
Elle a deux portes, trois fchêtres,
Du logement pour quatre maîtres,
Même pour cinq en un befoin j
Ecurie & grenier à foin.
Elle eft dans ùn quartier qui pourroit né pas plaire ;
En ce cas le propriétaire,
Avec certains mots qui font peiir ,
Et fa baguette d'enchanteur,
importera maifon, meubles & locataire ,,
Et tant fera qu'il les mettra
En tel endroit que l'on voudra'.
On connoît cet hôtel célèbre
A f©n écriteau fingulier,
Pris danë Barême ou dans l’ Algèbre,
I^t l ’on trouve au calendrier
Son nom & celui du forcier.
Il ne feroit pas impoflible que M. l'abbé Blanchet
eût pris la première idée de cette énigme dans
çes yers du Mondain :
Uii char commode avec grâces orné
Par deux chevaux rapidement traîné,
Paroît aux yeux une mai fon roulante
Moitié dorée & moitié tranfparcnte.
M. l'abbé Blanchet, toujours fafiS fe nommer,
avoir publié dans fa jeuneffe, dit M l Dufaulx, une
©.de contre les incrédules ; « Il en ufoit dans cette
« conjoncture cômme ceux qui écrivent contre
»» lés pallions qu'ils redoutent, ou dont ils cher-
»» cirent à fe guérir. »» M. Dufaulx n'en cite qu'une
ftrôphe, dont Jes quatre premiers vers furtoutfont
bien du ton-qui convient à l'ode :
Aux accens de fa voix féconde,
L’Être éternel & tout-puiffant
Fit fortir le Tems & le Monde
Du fombre abîme du néant.
« 3e 'fa is , dit M. Dufaulx, q u e , dans le tems
»» qu'elle parut, l'abbé Desfontaines la traita fort
>» bien dans fon Journal. »» Cette ode eft apparemment
celle que l'abbé Desfontaines, dans
fes Obfervations J'ur les écrits modernes , tome 12 ,
pages 43 f8c fuivantes, annonce fous ce titre : Les
Déifies ; elle eft auffi richement rimée que celles
de Rouffeau, & contient en effet de fort belles
ftrophes, entr'autres cellë-ci :
Tenant dans fa droite un compas';
Le doute, enfant.de la prudence,
Prêt à fuir devant l'évidence
Qui vient lentement fur tes pas. . ;
Elle finit par ces trois vers, qui font le précis du
fujet:
Soumis à Dieu, que j’ai pour maître ,
Je fais raifonner & connoitre ;
Je fais plus, je fais ignorer.
M. l’abbé Blanchet avoit fait des vêrs pour être
. mis au bas du portrait de M. Dufaulx ; celui-ci,
par un fentiment modefte, les trouvant trop obli-
geans pour lu i, 8c jugeant qu'ils convenoient mieux
à l'auteur même, a placé à la tête' du recueil des
Apologues, & c . une fort belle gravure repréfen-
tant l'abbé Blanchet, & au bas de laquelle on lit
] ces mêmes vers faits par l'abbé Blanchet pour
M. Dufaulx. Les voici :
[ Puis-je efpérer de vivre au temple de mémoire?....
; Mais qu'importe après tout ; dans le fiècle où je vis,
î Je fais, grâces au ciel, tout le bien que je puis,
Le vrai bien, peu connu ^.peu vanté dans l’Hiftoire ;
: Je remplis mes devoirs, je règle mes defîrs,
J’aime la gloire enfin plus que les vains plaifirs,
Et la vertifplus que la gloire.
. Si quelqu’un objeéte que ces mots , f aime la gloire,
,ne peuvent convenir a un homme qui ne fongeoit
: qu'a fe cacher, la réponfe eft qu'il faut prendre le
vers entier :
J’aime la gloire enfin plus que les vains plaifirs,
& alors la propofîtion eft vraie ; car l’abbé Blan-
chet s'eft conftamment refufé aux vains plaifirs ,
j & il a fini par fe prêter du moins à la gloire.
Quanta la profe des Apologues, & c . contes,
anecdotes, maximes 8c proverbes, tout eft moral
, & philofophique dans ce livre ; ce qui l'eft moins ,
eft plaifant 8c ingénieux ; telle e f t , par exemple ,
l'idee de l’apologue intitulé l'Académie filencieufe,
ou les Emblèmes. Le doéteur Zeb', auteur d'un
petit livre excellent, intitulé le Bâillon, eft reçu
en qualité de furnuméraire à l'Académie filencieufe
; il falloit qu’il fît fon remerciaient en une
feule phrafe;il le fit même fans dire mot. « Il écri-
»» vit en marge le nombre cent, c'étoit celui de fes
»» nouveaux confrères ; puis en mettant un zéro
»» devant le chiffre, il écrivit au deflous : Ils n en
»» vaudront ni moins ni plus (ô io o ) . »» Le préfident
répondit au modefte doCteur avec autant de po-
liteffe que de préfence d'efprit : il mit le chiffre
un devant le nombre cent, et il écrivit : Ils en
vaudront dix fois davantage ( I io o ) ; .
Un des ouvrages de ce recueil porte le titre
Sage raifon , vierge immortelle,
Tu m’entends, tu viens en ces lieux :
C’eft toi, ton cortège fidèle
Avec toi fe montre à mes- yeux ;
L’attention laborieufe
Et la méthode induftrieufe
A'Analyfe courte & utile d'une immenfe Bibliothèque
royale.
Cette analyfe eft en quatre maximes :
ce i° . Dans la plupart des fciences, il n'y a que »9 ce feul mot : Peut-être; il n'y en a que trois dans
99 toute l'Hiftoire : Ils naquirent, ils fouffrirent, ils
»0 moururent.
* » 2°. N'aime rien que d'honnête, 8c fais tout »9 ce que tu aimes ; ne penfe rien que de vrai, &
» ne dis pas tout ce que tu penfes.
“ 5°. O Rois ! domptez vos paflions, régnez
99 fur vous-mêmes ; ce ne fera plus qu'un-jeu de
» gouverner le monde. *
99 4°. G Rois ! ô Peuples ! on ne vous l'a point 9» èncore affez d it, & de faux fages ofent encore
99 en douter : Il n'eft point de bonheur fans vertu,
9» ni de vertu fans crainte des dieux. »*
Un homme de plaifir, qui fe croyoit heureux,
quoiqu'il fût un peu trouble dans fon bonheur par
l'idée de la^mort, fe propofe de ne plus penfer à
la mort ; mais cela même, dit l'auteur , c'étoit y
penfer. C e mot rappelle le trait de Moncrif, paffé
en proverbe :
En fongeant qu’il faut qu’on l’oublie,
On s’en fouvient.
Dans l'hiftoire d'Abou-Taher, prince des Car-
mathes, l'auteur définit lé fanatifme une efpece de
- raifort qui a tout a la fois l'énergie du crime & celle
de la vertu. Plus on méditera cette définition, plus
il nous femble qu’on la trouvera jufte 8c complète*.
C'eft précifément ce mélange de crimes 8c de
vertus qui rend le fanatifme fi redoutable.
Il nous femble encore qu’il y a bien dufens dans
ces maximes annoncées comme orientales :
« Les Rois ont befoin. du confeil des fages ; les
99 fages peuvent fe paffer de la faveur des Rois.
nm On peut vivre fans frère ; mais on ne peut pas »9 vivre (ans ami.
9» La patience eft la c le f de toutes les portes &
M le remède à tous les maux*
»» La trifteffe qui vient av&it la jo ie , eft moins
9» trifte que celle qui vient après.
99 ,L'impatience dans l ’affliaion eft le comble de
99 l'affliCtion. »9
Le volume des Apologues, &c. eft terminé par
deux morceaux de traduction; l'un eft l'Hifioire
de læfamille a'Riéron, dans le vingt-quatrième livre
de Tite-Live; l’autre, la Conjuration de Pi fon contre
Néron, au quinzième livre des Annales de
Tacite. L'éditeur juge que M. l’ abbé Blanchet a
mieux traduit Tacite que Tite-Live, 8c il obferve
* ,cf fuîet ËPfil eft plus ailé de rendre la force que
l'élégance C'eft que la force de l’original foutient
le traducteur, 8c le rend capable des efforts qu’elle
exige. L'élégance au contraire ne préfente que
des difficultés fans fournir le même reffort pour
en triompher.
BLANES ( de ) , ( Mi fi. et Efp. ) , ancienne Maifon
efpagnole,dont différentes branches font répandues
dans la Catalogne , dans le Rouflillon 8c dans le
royaume de Valence. Des hiftoriens difent que
Charlemagne donna la ville 8c le château de Blanes
à un Saxon nommé Gines, parent du fameux
Witikind, en récompenfe des fervices qu'il avoit
reçus de ce Gines dans fes guerres contre les
Maures , 8c c'eft de ce même Gines qu'on fait def-
cendre toute la Maifon de Blanes.
On trouve dans l'hiftoire des comtes de Barcelone
un amiral de Blanes, qui fe fignaloit vers l'an
8yo a la tête des vaiffeaux &des galères delacom-
teffe de Barcelone : cet amiral devoit fuivredeprès
ce G ines, premier donataire de Blanes, & pouvoit
être fon fils ou fon petit-fils.
Lesarmes delà Maifon de Blanes font de gueules
a la croix d’argent. On croit que ce font les armes
de la Maifon de Savoie, données, dit-on, dans le
treizième fiècle à Guillaume, feigneur de Blanes
par un comte de Savoie, qui le reconhoiffoit pour
fon parent, iflu comme lui de l'ancienne Maifon
de_Saxe. Cette tradition, qui a beaucoup de parti-
fans, eft cependant fujète à quelques difficultés
chronologiques 8c autres.
Le premier de cette Maifon, auquel on remonte
avec certitude, eft Raymond de Blanes, bien connu
dans 1 Hiftoire, pour s’être prouvé, avec fon frère
Geoffroy, dans l'armée du comte de Barcelone-
Raymond-Borell à la journée de Gbrdouel'an iooi .
^•°USj^eS Prem^ers defeendans fe lignaient au fer-‘
vice des comtes de Barcelone contre les Maurès.
On diftingue parmi eux Guillaume de Blanes, pre-
; mier du nom, chevalier illultre qui accompagna
Pierre II au combat d’Ubéda en 12 12 , & a la
bataille de Muret "èn 121 ƒ.
Raymond de Lianes, quatrième du nom , fervit
en 1363 Pierre IV , roi d’Arragon, contre Pierre-
T" 1 . -» ro^ à? C affilie ; il fut pris par le comte
de f o i x , ôç obligé de vendre, en 1387, la ville &
le chateau de blanes, qui étoient dans fa Maifon
depuis environ fîx fiècles.
Guiilaumede blanes, cinquième dunom, petit-
fils de Raymond I V , eut douze enfans, dont plu-
fieurs furent maltraités par la nature. Le fils aîné
du premier lit, nommé Michel, naquit-fourd &
muet ; deux filles du-fécond lit naquirent pareillement
fourdes & muettes.
Dans les derniers tems, dom Etienne, marquis
de blanes 8c. de Milas , dit le feigneur de Font-
couverce, né le 7 novembre 1679, fervit bien le
roi Philippe V à la tête des milices du Rouffillon,
dont il fut fait colonel en 170 y. Louis X IV , pour
récompenfer l'attachement de ce feigneur à fon
fervice 8c à celui du Roi fon petit-fils, créa en fa
faveur & fans finance, la charge dé chevalier d'honneur
au confeilfupérieur du Rouflillon. Louis X V ,
par des lettres expédiées à Meudon au mois de
juillet 1723, & fcellées le 4 août fuivant,rendit ce
même office héréditaire pour tous les defeendans