d’Anguien, tué en i J46 à la Roche - Guyon.
C e dernier eft celui que nous avons vu, en 1543,
afliéger Nice avec Barberouffe. Le duc dé Savoie,
vainqueur à Saint-Quentin, mais dépouillé de fes
Etats , ainfi que fon p è r e , n’étoit plus que le
.général du roi d’Efpagne, Philippe 11, qui étoit
monté, en 1 y f 6, fui le trône, par l’abdication
de Charles-Quint fon pète ; ce fut à la tête des
troupes elpagnoles, jointes à dix mille Anglais,
qu’Emmanuel Philibert remporta cette victoire, en
mémoire de laquelle Philippe II fit bâtir PEfcurial.
Lorfqu’ on en apprit la nouvelle à Charles-Quint,
qui ne s’informoit plus d'aucune affaire , il demanda,
dit-on, fi fon fils étoit dans Paris : on prétend
en effet qu'il auroit pu s’en rendre maître au milieu
de la confternation qu’ y répandit cet échec de
Saint-Quentin. D’autres avantages encore, remportés
par les Espagnols, ayant amené la paix de
Cateau-Cambreus, conclue en 1339, le duc de
Savoie y fut enfin rétabli dans fes Etats avec gloire,■
il époufa la fille de l’oppreffeur de fon père, Marguerite
de France , fille de François I & foeur
de Henri II. C e dernier Prince fut tué au milieu
des fêtes qu'il donnoit à l’ occafion du mariage de
fa foeur. Emmanuel - Philibert ne fut pas feulement
un guerrier heureux, ce fut un Prince aimé de
fes fujets, & ami des lettres & des fciénces. 11
mourut le 30 août 1380. Il ne laiiïa qu’ un fils
légitime, mais ce fils fut Charles-Emmanuel, fur-
nommé le Grand, & grand en effet, du moins en
politique.
-7°- Parmi les bâtards du duc Emmanuel-Philibert,
nous diftinguerons Philippin de Savoie, tué
én 1 399, en duel, par le premier maréchal de Cré-
quy. { V dans le Diétionnaire, l’article Créqay.')
28°. Mais revenons à ce Charles-Emmanuel,
feul fils légitime d’Emmanuel-Philibert, & fon
fuccefTeur : c’étoit le plus inquiet, le plus remuant,
le plus ambitieux, ie plus intrigant, le plus adroit
des Princes de fon tems. Ün règne de cinquante
années, au milieu des troubles de la Ligue, Seau
plus fort de la rivalité entre la France & l’Ef-
pagne, fous Henri IV & Philippe I I , & leurs fuc-
ceffeurs , lui fournit toutes les occafions qu’il
pouvoit defirer, de nuire à fes ennemis, St de
chercher-à s’agrandir-aux dépens de fes voifins.
H fut toujours le plus dangereux & le plus perfide
ennemi de la France, fans être un allié bien fur
pour l’Efpagne. C e fut tantôt contre lui, tantôt
pour lui que Lefdiguières fit fi long-tems la guerre
avec des luçcès différens ; c'eft lui qui, ayant envahi
en pleine paix le marquifat de Saluces à la
faveur.des guerres civiles de France, employa-
tant d’ art pour en éluder la rellitution, difant que
le mot de rellitution étoit barbare dans la langue
des Princes ( fon: père's’étoit cependant bien
Voai'é 3ë la chofe ). Henri IV lui répondit : !/ faut
rafef par-là ou par fépje. Il paffa par l'ép ée, 8c
ht enfuite.un traité. , par lequel lé- marquifat'de
Saluces lui refta i mais -il donna én échange la
rS O6,5 ■ 5 *e Vairomey & le pays de Gex.
C eft lui qui fut I’ame de la confpiration du maréchal
de Biron, contre Henri IV , & qui, qUand il
lut que la confpiration étoit découverte , le montra
des plus empreüés à féliciter ce Prince fur le
bonheur qu il -avoit eu de la découvrir. Henri ,
plus lincère, ne lui dilfimula point q uil favoit à
qui l’ attribuer. C ’eft encore ce même Charles-
Emmanuel qui , la nuit du 22 décembre 1602 , fit
r uiV 1 • Genève cette tentative fameufe, qui
lembla lui réuffir d’abord , mais qui finit par tourner
a fa confufion , d’autant plus que , comptant
fur un fuccès qui lui paroiftoit alluré , il s’ étoit
avancé jufqu’ à une lieue de G enèv e, d’où il fut
oblige de s’enfuir en pofte à Turin , après avoir
envoyé faire aux Suilfes de fauffes & inadmiffibles
exeufes, dont ils ne furent point les dupes.
Mais ce fut furtout dans l’affaire de la fuccef-
fion de Mantoue qu’il fignala fa fauffe & artifi-
cieufe politique. Les Gonzagues régnoient à Mantoue
depuis le commencement du quatorzième
fiecle , d’abord fous le titre de vicaires de l’Empire
& de capitaines de Mantoue, puis fous celui
de Marquis, que l’empereur Sigifmond conféra le
2-2 ^ePtera^re \43 ^ Jean-François de Gonzague ;
enfin fous celui de Ducs, que l’empereur Charles-
Quint conféra, en 153Q, à Frédéric de Gonzague,
deuxième du nom.
Pendant le cours des guerres d’Italie entre
Charles-Quint & François 1, ce Frédéric de Gon-
zagu e , après s’être piqué long-tems d’une neutralité
difficile à obferver entre ces deux grandes
puiffances ennemies dont il étoit entouré, & qui
le preffoient de toutes parts, ou par elles-mêmes,
ou par leurs alliés, avoit enfin embrafîé le parti de
l’Empereur, comme celui du plus fort. Mais au
tems de la ligue conclue en 15 2 7 , entre François
I &c les puiffances d’ Italie, pour la délivrance
du pape Clément V I I , retenu prifonnier par les
Impériaux dans lè château Saint-Ange,. Lautrec
attira Frédéric de Gonzague , encore marquis de
Mantoue, au parti de la ligue ; il rentra de nou-
! veau dans le parti de l’Empereur. D’ailleurs, la paix
de Cambrai, conclue en 15 29, termina les troubles
de l ’ Italie. L’Empereur, paffant par Mantoue en
1J3 ° , fut fi charmé de la ipagnifique réception que
lui fie Frédéric, qu’ il érigea Mantoue en duché en
fa faveur.
Frédéric époufa , en 1 < 3 1 , Marguerite Paléologue,
qui, devenue quelques années après l’héritière
de fa Maifon, porta dans celle de Gonzague
le marquifat de Montférrat, patrimoine de
la Maifon Paléologue. Le Montférrat fut alors
difputé- à Frédéric par deux concurrens d’autant
plus redoutables, qu’ils avoient acquis des droits
piiififans fur l’empereur Charles-Quint, juge de
cëtte conteftation. L’un étoit François, marquis
de Saluces , qui , général de l ’armée françaife
dans le Piémont, en ij^ ô^ v enoit de trahir les
Français en faveur de Charles-Quint, comme
nous l’avons dit ( voyeç le n°. 16 ) } l’autre
étoit Charles III, duc de Savoie ( ibid. n°. 2ƒ ) ,
qui s’étoit facrifié pour le même Charles-Quint,
qui avoit plufieurs fois , pour les intérêts de ce
Prince, perdu, recouvré, reperdu fes Etats envahis
par la Franeë, & dont il avoit fini par être
entièrement dépouillé. Le duc de Savoie comp-
toit ( & tout le monde le croyoit comme lui )
ue Charles-Quint faifiroit cette occafion de le
édommager en lui adjugeant le Montférrat, les
fervices que le duc de Mantoue avoit auffi rendus
à Charles-Quint ne pouvant être mis en parallèle
avec ceux du duc de Savoie 5 cependant l’Empereur
, par.fon jugement du 3 novembre 1536, adjugea
le Montférrat au duc de Mantoue, au grand
étonnement de tout le monde. Les Français en
ont pris occafion de l’accufer d’ingratitude envers
le duc de Savoie & envers le marquis de Saluces j
mais pourquoi ne pas plutôt faire honneur de ce
jugement a fon équité ? Pourquoi ne pas penfer
q u e , comme il s’ agiffoitde juftice ite non de libéralité,
l’Empereur, ayant jugé les droits du duc de
Mantoue les meilleurs (comme ils l’ étoient en
effet ) , ne crut pas devoir payer du bien de ce
Duc les obligations qu il pouvoit avoir, foit au
duc de Savoie, foit au marquis-de Saluces ?
Le jugement de Charles-Quint 'èut fon exécution
j le marquifat de Montférrat refta dans la
'Maifon de Gonzague & dans la branche des ducs
de Mantoue. Charles-Emmanuel, duc de Savoie ,
petit-fils de Charles III, & le fujet de cet article,
maria, en 1608 , Marguerite fa fille aînée à François
de Gonzague, duc de Mantoue, arrière-petit-
fils de ce Frédéric qui avoit joint le Montférrat
au duché de Mantoue.
François de Gonzague étoit neveu de Marie de
Médicis, régent^ en France depuis 16 10, ; Vincent
de Gonzagué, père de François , ayant époufé
Eléonore de Médicis, foeur de Marie I dont il
avoit eu , outre François, deux autres fils} favoir :
•Ferdinand de Gonzague, né en 1587, Cardinal,
& protecteur^ des affaires de France à Rome,
quoique fort jeune encore} & Vincent de Gonzague
, né en 1594.
L’ année 1612 fut fatale à la Maifon de Gonzague.
Le duc de Mantoue, Vincent, mari d’Eléonore
de Médicis, mourut le 18 février : une
.de.fes petites - filles , au mois d’oCtobre} Louis
fon petit-fils, & fils de François , mourut âgé de
deux ans, le 2 décembre, & François, père de
Louis, & fils aîné de Vincent, mourut le 21 du
même mois de décembre, âgé de vingt-fix ans.
La mort de ce dernier fut ce qui donna lieu à
l ’ affaire de Mantoue. 11 ne laiffoit de fon. mariage avec Marguerite dt
.Savoie, .fille dè Charles-Emmanuel, que Marie,,
Hijioireè Tome K l. Supplément.
i princeffe de Gonzague, née en 1609 , & âgée de
i trois ans.
Alors s’éleva une de ces queftions qui s’élèvent
toujours en foule dans tous les Etats ou l’ordre
de la fucceffion n’eft pas réglé d’ une manière certaine
, foit par une conftitution formelle, foit
par un ufage invariable &conftamment obfervé,
comme ce que nous appelons ^n France la Loi
falique. Etoit-ce la princeffe Marie qui devoit
fuccéder, fous la tutèle de la ducheffe Marguerite
fa mère, au duc François fon père ? ou étoit-
ce l’ainé des frères de François qui devoit monter
fur le trône ?
Le 23 décembre on reçut à Turin un courier
dépêché en toute diligence au duc de Savoie par
la ducheffe de Mantoue fa fille, qui lui annonçoit
que fon mari étoit au lit depuis trois jours avec
ünè fièvre continue, que fa fille étoit auffi malade.
Au milieu de tant de douleurs & d’inquiétudes,
elle defiroit que le prince de Piémont fon frère
vînt la confoler & l’aider de fes confeils. Il partit
en effet le lendemain pour Mantoue, & peu après
fon départ on reçut à Turin la nouvelle de la
mort du duc François. Vers le même tems le
cardinal Ferdinand de Gonzague recevoit la même
nouvelle à Rome, & , devenu par-là duc de Mantou
e, s’occupoit déjà de faire paffer à dom Vincent
ou Vincenzo fon frère , fon chapeau & les
autres grâces eccléfiaftiques dont il jouiffoit à
Rome & en France.
Cependant le duc de Savoie préparoit bien des
affaires à cette Maifon de Gonzague. Le prince
de Piémont, qui étoit auprès de la ducheffe de
Mantoue fa foe ur, commença par lui confeiller
de feindre une groffeffe, ou du moins d’annoncer
de l’incertitude fur ce point} ce qui produific
d’ abord l’effet de retarder le couronnement du
nouveau Duc. Mais celui-ci n’en prit pas moins
l ’adminiftration de l’Etat fans en faire part à la
ducheffe Marguerite, veuve du dernier D u c } premier
grief de Charles-Emmanuel.
Enfuite le duc de Savoie convenoit bien que
le duché de Mantoue devoit paffer au frère* du
dernier mort fi la Ducheffe n’étoit pas groffe ,
ou fi elle n’accouchoit pas d’un fils} mais renouvelant
les anciennes prétentions de la Savoie fur
le Montférrat, il les trouvoit très-favorifées par
les conjonctures 3 il réclamoit le Montférrat pour
là petite-fille Marie y princeffe de Gonzague, fille
de^la ducheffe Marguerite & du dernier duc de
Mantoue. Le Montférrat, difoit-il, étoit un fief
féminin, & , pour preuve, c etoit par une femme
qu’ il avoit paffé de la Maifon Paléologue à la
iv^aifon de Gonzague. Voilà ce qu’ il difoit, mais
il ne difoit pas que cette femme, qui avoit porté
le Montférrat dans la Maifon de Gonzague, reunif-
foit tous les droits de fa Maifon par l’extin&ion
entière de la ligne mafeuline des Paléologue, au
-lieu que la Maifon de Gonzague ne manquoit
point de. mâles, qui tous, exclu oient les femmes.