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mine lupus, latro poilus quam dux dicendus ) 3 & qui
fut long-tems en exécration aux Français pour
l'expédition dont nous parlons, attendit l ’armée
de Charlemagne dans les défilés des montagnes 5
il n’ ofa pas cependant lui fermer le paffige j de
peur que , fi les Français venoient à le forcer ou
a s’ouvrir quelque route négligée ou peu connue,
comme ils avoient fait fous le même Charlemagne
au paffage des Alpes , il ne fut lui-même, enveloppé
par eux j il laifïa paffer le gros de l’armée ,
lorfqu elle fut engagée dans les détours des
Pyrénées, il fondit en traître fur l ’arrière-garde,
qui ne s’attendoit nullement à cette brufque attaq
u e , mais qui étoit prête à tou t, étant compofée
des plus braves gens de l’armée : le bagage fut
p illé , le choc fut même affez violent pour que
l’arrière-garde, n’ayant pu être mife en défordre,
fût taillée en pièces, & pour que les Français y
perdiffent plufieurs guerriers diftingués, tels qu’E-
gibard, grand-maître de la Maifon du Roi j An-
felme, comte du Palais ; & ce Roland , neveu de
Charlemagne, fi célébré par les romanciers & par
les p o è t e sm a i s dont FHiftoire dit Amplement
qu’ il étoit gouverneur des côtes de l’Océan britannique,
& fils de Milon, comte d’Angers, &
de Berthe, foeur de Charlemagne. Les Français ne
pouvant ni développer leurs forces, ni f e .ranger
eh bataille,.ni atteindre un ennemi preîqu’ inyifi-
b le , effrayés par la vue des précipices & par le
bruit des torrens, étbient écrafés par. de groffes
rochesqu’on rouloit fur eux du haut des montagnes
, ou percés par dés flèches lancées d?un lieu
fur. C ’eft là cette famèufe journée de Roncevaux,
dont FEfpàg-ne eft enqçre fi fiere , & où elle fe
vante d’avôfr vaincu 'Charlemagne & fes douze
pairs. Les Français difent qu on ne doit point fe
vanter d’une fi lâche trahifon; que, s’ il étoit pof-
fible d’en tirer quelque gloire, cette gloire feroit
un peu étrangère à l’Efpagne } qu’elle appartien-
droit à des voleurs montagnards, demi-français,
demi-eipagnols, ou qui plutôt n’étoient ni l ’un
ni l ’autre j qui avoient moins combattu qu’ ils
n’avoiént pille} ce qu’ils pouvoient toujours faire
impunément, .grâce'aux retraites inacceffibles où
ils fe cachoient, & où l’ on ne pouvoit les fuivre 5
que le fruit de la viétoire fut pour Charlemagne 5
que l’Arragon, la Navarre, la Catalogne^, tout ce
qu’il avoit conquis en Efpagne refta fournis} que
tous les petits Princes de ces pays ne ceffèrent
point d’être fes vaffaux & fes tributaires} que les
Chrétiens dé ces mêmes pays 'reflèrent fous lapro
teélion de Charlemagne, affranchis de tout tribut
envers les Mahométans 5 que. Charlemagne établit
dans la plupart des villes foumifes par fes armes,
des gouverneurs qui veilloient fur les Sarrafins,
& qui lui répqndoient de leur fidélité} que fi les
Français effuyèrent un échec dans cette occafion,
bien loin qu’il ait pu nuiré à leur gloire , il femble
avoir augmenté leur confidération en Europe, par
l'importance même que l ’Efpagne; attache à ce
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petit fait de guerre, par les exagérations & les.
.fables dont eue l’a orné. '
; Charlemagne, ainfi trahi par le duc Loup , ne
pouvoir iaiffer fans vengeance une pareille félonie
de la part d’un vaffal} ilne pouvoit Iaiffer la tache
dune défaite .imprimée.à fon nom > il porta la
guerre dans la Gafcôgne : le Duc tomba entre fes
mains, & Charlemagne , par une atrocité qui flétrit
bien plus fa gloire quë ri’avoit fait l’éçnec de
Roncevaux, & qui prouve qü’ il fe régardoit comme
ayant été .vaincu dans cette-journée, fit pendre ce
Prince, comme Pépin-lê-Bref avoit fait pendre
Rémiftain, grand-oncle de ce même Duc. Si Pépin
méritoit d’ être imité en quelque chofe par fon fils,
ce n’étoit pas fans doute, dans cette violence. Les
lois ou pliitôt les 'ufages de la féodalité rie justifient
point Charlemagne. Un Prince tel que lui
étoit digne d’abolir cès lois & ces ufages dans ce
qu’ils avoient de barbare } il devoit du moins en
témpérer la rigueur d’après les circonstances , &
refpeêter dans le duc Loup le farig royal dont il
étoit iffu, le malheur dont il étoit accablé , le
jufte reffentiment dont le fils de Gaïffre, le petit-
fils de Hunaud , le pétit-nevèu de Rérriiftain, l’ arrière
petit-fils du duc Eudes^ devoit être animé
contre Charles - Martel, Pépin & Charlemagne ,
les ennemis & les perfécuteurs éternels de fa
Maifon.
Gbfervons du moins que ce vainqueur inexo- -
rable n’étendit point fa colère jufque fur la pofté-
rité du duc Loup } il laifïa par pitié, mif:rcorditer3
dit'toujours Charles-le-Chauve dans la charte .
d’ Alaon, à Adalaric ou Adalric, fils de-Loup, une
partie dé la Gafcôgne, pour qii’iî eut dé quoi vivre .
convenablement, ad decentervivtndu7?. -Mais; un fi
fôiblë bienfait ne pouvoit balancer de fi horribles
outrages.' Ôn voit dans la fuite ce duc Adalric fe
révolter contré Louis - le - Débonnaire , & périr
avec Centulle, un de fes fils, dans un combat
côiitre ce Prince. Cette querelle fe perpétua entre
les deux races rivales de Charlemagne & du duc
Loup.
LU CCE IUS (L u c iu s ) 3( I lîfi.litt. de Rome) 3
hiftorien romain, Contemporain & ami de Cicéron,
qui le comble d’ éloges dans plufieurs de fes ouvrages
, & qui l’appelle fanùtijfimum teftem , titre le
plus noble qu’on puiffe donner à un hiftorien.
Quand l’ auteur de, Rome fauvée a mis dans la
bouche de Cicéron ces deux vers ,
Romains, j’aime la gloire, & ne veux point nven 1
taire :
Des travaux des humains c’eft le digne falàire.
il a peint d’un feul trait Cicéron & Voltaire ;
mais furtout il a pèint Cicéron tout entier, tel
qu’on le retrouve dans une lettre de Cicéron lui-1
même à Lucceïus, où il lui demandé pour ainfi .
dire l’immortalité, en le priant d’écrire l’hiftoire
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de fon confulat. Cette lettre eft célèbre} elle paffe
pour une des plus belles de Cicéron, & il paroît
qu’il en avoit lui-même cette id é e , car il confeille
à Ton ami Àtticus de s'en procurer une copie. Un
moralifte févère peut trouver de l’orgueil ou de
la vanité dans cette lettre } un philofophe indulgent
(& celui-là feul eft phïlofopnè) efpérera toujours
beaucoup de quiconque prend foin de.fa réputation
8c veut vivre avec honneur dans la mémoire
des hommes.
Lucceïus écrivoit l’Hiftoire de fon tems, & C icéron
s’attendoit bien d’y figurer à l’époque de
fon confulat & de la guerre catilinaire } mais fon
impatience ne lui permettoit pas d’attendre qu’ùn
fi long ouvragé fut achevé. D’ailleurs, fon ardeur
pour la gloire n’étoit pas fatisfaite de l’efpace toujours
néceffairement borné qu’un individu, quel
qu’ il foit & quelle que foit fon importance, occupe
dans une Hiftoire générale} ilvouloit, en un
mot, une hiftoire pour lui feul. C ’étoit l’hiftoire
particulière de fon confulat qu’il vouloit qu’ on
écrivît, ou plutôt qu’ il vouloit que Lucceïus écriv
ît} car il ne manque pas de lui citer l’exemple
d’Alexandre, qui n’ avoit voulu être peint que
par Apelle, & fculpté que par Lyfippe. Il demande
formellement à Lucceïus une hiftoire dont fon
confulat, féparé du refte de l’Hiftoire romaine ,
foit l’unique o b je t , comme chez les Grecs la
guerre de Troye avoit été le fujet d’un ouvrage
particulier de Callifthène-, la guerre de Pyrrhus
de même pour Timée le Sicilien, & celle dë Nu-
mance pour P olybe, quoique ces trois auteurs
traitaffent plus fuccinftement ces mêmes fujets
dans leurs Hiftoires générales. Il fe plaît à confi-
dérer tous les avantages qui doivent réfultej:, &
pour l’hiftorien, de s’ attacner ainfi à un feul fujet,
de s’occuper d’une feule perfonne , & pour le
héros, d’être ce feul fujet,'cette feule perfonne
dont on s’ occupe. La familiarité du ftyle épifto-
laire engage ici Cicéron dans des aveux affez naïfs}
il ne diffimule pas qu’il attend de la juftice’de
î ’hiftorien les louanges qui lui font dues, & qu’il
ne rejettera pas celles que l’amitié voudra bien ÿ
ajouter par furcroît. C e grave légiflateur, q u i,
traçant les devoirs auftères de l’hiftorien, lesrap-
portoit à ces deux points fixes , à ces deux lois
inviolables , ne quid falfi dicere audeat^ ne quïd veri
non audeat3 -fe relâche i c i , pour fon intérêt, de
la rigueur de fes principes} & après avoir obfervé
gaiment que quand les bornes de la pudeur font
une fois paffées, il ne faut pas être effronté à
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demi : Qui femel verecundiA fines tranfierii , eum
bene & naviter decet ejfe impudentem. Il prie Lucceïus
de ne pas s’en tenir fi fcrupuleufement à la Ample
vé r ité , de l’orner, de l’embellir, & même confi-
dérablement, au mépris de toutes les lois de l’Hif-
toire : Te plane etiamatque etiam rogo3 ut & ornes ea
vehementiùs etiam quam fortaffe fentis , & in eo leges
Hijloria negligas..... amorique noflro plufculum etiam
quam concédât veritas largiafe. Voilà qui eft net. C e
Lucceïus cependant s’étoit vanté , dans une de
fes préfaces , qu’aucun motif de faveur perfon-
nelle n*âvoit altéré la vérité de fes écrits , & qu’ il
s’étoit défendu à cet égard contre toutes les réductions
de l’amitié , avec la même inflexibilité
que l’Hercule de Xénophon oppofe à tous les
charmes de la volupté. Cicéron lui-même rappelle
à Lucceïus ce propos & cette comparaifon} mais
c’eft pour le prier d’ en ufer plus humainement &
plus amicalement, & de n’être à fon égard nî
Hercule ni Xénophon. Enfin, Cicéron avoit tellement
à coeur-que fon hiftoire fût écrite bien
écrite, qu’ il déclare à Lucceïus q ue, dans le cas
d’un refus qu’il ne craint pas cependant de fa
part, il prendroit le parti d’être lu i-même fon
propre hiftorien, malgré tous les inconvéniens
qu’ il y trouve , foit à caufe des bienféances gênantes
de la modeftie , foit à caufe des foupçons
de partialité que l’ intérêt perfonnel peut u aifé-
ment faire naître. U paroît que Lucceïus ne répondit
point par un refus à la confiance d’un ami
& au defir flatteur qu’un grand-homme témoignoit
d’être célébré par lu i } il promit de le fatisfaire.
On ignore fi c’eft le pouvoir ou la volonté de
remplir cette promefle qui lui a manqué, ou fi
cette hiftoire a été écrite fans être parvenue juf-
qu’à nous.
C ’eft principalement par cette lettre de Cicéron
que Lucceïus eft connu, & la profonde eftime
que cet orateur, homme d’E ta t, montre pour lui,
en infpire beaucoup au leêteur. On trouve, dans
le Recueil des épîtres de Cicéron ,. une lettre decon-
folation que ce même Lucceïus écrit à Cicéron
fur la mort de fa fille & fur fes autres chagrins ,
tant domeftiques, que politiques & publics.
LUSIGNAN ou LUZIGNAN ou LEZIGNEM.
( Voyez cet article dans le Di&ionnaire.) Parmi les
hommes illuftres de cette Maifon, il faut compter
Hugues X , mari d’Ifabelle d’Angoulême, mère
du roi d’Angleterre, Henri III. ( Voyez ci-deffus
l’ article Ifabelle d*Angoulême. )