
la tête tranchée par un boucher , afîaflm que le
duc de Guife fit périr dans la fuite pour venger
Jofeph.
Un grand nombre d’autres perfonnages du nom
de Caraffe, de toutes les branches, témoignèrent
leur fidélité, &r fignalèrent leur valeur dans les
troubles de Naples. Un grand nombre a uffi retrouvèrent
à la fameufe bataille de Lépante, gagnée
par dom Juan d’Autriche fur les Turcs , en 15,71.
Un beaucoup trop grand nombre périt dans des
duels & des tournois , entr’autres Jean-Thomas
Carkffe, comte de Cerrette, qui avoit auparavant
eu le malheur de tuer lui-même deux de les amis,
l’ un en duel, l’autre dans une joute. Plufieurspérirent
fur l ’échafaud, mais dans des tems de troub
le , où la vertu a fouvent le fort du crime. On
compte dans la Maifon Caraffe un Pape ( Paul IV ) ,
douze cardinaux , deux patriarches , trente-fix
tant archevêques qu’évêques, & c . 8c la lifte des
guerriers célèbres auroit pu être plus nombreufe.
Cette Maifon compte auflî plufieurs gens de lettres.
' CARAUSIÜS 8c ALLEC TUS . Sous l’empire
de Dioclétien & de Maximien, vers l ’an 288 ou
290 , diverfes nations germaniques qui habitoient
le long des côtes de la mer Baltique, commencèrent
de fe livrer à la piraterie, 8c d’infefter les,
côtes de la Gaule belgiquè. Maximien , pour réprimer
leurs brigandages, envoya ordre à Caraufius
, Ménapien de nailfance, c ’en-à-dire, Flamand,
& formé dès l’ enfance, parmi les Batayes, à tous
les exercices de la marine, d’équiper une flotte ,
8c de la tenir à Boulogne, toute prete à fondre fur
les pirates lorfqu’ ils paroîtrôient dans la Manche.
Caraufïus ne prit de cet ordre que ce qui s’ac-
cordoit avec fes vues particulières. Sa flotte croi-
foit avec avantage dans la Manche 5 mais pouvant
arrêter les pirates , i l les laiffoit palier pour les
attendre avec plus d’avantage encore au retour ,
lorfqu’ils feroient chargés de butin : de ce butin il
n’en rendoit rien aux marchands fur lefquels il
avoit été fa it , ni aux malheureux habitans qui
avoient été pillés. Il n’envoyoit pas non plus à
l ’Empereur les pirates qu’il avoit au faire prifon-
piers : on foupçonna enfin , ou qu’il y avoit de la
çollufion entre lui & les pirates, ou que, plus pirate
qu’eux, il les Iaifîbjt pafier dans leurs courtes,
pour les arrêter au retour 8c s’enrichir de leurs
prifes. Maximien ordonna , le plus fecrétement
qu’i l p u t , qu’on fe défît de ce traître 8c de ce
voleur public > mais ce traître avoit des reflources
dans l ’efprit, 8c favoit combiner fes projets j il
connoifioit, 8c fes dangers, 8c fes moyens. Ave rti,
foit par fa confcience , foit par quelques amis,
o u , ce qui eft vraifemblable-, préparé depuis long-
çems à (a révolte, déjà maître d’pne flotte 8c d’une
armée navale , il fe rend maître encore du port
de Boulogne > il pratique 8c corrompt les légions
reliées dans fa Bretagne ( l’Angleterre J. Pour la
contenir, il pafie dans cette île 8c s'y fait proclamer
Empereur } il afiiire de plus en plus l’empire
de la mer en faifant conftruire un grand nombre
de vaifleaux î il fait alliance avec les nations germaniques
les plus exercées à la piraterie, & les
exhorte à fé jeter fur les Gaules. Maximien n’ ayant
plus de flotte, puifque Caraufius s’en étoit emparé,
fut obligé de le laifier quelque tems régner paift-
blement dansla Bretagne > mais Confiance Chlore,
aüflitôt qu’il eut cette province dans fon partage,
s’emprefia de faire valoir tous les droits de l’Empire
Contre l’ufurpateur : il courut afliéger Boulogne.
Caraufius étoit abfent, mais il avoit Enfle
la place dans le meilleur état de défenfe , bien
fournie de troupes 8c de vivres. L’arrivée fubite 8c
entièrement imprévue de Confiance Chlore commença
cependant d’étonner les habitans 8c les dé-
fenfeurs de la place. C e Prince , pour empêcher
Caraufius de venir la fecourir, fefervit d’ un moyen
que le cardinal de Richelieu employa depuis, peut-
être à fon imitation, pour prendre la Rochelle. 11
ferma le port par une digue î il la forma de grands
« arbres qui furent plantés à l’entrée du port avec
53 de gros quartiers de rochers 8c de longues faf-
35 cines entre deux. >> Sûr alors qu’il ne viendroit
aucun fecours du côté de la mer , 8c que Caraufius
fortiroit en vain de la Bretagne pour s’avancer
vers Boulogne, il prefifa tellement cette place du
côté de la terre, qu’il parvint à s’en rendre maître.
Il arriva un incident où l’on voulut voir du miracle ;
c ’efl que la digue, qui étoit reliée inébranlable
pendant toute la durée du fiég e , fut emportée
aüflitôt après que la place eut été réduite, comme
f i , dit Mezeray, la mer eût été d’accord avec Conf-
tance de n’employer «« la violence de fes flots que
33 pour débarrafier le port, qui néanmoins, ajoùte-
J3 t - il, en eft encore gâté. 03 Àinfi le miracle ne fut
pas complet. C e port étoit le feul qu’il y eût alors
dans la Gaule fur toutes les côtes de l’Océan. On
l’appeloit autrefois Gefforiac , Gejforiacum , du
mot celtique geffo , qui lignifie havre.
Confiance C hlore , voulant terminer promptement
cette guer re, tenta une defçente dans la
Grande-Bretagne. Caraufius lui oppofa une vigou-
reufe défenfe. Confiance fut repouffé avec perte,
& obligé, comme l’avoit été Maximien, de traiter
avec ce rival, & de le laifier pour un tems régner
en Angleterre.
lllâ fe jaftet in aulâ.
Sa domination dura un peu plus de fix ans, Sc
ne fut point détruite par les Empereurs romains,
il fuccomba • fous l’ingratitude & la trahifon. Un
faux ami qui avoit furpris toute fa confiance , &
qu’il avoit comblé de biens & d’honneurs, ne fe
contenta pas de partager fa puifiance j il la lui arracha
toute entière avec la vie , l ’an 297. C e nou-
véau tyran étoit Alleétus. Le malheureux Caraufius
avoit de tout point mal placé-fa confiance : fon
aflaffin u’ayoit rien de fes talens. Aüflitôt que les
Romains
Romains eurent réparé leur flotte , Confiance
Chlore envoya fon préfet du prétoire, Afclepio-
dote, contre Alleélus ; Afclépiodote fit fa defçente
fans rencontrer aucun obftacle, & il eut la peine
d’aller chercher Alleélus, qui ne fe preflbit nullement
de venir à fa rencontre. H le trouva enfin
à la tête d’une armée principalement compofée de
Français. C ’ étoit en eux qu’il mettoit toute fa
confiance j & comme cette nation étoit alors la
plus redoutée de l’Europe, il avoit vêtu & arme
la plupart de fes foldats à la manière française ,
pour en impofer d’autant plus à l’ennemi > mais 3
ni ce que cet avantage avoit de r é e l, ni ce qu’il
avoit feulement d’apparent, ne put compenfer
l’impéritie du général : Alieélus fut entièrement
défait, & il périt, mais dans fa fuite & non dans
le combat. Cet événement arriva vers l’ an 360 de
Jéfus-Chrift. Alle&us avoit régné environ trois ans,
fi c ’eft régner que d’entendre fans cefle gronder
l ’orage fur fa tête , & d’attendre à chaque inftant
le châtiment de fon crime.
CARINAN ( le ) . (Hift. de Fr. ) A la bataille
de Marignan, en 15 1 5 , le chevalier Bayard étoit
lieutenant de.la compagnie de cent hommes d’armes
du duc de Lorraine, qui acquit,ainfique lui,
beaucoup de gloire dans cette bataille. Le chevalier
Bayard ayant eu un cheval tué fous lui, en
avoit monté un fécond , q u i, ayant eu la bride
coupée , l’emporta au grand galop à travers les
bataillons fuifles, jufque dans une vigne où il fut
contraint de ralentir fa fougue. Bayard en defcen-
dit promptement, & courut à pied d ’un côté où
il entendoit crier France : il y trouva le duc de
Lorraine, qui lui fit donner fon fécond cheval de
bataille, nommé A Carinan, avec lequel il fe fi-
gnala par fes exploits ordinaires.
, Cet animal fingulier mérite que l’Hiftoire s’occupe
de lu i , comme elle a fait de Bucéphale. Le
Carinan avoit appartenu au chevalier Bayard , tk
s’étoit accoutumé à braver, ainfi que lui, le danger
8c la fatigue. A la bataille de Ravenne, en 1 f 12 ,
ercé de coups à la tête & dans lé-flanc , il eom-
attoit encore } mais enfin, épuifé par le fang qu’ il
perdoit, il parut vouloir s’abattre : fon maître en
defcendit à regret, & le laifla pour mort fur le
champ de bataille. Le lendemain quelques foldats
français , allant dépouiller & enterrer les morts ,
trouvèrent le Carinan, q u i, rênverfé par terre ,
8t ne pouvant plus fe relever , s’ efforçoit encore
de manger le peu d’herbe dont il étoit entouré. Il
fe mit à hennir aüflitôt qu’il les v i t , comme pour
leur demander du fecours $ ils en eurent pitié } ils
le menèrent à la tente du chevalier Bayard : on
pança fes plaies , il guérit, il reprit fa vigueur 8c
fon courage.,
[ Bayard, qui le regardoit comme fon compagnon
de gloire & de travaux , voulant faire au duc de
Lorraine un préfent noble & u tile , le lui donna.
Le duc en fentit tout le prix , & le réfe,rya.pour
Hiftoire. Tome V I . Supplément»
les occafions les plus importantes } il n’ en pouvoit
trouver qui le fut davantage, que le danger de
Bayard à la bataille de Marignan. Il s’ emprefla de
le lui offrir. Le Carinan combattit fous fon ancien
maître, le fervit avec fon ardeur ordinaire , 1 e
dégagea, & s’afiocia comme autrefois à la gloire
de Bayard.
C AR LE . ( Hift. de Fr. & d’Efp. ) Le général
Carie, Huguenot français réfugié, né dans un viw
lage des Cevennes , parvint, par fon courage &
fes talens, aux premiers honneurs de là guerre
chez les étrangers. Il ferv it, dans la guerre de la
fucceflion d’ Efpagne, la reine d’Angleterre, le
roi de Portugal, les Etats - Généraux en 1706. Il
fervit avec la plus grande diftinélion en Elpagne j
il prit Alcantara , conduifit les travaux de Salamanque,
défendit Barcelone contre le roi d’Efpagne,
Philippe V , & lui en fit lever le fiege au
bout de trente-fept jours de tranchée ouverte > il
s’immortalifa furtout par cette belle retraite de
i’Andaloufie, que le maréchal de Berwick faifoit
profefiion d’admirer, & par mille autres aérions
glorieufes, dont le récit, dit l’auteur des Mémoires
de madame de Maintenpn , feroit fufpeét dans la
bouche de fon neveu.
CAROLI ( Pierre ) . ( Hift. du Luthéran. ) Le
fyndic Béda (voyeçfon article dans le Diélionnaire ) ,
fier de tant de controverfes 8c de condamnations
par lefquelles il s’étoit rendu redoutable à tous fes
ennemis, trouva enfin un adverfaire auflî brouillon,
auflî chicaneur que lu i, qui,.égalementverfé dans
lés fubtüités de l’ école & dans les détours de la
chicane, le promena de tribunaux en tribunaux, &
fatigua fon z è le , mais fans le rebuter : il fe nom-,
moit Pierre Caroli. Le turbulent fyndic l’ayant
cité en Sorbonne au fujet de quelques propofî-
tions, Caroli l’afligne à l’OJficiaüté en réparation
d’honneur : la Faculté continue 1 examen des pro-
pofitions dénoncées. C aroli, après avoir proteflé
contre chaqueportion de chaque procédure, lignifie
un aéte d’appel au parlement $ renvoyé au jugement
de la Faculté > û técufe une partie des docteurs
, & quand cet incident a duré allez long-tems,
il l’abandonne. On lui interdit la chaire par pro-
vilion î il prêche dans toutes les églifes de Paris ;
il défend longuement & habilement fes propofî-
tions , & l’ examen de chacune devient la matière
d’ un grand procès. On le fomme de fe foumettre
à la Faculté f i l lit un acte contenant les aflurances
de fa foumiflîon 3 1’a&e eft jugé infufiifant 5 Caroli
n’en veut point ligner d’autre : la Faculté parle de
le retrancher de fon corps, & commence par lui
faire une monition : Carolieh appelle comme d’abus
au parlement. L’ affaire eft renvoyée à l’Ôfficialité,
qui défend toujours par provifion à Caroli de monter
en chaire fous peine d’excommunication : Ca^
roli obtient des lettres d’évocation au confeil du
, R o i , & pourfuir à fon tour la Faculté} cependant*