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quel qu’a litre grand crime ; mais Emma eut toujours
la défiance d’une mère; elle ne fouffrit jamais
que les deux Princes vident enfemble Goodwin
; elle tenoit toujours l’un d’eux fous Tes yeux,
8c ne permejttoit à l’ autre de marcher que fous
l’efcorte des fidèles Normands, venus en Angleterre
à la fuite de ces Princes. Goodwin, ne pouvant
attaquer qu’un des deux frères, attaqua l’ aînév
Alfred fut .arrêté avec fon êfcorte •: on dit que
Goodwin, dans un entretien fecret qu’il voulut
avoir avec A lfred , rejeta fon crime fur Harold ,
& propofa au Prince le trône avec fa fille; mais
qu’irrité de les refus & dé fes mépris-, il fit maf-
facrer fon efcorte , lui fit crever les yeux à lui-
même, & l’enferriia dans un monaftère à E ly , où
Alfred mourut bientôt de douleur ou d’ennui. A
cette nouvelle Emma rehvoyafecrétement Edouard
dans fon afile en Normandie. Goodwin , furieux
d’avoir manqué une partie-de fon crime, 8c redoutant
l ’habileté d’ Emma, l’accu fa de trahifon ; il
eut le crédit de la faire charter du royaume. Le
duc- de Normandie, Guillaume, arma en faveur
d’Edouard; Harold mourut en 1039. Hardienute
ariiva : tout fe réunit en ‘faveur de ce dernier.
Goodwin fut le plus emprefle à lui rendre hommage.
Cependant Hardienute ayant fait venir à fa
cour fon frère Edouard, celui-ci demanda juftice
du meurtre d’Alfred, 8c Goodwin fe vit en danger
; mais il gagna le Roi par des préfens qu’ il
favoit être puiflans fur fon ame. L ’intempérant
Hardienute mourut d’indigeftion en 1042.
Jufque-là c’étoit la race danoife qui avoit régné
dans la perfonne de Canut, puis d’Harold 8c
d’Hardienute.' Enfin la race faxpnne remonta fur
le trône ; Edouard fut roi d’Angleterre. C ’:eft ce
Prince foible, vertueux & fuperftirieux, fi connu
ibus le nom d’Edouar d-/e-Confeffeur. Il fallut q ue ,
pour régner, il s’ abaiflatà implorer l’appui de ce
même Goodwin qu’ il venoit d’accufer hautement
de l'aflartînat de fon frère ; il fallut qu’ il remplit
cette condition fi fièrement rejetée par Alfred, la
condition de devenir gendre de Goodwin ; mais
il détefta toujours fon beau-père & fa femme.
Goodwin mourut d’une attaque d’apoplexie à la
table du Roi.
Harold fon fils eut fes places 8c fa puiflfance, &
m’eut point fon caractère -odieux : le Roi le détefta
, & le craignit encore ; Harold refpeéta le
Roi fans l’eftimer.
Toute l’affe&ion d’Edouard étoit pour les Normands
qui avoient élevé fon enfance 8c réparé fes
malheurs, auxquels enfin il de voit le trône 8c la
vie. Guillaume, nommé alors le Bâtard, 8c depuis
le Conquérant, duc de Normandie, fon protecteur,
fon parent, fon ami, vint le voir à Londres
, & y rut reçu avec les diftinéiions dues à tous
ces titres. On a beaucoup difputé fur la queftion
fi Edouard fit alors , ou s’il fit en tout un teftament
en faveur de Guillaume ; mais Guillaume aimoit
bien autant devoir tout àifonépée. .
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Après la mort d’Edouard-le-Conferteur, arrivée
en £066, l’Angleterre fembla préparer elle-même
la conquête de Guillaume , en excluant Edgar
Atheling, fils de cet autre Edouard élevé à la cour
de Hongrie , 8c beau-frère du Roi de ce pays.
Edgar étoit le feul héritier légitime de la couronne
d’Angleterre, comme le défigrioit ce nom d' Athe-
ling3 qui lui fut donné par cette raifon.
L ’Angleterre élut Harold, qui n’avoit d’ autre
titre que fes intrigues & fapuiflance ; Harold, que
la qualité feule de fils de Goodwin eût dû faire
rejeter. Pendant la vie d’Edouard-le-Conferteur,
Harold avoit fait un Voyage en Normandie, après
celui que Guillaume avoit‘fait en Angleterre. Harold
n’ignoroit pas que les voeux d’ E douard étoient
pour Guillaume. Edouard 8c Guillaume n’igno-
roient pas que toutes les1 démarches d’ Harold
tendoient à mettre la nation dans fés intérêts.
Harold étant donc en Normandie, Guillaume, en
le Comblant d’égards, voulut s’ expliquer avec lui
fur leurs prétentions réciproques à la fucceflion
d’Edouard. Ni l ’un ni l’autre ne regardoient Edgar
Atheling comme un obftacle à fes projets : c’ étoit
un enfant. Harold difiitnula , ainn c.u’on peut le
croire, étant au pouvoir de fon rival. SiJ’ on demande
pourquoi il avoit eu l’imprudence de s’y
mettre,’ les uns difent qü’ Edouard l’y avoit envoyé
pour annoncer à Guillaume qu’il lui defti-
noit fa fucceflion; les autres , qu’Hsrold y étoit
allé pour traiter de la liberté d’ un de fes frères Sc
d’un de fes^nevèux , q u i, pendant des troubles
précédens, avoient été livrés à Guillaume pour
otages de la conduite de Goodwin. On peut fup-
pofet qu’Harold n’étoit pas fâché de fonder les
projets, d’ ôbferver les préparatifs de Guillaume,
8c que peut-être il ne s’attendoit pas à l ’explication
précife qu’exigea ce Duc : elle fe termina, de
la part d’Harold, par des fermens de ménager toujours,
8c auprès d’Edouard, & auprès de la nation,
les. intérêts de Guillaume, dont il fiança la
fille. On dit que le duc de Normandie, le fit jurer
devant un autel, fous lequel il avoit fait cacher
des reliques, qu’il lui montra lorfque le ferment
fut prononcé : on ajoute qu’Harold fut confterné
à cette vue.
Malgré tous les fermens & toutes les reliques,
Harold ne perdit pas un moment pour fe faire-
couronner à la mort d’Edouard. Quand Guillaume
réclama;la foi donnée, Harold répondit qu’elle
avoit été extorquée. Quand Guillaume allégua les
intentions connues d’Edouard, on lui oppofa le
choix des Etats. Guillaume entra en Angleterre à
main armée,
; ; L’Europe entière envoya fes chevaliers à cette
expédition. Guillaume jugea qu’il falloit divifer
les forces qu’ il alloit combattre. Ses amis du nord
ne lui manquèrent pas au befoin. Le roi de Nor-
wège, Halfager, fit, à fa prière, une diverfion dans
la partie feptentrionale de l ’Angleterre, tandis que
Guillaume fe difpofoit.à entamer le Midi.
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A cette tempête, Harold oppofoit toutes les
reflburces d’une grande ame, les précautions de
la prudence, la confiance que la valeur infpire, 8c
l’amour que fes fujets avoient pour lui ou qu’ils
lui dévoient ; car il les gouvernoit avec fagefle ,
& en ménageant tout le monde il faifoit obferver
les lois. Il combla d’égards le jeune Atheling ; il
lui donna le comté d’Oxford. S’ il lui prenoit fon
royaume, du moins il lui en cédoit une partie ,
facrifice qu’un ufurpateur ne fait guère, à moins
d’y être contraint. Les coeurs étoient pour lui ;
mais Guillaume étoit redouté : toute l’Europe
armoit pour Guillaume.
Harold vole à la rencontre d’Halfager, le défait
, le tue, 8c conclut une paix avantageufe avec
fon fils Olave. T o ft i, un des frères d’Harold 8c
fon plus grand ennemi, avoit accompagné le roi
de Norwège dans cette expédition, 8c périt avec j
lui.E
ncouragé par cette viétoire, Harold s’avance
vers Guillaume, qui venoit d’ aborder à Pevemfey,
dans le comté de Sufîex. Le duc de Normandie
montra quelqu in quiétude aux approches du vainqueur
rapide des Norvégiens : il parut craindre
les fuites d’ une affaire décifive, 8c fe repentir de
s’être trop engagé ; il voulut négocier ; il chargea
unmoine.de traiter avec. Harold ; il donnoit au
Monarque anglais le choix de trois differens partis;
l’un, de s’en rappprter à l’arbitrage du Pape ; l’aut
r e , de conferver la couronne, mais de lui en
rendre hommage ; le troifième enfin étoit le duel.
Harold répondit : 19. Que le Pape étant fôn ennemi,
ne pouvoit être arbitre; , . .
20. Que la couronne d’Angleterre étoit indépendante
8c le feroit toujours ;
30. Qu’il ne pouvoit y avoir lieu au duel, puif-
que la couronne étoit à lui, 8c que le Duc ne met-
toit rien dans la balance > qu’au refte le dieu des
batailles alloit les juger. Si pourtant le duel dut
jamais avoir lieu entre des Souverains, il femble
que c’étoit en cette occafion, où la querelle étoit
entre deux ufurpateurs.
Il fallut fe préparer au combat pour le lendemain.
Les Anglais, difpofés à la confiance par ces préliminaires,
pafferent la nuit dans les feftins , 8c
peut-être les démarches de Guillaume n’avoient-
elles été qu’ un ftratagême pour les amener à cette
fécurité dangereufe. Les Normands pafleient la
même nuit en prières 8c en préparatifs. La bataille
s’engage, les deux généraux déploient tqus
les efforts du talent & de^a valeur. Depuis fept
heures du matin jufqu’ au foir ils n’avoient eu l.’un
fur l’autre aucun avantage décifif. A leur acharnement
& à leurs reflburces on reconnoît-Guillaume
& Harold qui combattent pour le trône. Cependant
Harold avoit eu un oeil crevé dès le commencement
de la bataille : Guillaume avoit aufti
été blefle ; il avoit eu deux chevaux tués fous lui.
Le bruit de fa mort, répandu de rang en rang, foit
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par hafard, foit par un artifice d’Harold , com-
mençoit à glacer les Normands : ce bruit vient
jufqu’à Guillaume, qui fe hâte de le difliper en fe
montrant fans cafque 8c tête nue. Les Anglais,
forcés par les viciflitudes du combat, de ferrer
de plus en plus leurs rangs, fe forment infenfible-
ment en colonne, comme ils ont fait depuis à
Fontenoi, 8c cette colonne, comme à Fontenoi,
étoit impénétrable. Guillaume employa heureufe-
ment lin. ftratagême très-ufité chez les anciens,
8c auquel il avoit depuis long-tems drefie fes troupes
: il fit fonner la retraite, 8c à l’ inftant toute
fon armée parut dans une confufion qui annonçoit
une déroute. C e fpectacle invite les Anglais à
pourfuivre l ’ennemi : la. colonne fe difperfe en une
multitude de petits pelotons pour fondre fur les
Normands difperfés ; mais ceux-ci, a un lignai
donné, reprennent leurs rangs aufli facilement
qu’ils les avoient quittés, 8c enveloppent tous les
pelotons anglais, qui font écrafés les uns après les
autres. Harold, furieux de fe voir enlever la victoire
, fe porte partout à la fois , conjure, menace,
rallie enfin fes troupes , & renouvelle la bataille.
On vit tomber Harold d’ un coup de flèche, 8c les
Anglais découragés ceflerent de difputer la victoire
: deux frères d’Harold périrent avec lui. Le
corps de ce Prince étoit tellement défiguré par les
coups, qu’il ne put être reconnu que par fa maî-
; treüe, à des marques fecrètes.
Ainfi périt avec gloire l’illuftre fils de l’exécrable
Goodwin, Prince digne en effet du trône s’il
n’ y avoit pas été porté par les crimes de fon père,
8c fi lui-même il n’eût pas dépouillé l’héritier légitime.
Cette journée, qui changea le fort de l’Angleterre
, eft connue fous le nom de bataille
d’Haftings. Guillaume fonda depuis une abbaye en
mémoire de fa victoire, dans le lieu où il l’ avoit
remportée. Cette grande révolution arriva le 14
oétobre 1066.
HÉRACL IAN, ( Hifi. rom. ) , cJeft le nom de
l’aflaflinde Stilicon, d el’aflaflin d’un grand-hemme,
8c il feroit odieux à ce feul titre, foit que l’ambition
eût rendu Stilicon coupable ou non ; mais
ce même Héraclian devint coupable à fon tour
du crime dont Stilicon n’ avoit peut-être été que
foupçonné. Héraclian avoit été bien récompenfé
de fon aflaflinat ; il avoit été fait gouverneur d’A frique;
il voyoit les tyrans s’élever de toutes parts
pour accabler la foiblefle d’Honorius. S’il les voyoit
s’élever., il les voyoit tomber aufli; mais tout
ambitieux fe promet toujours d’être plus habile
8c plus heureux que les autres. Héraclian fentit
tout l ’avantage que lui donnoit l’Afrique pour
l’ exécution des plus vaftes projets : c’ étoit l ’A frique
qui nourrirtoit 1 Italie 8c Rome ; il com-
mer.ça'par fermer fes greniers & par affamer l’Italie ;
puis, après l’avoir ainfi affoiblie par la d ifè te , il
fe difpofoit à fondre fur elle avec une flotte la
plus n ombre ufe qu’on eût peut-être jamais équi