« La tendrelfe des deux frères , dit-il y com*-
« mença dès leur naiflance (earilsétoient jumeaux) ,
« circonftance précieufe qu’ ils rappeloienttoujours
» avec plaifir. C e titre de jumeaux..... aVoit lemé-
» rite de reculer pour eux l’ époque d’une amitié
» fi tendre...... Ils lui dévoient le bonheur inefti-
*> mable de ne pouvoir trouver , dans leur vie en-
» tière, un moment où ils ne fe fulfent point aimés.
» M. de Sainte-Palaye n’a » fait que fix vers dans fa vie j & c’eft la traduCtion d’une épigramme grec-
m que fur deux jumeaux. Le teftament des deux
» frères ( car ils n’en firent qu’ un , & celui qui
» mourut le premier difpofa des biens de l'autre),
si leur teftament diftingua, par un legs confidéra-
si b le , deux parentes éloignées qui avoientl’avan-
»i tage inappréciable à leurs yeux, d’être foeurs &
ss nées comme eux au même inftant......Plus heuss
reux que les frères d’Hélène , privés, par une
si éternelle réparation , du plus grand charme de
ss l’ amitié , une même demeure ,- un même appar- s»s3 tement, une même tab le , les mêmes fociétés réunirent conftamment MM. de la Curne......
» Combien de fois à-t-on vu les deux frères, fur-
si tout dans leur vieilleffe , paroiflant aux affem-
» bléespubliques, aux promenades, aux concerts,
ss attirer tous les regards, l’attention du refpeCt,
ss même les applaudiflemens !......Après la vertu ,
» le fpeCtacle le plus touchant eft celui de l’hom-
r> mage que lui rendent les hommes affemblés.
» M. de la Curne eft près de fe marier : M. de
ss Sainte-Palaye ne voit que le bonheur de fon
*> frèrej il s’en applaudit, il eft heureux, il croit
» aimer lui-même } mais la veille du jour fixé pour
« le mariage, M. de la Curne apperçoit, dans les
s* yeux de fon frère, les lignes d’une douleur in-
» quièté...... C ’eft que M. de Sainte-Palaye , au
» moment de quitter fon frère, redoutoit, pour
ss leur amitié, les fuites de ce nouvel engagement,
ss II laiffe entrevoir fa crainte 5 elle eft partagée,
ss Le trouble s’accroît, les larmes coulent. Non ,
» dit M. de la Curne , je ne me marierai jamais.
*> C e ferment fut inviolable......
ss Mais la vieillelfe avance... l’inftant redoutable
» approche... C*eft M. de la Curne, dont la fanté
» chancelante annonce la fin prochaine. On trem-
>3 b le , on s’attendrit pour M. de Sainte - Palaye 5
ss c’eft à lui que l ’ on court dans le danger de fon
» frère 5 tous les coeurs font émus......Le feu Roi
ss ( car une telle amitié devoit parvenir jufqu’au
ss trône ) montra quelqu’ intérêt pour l’infortuné
ss menacé de furvivre. C ’eft lui que plaint furtout
y? le mourant lui-même. Hélas l dit-il, que deviendra
ss mon frère? Je niétois toujours flatté qu’i l mourroit
» avant moi.... O voeu fublime du fentiment, qui,
ss dans ce partage des douleurs , s’ emparoit de la
ss plus amère, pour en fauver l’objet de fa ten-
« dreffe ! ~
‘Que deviendra en effet ce vieillard privé de fon
frère ? Va-t-il être abandonné ? C ’ eft le -fort de
de fon âge. « N o n , fes amis fe raffemblent, l’ens
» vironnent, fe fuccèdent} des femmes jeunes,
» aimables, s’arrachent aux diflipations du monde
» pour féconder des foins fi touchans......Il v i t ,
s» mais la douleur, la vieillelfe, les infirmités affoi-
ss blilfentfes organes.} le fouvenir feul de fon frère
ss furvit à fa raifon } il n’ eft plus qu’une ombre } il
s> aime encore. Dans une des féances particulières
ss de l’Académie , chancelant, prêt à tomber, il
»» eft fecouru par un nouvel académicien qu’il
ss connoilfoit à peine (M . Du cis). Monfieur, lui
« d.t-il, vous ave^furement un frère. Un frère, un
>s fecours, ces deux idées font pour lui infépara**
95 blés à jamais.
»» L’amitié fut le bonheur de fa vie entière......
ss Que dis-je? o confolation ! ô bonheur d’unedef-
3» tinée fi rare ! C ’ eft l’amitié qui veille encore fur
» fes derniers jours. Il pleure un frère , il eft vrai,
ss mais il le pleure dans le fein d’un ami qui par-
ss tage cette p erte, qui la remplace autant qu’il
ss eft en lu i , qui lui prodigue , jufqu’au dernier
99 moment, les foins les plus attentifs , les plus
>s tendres, ajoutons , pour flatter fa mémoire, les
»3 plus fraternels. C ’eftparmivous, Meilleurs, qu’il
99 devoit fe trouver, cet an i fi relpeCtable ( M. de
99 Bréquigny ) , ce bienfaiteur de tous les inftans ,
»» qui chaque jour , & plufieurs fois chaque jour ,
»s abandonne fes études, fes plaifirs , pour aller
*3 fecourir l ’enfance de la-vieillelfe. Vos yeux le
»s cherchent, fon trouble le trahit, nouveau garant
»» de fafenfibilité, nouvel hommage à la mémoire
>9 de l’ami qu’il honore & qu’ il pleure. »9
M. de Sainte-Palaye mourut en 1781. Il avoit
été reçu à l’Académie des belles-lettres en. 1724 ,
& à l’Académie françaife en 1758. Sa longue
carrière fut toujours heureufe , remplie par des
inclinations douces & par des occupations de fon
choix } il aima les femmes fans être tourmenté
par elles. Il adoptoit, il répétoit avec plaifir cettë
devife chevalerefque : Toutes fervir, toutes honorer
pour tamour d’une. Déjà privé de mémoire , mais
pas encore de raifon , il aimoit à raconter qu’ il
avoit fenti trois fois, en très-peu de tems, un goût
v if & une forte de furprife de l’amour pour une
même femme , ayant toujours oublié , dans tous
les intervalles, qu’ il l’eût déjà vue & déjà aimée,
& ayant cru chaque fois la voir pour la première
fois.
SALANKEMÊN, ( Hiß. mod.) , ville de la
Baffe-Hongrie fur le Danube, vis-à-vis l’embouchure
de la Teiffe dans ce grand fleuve, lieu fameux
par la victoire que l’armée impériale, commandée
par le prince Louis de Bade, y remporta
en 1691 fur les Turcs.
E t de Salankemeii les plaines infeCtées
Sont encore humeCtées
Du fang de leurs foldats fur la pouflicrc épars,
a dit'Rouffeau.
S A L A Z A R '(J ean d e ) , {Hiß. mod.) , dit k
grand Chevalier, chambellan du Roi & eapitain®
de cent lances, fervit avec diftinâion les rois Charles
VII & Louis X I 5 il commandoit l’avant-garde
de l1 armée de Louis XI à la bataille de Mont-Lhéri
en 1465} il défendit Paris contre les princes de la
Ligue dite du bien public ,• il défendit Beauvais en
1469, contre le duc de Bourgogne, Charles-le-
Téméraire, & lui en fit lever le fiége } il eut part
dans la fuite à la conquête de la Franche-Comte,
faite fur Marie de Bourgogne, fille de Charles }
il mérita & il eut le gouvernement de Gray dans
cette province. Il mourut en 1479» il laiffa quatre
fils , HeCtor, Galeas, Lancelot & Triftan de Sa-
lazar. Les trois premiers foutinrent dignement la
. gloire que leur père s’étoit acquife par les armes.
Le dernier (T r ifta n ) , évêque de Meaux, puis
archevêque de Sens, fervit utilement l’Etat par les
négociations. En 1480 il conclut la première confédération
de la France avec les Suiffes} en 1488,
fous Charles V III, il alla en Angleterre négocier
fur l’ affaire de la Bretagne, dont Charles VIII ve-
noit de faire la conquête, qui donnoit de juftes
alarmes à l’Angleterre : il ne borna point fes fer-
vices à ces operations pacifiques} il étoit fils du
grand Chevalier, il fut chevalier lui-même} il fujvit
Louis XII à la réduction de Gênes en 1 $oy. L’hif-
torien Jean d’Anton nous repréfente ce prélat
marchant à cette expédition, armé de toutes pièce
s , à la fuite de Louis XI. Il mourut à Sens le 11
février i f i 8 , ayant fervi l’Etat fous cinq R o is ,
Charles V I I , Louis X I , Charles V I I I , LouisXII,
François I.
SALEL ( Hugues ) , ( Hiß. litt, mod.), poète
français, valet-de-chambre de François I, quil’ho-
noroit d’une protection & d’ une affeCtion particulière
} il lui avoit donné ordre de traduire en
vers français Ylliade d’Homère. Salel é toit, dit-
on , un des meilleurs poètes de fon fiècle} mais la
langue ni la poéfie françaife n’étoient pas mûres
encore pour une pareille entreprife} & quand elles
ont été plus formées, l’entreprife a encore échoué.
Salel ne traduifit ( & c’étoit trop ) que les douze
premiers livres de l’ Iliade & le commencement du
treizième. Son travail ne refta pas fans récom-
penfe. Le Roi lui donna l’ abbaye de Saint-Ché-
ron, $ç y ajouta encore une penfion. Des Imprimeurs
ayant fa it, fans l’aveu de Salel & fur des
copies défeCtueufes, une édition furtive de fon
ouvrage, François I donna, le 18 janvier 1 J44, à
Fontainebleau, des lettres-patentes allez cuneufes,
& qui deviennent un titre affez honorable pour
Salel. Le Roi y parle ainfi : « Aucuns libraires &
»9 imprimeurs, plus avaricieux que fayans , ayant
ss trouvé moyen de recouvrer des copies d’aucuns
a» livres de Ylliade d’Homère, prince, des poètes
9» grecs, que nous avons à Salel par ci-devant com-
3» mandé traduire & mettre en vers français, fe
9s font ingérés de les imprimer & expofer en vente,
•0 avec une infinité de fautes & changemens de
. 99 diClions qui altèrent le fens des fentences, coti-
»9 tre l’intention de l’auteur & la diligence du
! ss tranflateur, lequel n’en peut recevoir finon une
ss déréputation & calomnie, par l'ignorance , te-
ss mérité & négligence d’ autrui} nous, voulant
ss obvier pourvoir à telles folles & vaines en-
33 treprilès defdits libraires, à ce que par eux la
»3 dignité de l’ auteur ne foit en aucun endroit pro- 93 fanée, ne aulfi le labeur dudit traducteur mal
ss reconnu, au préjudice de l ’utilité , richeffe &
33 décoration que notre langue françaife reçoit au-
33 jourd'hui par cette traduction, de laquelle nous
90 ont jà été préfentés les neuf premiers livres,
33 dont la leCture nous a été fi agréable & nous a
33 tant déleCtés, que nous délirons finguliérement
ss la continuation & parachèvement de l’oeuvre, à
33 içelui Salel nous avons permis d’imprimer, & c . »*
Etoit-ce un Prince ordinaire qui favorifoit fon
valet-de-chambre ? Etoit-ce le pere des lettres qui
protégeoit les talens ? ou n’étoit-ce pas plutotSalel
lui-même qui avoit drelfé cés lettres dans la forme
qui lui étoit la plus avantageufe, fachant bien que
le R o i , félonl’ufage, les figneroit fans examen?
Ç ’eft ce qu’il y a de plus vraifemblable & de plus
ordinaire,
- En tête de la traduCtion eft une épître en vers ,
de Dame Poésie au roi très - chrétien , François,
premier de ce nom.
Salel avoit auffi fait une traduCtion françaife de
la tragédie d’Hélène, d’Euripide. On a de plus publié
un Recueil des (Suvres de Hugues Salel, valet-
de-chambre ordinaire du R o i, imprimées par commandement
dudit feigneur.
Après la mort de François I , Salel fe retira dans
fon abbaye de Saint-Cheron près de uhartres, ou
il mourut l’an i jT L à quarante-neuf ans & demi.
Son épitaphe, faite par Pierre Pafchal^ fon ami,
lui donne le titre de poète de fran ço is, roi de
France. Hugo ni SalelU&} Çadurco , Francifci Galto-
rum regis poëu , vitâ integerrimo , qui tranquillioris
vite, defiderio * ex regiâ, mortuo Francifco, ut fe to-
tum otio 6* doStrina dederet , Camutum venit, ubi
aliquot pofi annos, diuturno & mortifero tnorbo affeç-
tus , de vitâ, humante conditionis memor, placidè &
conjîanter decejjit. Huic hic quicfcenti & diffoluti cor-
poris renovationem expe£tanti3 Petrus Pàfckalius} arnicas
dolens P. & fub afciâ D . anno a falute mortali-
bus reftitutâ iy ƒ3. Vixit annos quadraginta riovem,
menfes fex.
La plupart de ces particularités font tirées des
Bibliothèques de la Croix du Maine & de du Ver -
dier-Vauprivas : nous n’en avions dit qu un mot
dans le Dictionnaire.
SALE TTE (J ean d e ) , (Hifi. mod.)3 Béar-
nois, évêque de Lefcar. C ’eft par l’ entremife de
ce Prélat que Louis.XUI parvint à rétablir la re-
j ligiôm catholique dans le Béarn, d’où elle avoit été
i bannie foixante - dix ans auparavant .par Jeanne
d’Albret, mère de Henri IV . Jean de Salette mou-
O o 2