
ntères , l’afcendant de fa raifon, la dignité de fon
caractère. «« En l'entendant, dit fon hiftorien, on
m oublioit qu’il y eût d'autres plaifirs 5 on oublioit
3’ même fes befoins. »• Madame, lui dit un jour un
domeftique à voix baflé , « encore une hiftoire à
» ces Meilleurs , car le rôti nous manque aujour-
.33 d'hui.
« Je ne lui ferai point de fottife,'difoit Scar-
»> ron en lepoufant, mais je lui en apprendrai
» beaucoup. Je ne puis 3 lui difoit-il à elle-même,
35 vous donner les plaifirs du mariage 5 il faut du
33 moins que je vous en apprenne les termes. »3 Ce
fut elle au contraire qui réforma jufqu’ à un certain
point les moeurs 8c le ton de fon .mari, 8c qui'
adoucit les traits de. fon enjouement burlefque en
ralfujettilfant à l'empire des bienféances.
La Reine-mère, apprenant ce mariage, difoit :
33 Que fera Scarron de mademoifelle d’Aubigné ?
»3 Ç e fera le meuble le plus inutile de fa maifon. «
C e fut le plus utile. Etoit-il malade? c'étoit fa
garde > convalefcent, fa compagne afiidue 5 rétabli
autant qu'il pouvoit l'être , elle étoit fori
îeéteur & fon fecrétaire. Jamais on ne remplit
mieux des devoirs plus pénibles 5 jamais mari, fi
baffement comique, n'eut une femme fi.noble-,
ment impofantej elle 1 étoit à tel point, que
Louis X IV , dans le tems où elle n’étoit encore ;
que la gouvernante de fes enfans illégitimes, s’a-
mufant un jour à la campagne à renverfer les fauteuils
des Dames, paffa devant celui de madame
Scarron, en difant : Pour celle- l'a, je n'oferois.
Madame-Scarron avoitd'air delaReine du monde,
& Scarron, de fon fo u , de fon nain ou de fon
linge.
La Bëaumelle a un chapitre exprès des Amans
de madame Scarron ; il entend par-là des hommes
amoureux d'elle, & qui, encouragés d'abord par
fon envie dé plaire, étoient bientôt rebutés par
fes confiantes rigueurs. « Elle eût voulu.*être
33 adorée de l'Univers, dit le même la Beaumelle,
n 8c n'eût pas eu la moindre recpnnoilfance pour
33 un de fes adorateurs. « Lô maréchal d'Albret
l'aima 5 ce maréchal fi connu par fes galanteries
fous, le nom de Miojfens, comme le maréchal de
Richelieu l'a été de notre tems par les.fiennes,
& dont Scarron a dit :
Ce Mioflens aux maris fi terrible,
Ce Mioflens à l’amour fi fenfibie ,
■ Mais fi léger en toutes fes amours
Qu’il change encore & changera toujours.
Madame Scarron le fixa & il ne put la féduire :
à l’amour fuccédèrent le refpeél 8c l'amitié. « 11
>» y i t , dit l'auteur des Mémoires, qu’il valoit
»* mieux être l ’ami d'une femme fo r te , que l’a-
» mant d’une femme foible. >3 Mademoifelle de
Scudéry, dit encore le même auteur, s'exprime
ainfi dans fon jargon précieux : ««L'air qu'on refpire i
?» auprès d’e lle , femble infpirer la vertu. ”
Où l'auteur trouve-t-il donc là du jargon 8c du
précieux ? C 'e fi une phraie noble, mais fimple.
Nous avons rapporté, dans le Dictionnaire, ce
que difoient de madame Scarron les jeunes gens
les plus entreprenans de la cour.
M. de la Beaumelle rend plus de juftice à l’é-
pifode très-noble 8c très-ingenieux de Scauriis 8c
de Lyriane, entrant dans le temple.de la Fortune
pour interroger l'oracle fur leurs deftinées. C'efi
une allégorie relative à M. & à madame Scarron ,
dans un des romans de mademoifelle de. Scudéry5
allégorie fine 8c obligeante,: fans flatterie, 8c qui
finit oar une efpèce de prédiétion du bonheur ré-
ferve à madame de Scarron, âgée alors de vingt-
quatre ans, & très-peu fortunée. Elle en avoit
feize lorfqu’elle époufa Scarron, qui eût pu être
fon père. 11 eut toujours pour elle le plus tendre
refpeêt, & , quand il parle d’elle, le ton burlefque
fait place au ton du fentiment, comme dans ces
vers où il remercie, mademoifelle Scudéry d'avoir
fi bien célébré , dans l'épifode de Scaurus 8c de
Lyriane.,-
Celle par qui le ciel foulage fon malheur,
Digne d’un autre époux comme d’un fort meilleur. -
Il mourut en riant comme il avoit vécu,, 8é
voyant fes parens & fes amis fondre en larmes autour
de fon lit , car il étoit fort aimable & fort
aimé': « Mes enfans', leur dit-il, je ne vous ferai
»3 jamais autant pleurer que je vous ai fait rire 5 »
mais quand il fallut dire le dernier ad ieu'à fa
femme, il celfa de plaifanter : il la remercia de
tous fes foins, & faifant un effort pour lui tendre
la main : « Je vous prie, dit-il, de vous fouvenir
»3 quelquefois de moi : je vous laifle fans biens 5 la
>3 vertu n'en donne pas > cependant foyez toujours
33 vertueufe. »3
Madame Scarron le pleura > dit la Beaumelle ,
comme fi elle eut perdu quelque chofe. Elle per-
doit beaucoup 5 elle perdoit un ami.
Mais elle put dire comme Monime :
Et veuve maintenant fans avoir eu d’époux.
La marquife de Montchevreuil lui ayant donné
une retraite chez elle à la campagne, madame
Scarron, toujours attentive à plaire & à obliger,
entrevit qu'elle defiroit de jouir promptement
d'un ouvrage de tapiflerie 5 elle fe leva pendant
quatre mois à quatre heures du matin pour y travailler.
Un voinn, qui voyoit tous les jours à cette
heure une fenêtre ouverte, & une femme l'aiguille
à la main, dit à madame de Montchevreuil qu'elle
avoit une femme-de-chambre bien laborieufe.
Dans un voyage quelle fit en Poitou avec plu-
fîeurs perfonnes, un homme de la compagnie fut
attaqué de la petite vérole. Madame Scarron, qui
ne l 'avoit pas eue ou qui ne le croyoit pas, engagea
la foeur du malade à éviter la contagion,
prit fa place, & garda le malade jufqu'au parfait
rétabliflement. Quand le frere 8c la foeur la remercièrent
d'un tel fervice , elle.leur fit cette té-
ponfe affez fingulière , foit qu'elle fût vraie, foit
qu'elle ne le fût pas : «« C e n'eft ni 1 amitié ni la
33 religion qui m'ont follicitée pour vous 5 c eft
33 d'abord un peu de pitié, & enfuite beaucou p
s» d'envie de faire, une chofe qui ne s'eft jamais
33 faite. 33
On pouvoit même abfolument trouver quelque
défaut de bienféance dans cet excès d'attention
qui faifoit d'une jeune 8c iolie femme la garde-
malade d’un homme. Au rèfte , cette réponfe pouvoit
n'être qu'un trait de délicateffe pour mettre
à l'aife la reconnoiffance du malade 5 mais il eft
vrai qu'alors madame Scarron n'étoitpas fans goût
pour les fingularités. V o ic i, par exemple, un trait
qu'elle expliquoit elle - même 8c qui ne peut guère
s’expliquer que par-là.
Dans un tems où l'émétique étoit regardé comme
une dernière reffource dans les maladies défefpé-
ré e s , elle en prit en pleine fanté , alla faire une
vifite, 8c dit froidement ce qu'elle venoit de faire :
on la renvoya comme une folle. «« C e n'étoit pas
33 ce que je voulois , difoit - elle dans la fuite 5 je
33 voulois qu’on dît : Voyez cette jolie femme j
33 elle a le courage d'un homme 8c on ne le dit
33 pas. 33 Ce defir de renommée étoit dominant
chez elle. Voici l'aveu qu'elle en fait elle-même.
« Je voulois être eftimee. L'envie de me faire
>3 un nom étoit ma p a f lio n ..... 8c c'efi peut-
»3 être pour m’en punir que Dieu a permis mon
33 élévation, comme s'il avoit dit dans fa colère :
33 Tu -veux des louanges Ù des honneurs : ek bien l
33 tu en auras jufqu* a en être accablée.
Madame Scarron reftoit pauvre , mais elle avoit
des amis. On effaya de faire revivre en fa faveur
une penfion que Scarron avoit eue fous le titre
bouffon de Malade de la Reine , 8c qu'il avoit perdue
par une bouffonnerie fatyrique, intitulée La
Ma^arinade. Mazarin, qui s'en fouvenoit, demanda
fi la veuve de Scarron fe portoit bien : on lui dit
qu'oui. Eh bien ! dit-il -y elle n a donc point de droit
a la penfion d‘un malade.
On fe tourna du côté du magnifique Fouquet,
qui donnoit aux hommes par vanité , aux femmes
par libertinage, 8c qui fe vantoit d'avoir le tarif
de toutes les vertus du Royaume. Il n'eut pas
celui de la vertu de madame Scarron 5 il employa
en vain fes agentes & fes créatures, autrefois fes
maîtreffes, alors fes courtières d amour $ il envoya
un écrin de prix , en fe tenant vifiblement
caché. L'écrin fut renvoyé, le furintendant fe
tourna vers des conquêtes plus faciles, mais il
ne dit pas : Puifque vous êtes fi vertueufe , je vous
donne la penfion que je voulois vous vendre , comme
Henri IV avoit dit à madame de Guercheville qui
l ’avoit auffi refûfé : Puifque vous êtes vraiment Dame
d‘ hoitneur y vous le fere[ de la Reine ma femme. L’un
étoit Henri-le-Grand, l’autre n’étoit que Fou-
quet.
On eut recours au R o i, & ce fut alors que les
placets de la veuve Scarron fatiguèrent tant ce
maître dédaigneux qui devoit un jour être pour
elle un ami fi tendre.
Vers l'an léb’o , dans un tems où Louis X IV
étoit partagé entre madame de Montefpan, à laquelle
il tenoit encore un peu par l'habitude 8c
par les enfans qu'il avoit d 'e lle , mademoifelle
de Fontanges, dont l’éblouiffante beauté enivroit
fes fens, 8c madame de Maintenon , qui étoit
agréable à fes yeux 8c. néceflaire à fon coe u r , madame
de Montefpan, qui ne pouvoit ni vivre avec
madame de Maintenon ni fe paffer d’e l le , 8c qui
recherchoit toujours fa converfation, lui dit un
jour qu'elle avoit rêvé que le chat gris ( c’étoit
mademoifelle de - Fontanges ) étoit chalfé, &
qu’elle (madame de Montefpan, tombée alors dans
la difgrace du R oi) s'étoit raccommodée avec le
R.oi dans l’appartement même de madame de
Maintenon. «« Et moi au f i l, j'ai des fonges , ré-
v pond celle-ci. Nous étions l’une 8c l'autre fur le
33 grand efcalier de Verfailles. Je montois, vous
33 defcendiez 5 je m'élevai jufqu'aux nues, 8c vous
33 allâtes à Fontevrault. 33
M. de Voltaire obferve que c ’efi une réponfe
connue du duc d'Epernon au cardinal de Richelieu
, laquelle eft gâtée ici par M. la Beaumelle.
-Le Duc , defeendant l'efcalier du Louvre , rencontre
le Cardinal qui montoit, & qui lui demanda
s’ il y avoit des nouvelles. Je n en fais point
a autre , dit le Duc, finon que vous monter^ & que je
defeends. M. de Voltaire relève l ’allongement &
l'incohérence de ces mots, attribués à madame
de Maintenon. «< Je montois, vous defcendiez }
33 je m élevai jufqu’aux nues. Il eft bien queftion de
1 33 s'élever jufqu'aux nues fur un efcalier ! 3»
C'efi avec peine qu'on voit madame de Maintenon
avoir part à l’intrigue condamnable & digne
feulement de madame de Montefpan, qui fut mife
en oeuvre pour engagèr mademoifelle de Mont-
penfier à fe dépouiller de fes biens en faveur de
M. le duc du Maine, qu'elle n'avoit prétendu
qu'inftituer fon héritier ( 8c c’étoit bien a f le z ) ,
encore la condition de cette inftitution étoit-elle
qu'on lui permettait d’époufer^ M. de Lauzun,
alors enferment Pignerol. On commença par lui
perfuader de ne point faire de conditions avec
le R o i, de faire feulement fes offres pour le duc
du Maine, 8c de prendre toute confiance dans la
reconnoiflance du Roi T On feignit enfuite d'avoir
compris qu'il s'agifloit d’une donation entre-vifs
& non d'une fimple inftitution d'héritier : on lui
dit que le Roi l'avoit entendu ainfi, 8c ne fouffii-
roit pas cette reftriétion, oui lui paroîtroit faite
après coup, & qui auroit l ’air d'un repentir injurieux.
Dans le cours de cette intrigue madame
de Maintenon fut envoyée à Mademoifelle pour
* fixer fes incertitudes, Mademoifelle9 qui la regar