
Ta foeur. Dans la fuite il le traita mieux „ lui donna
le gouvernement de Guienne, le fit chevalier de
fon Ordre de Saint-Michel. Philippe-le-Bon ,
duc de Bourgogne, lui donna aufli fon Ordre de
la Toifon d 'O r , & le gouvernement des deux
Bourgognes. Philippe de Savoiefuivit Charles VIII
à la conquête du royaume de Naples, & eut pour
récompenfe, à fon retour , le gouvernement du
Dauphiné. Après avoir ainfi fait fon chemin dans
diverfes cours en (impie fujet, il en eut une à
fon tour 5 il alla régner à cinquante-huit ans fut la
Savoie, en 1496' & mourut le 7 novembre 1497,
regrete de fon peuple , -qu'il rendoit heureux.
230. Philibert I I , dit le Beau 3 fon fils, avoit
accompagné avec lui Charles VIII en Italie 5 il
fuivit & aida depuis Louis XII à la conquête
du Milanez 3 il fut maintenir fes Etats en paix au
milieu des troubles dont l'Italie devint alors la
proie. Les hiftoriens vantent fes vertus précoces
& fes talens naifians : il mourut à vingt-quatre
ans , en 1 y04 , fans enfans.
240. Louife de Savoie, comteffe & depuis du-
chefie d'Angouléme, mère de notre roi François
I , étoit foeur de Philibert II & du même lit.
2y°. Philibert eut pour fucceffeur Charles III
fon Frere du fécond lit. Celui-ci n'eut pas, comme
Philibert, le bonheur de pouvoir refter en paix,
tandis que tout étoit en feu autour de lui. Placé
entre ces deux terribles rivaux , Charles-Quint 8c
François I , il prit parti tour-à-tour pour l'un 8c
pour l'autre, & fink par être la vi&ime de fes
variations. Il parut d'abord entièrement dévoué
f B ] ^ n t f r ® t s du Roi fon nevep, quoique fon in- j
terêt fut peut-être de traverfer les vues de la
France fur le Milanez, dont François I entreprit j
ja conquête dès fon avènement au trône. En vain :
la nature fembloit-elle avoir confié aux ducs de !
Savoie la garde des barrières quiféparentla France
de Pltalie , fi les Français , établis dans le Milanez ,
prenant a la fois la Savoie 8c le Piémont du côté
de la F rance & du cote de l'Italie , pouvoient, en
cas de réfiftance, forcer ces barrières jufqu'alors
înfurmontables. D'ailleurs, les Français, maîtres
du Milanez , ne feroient-ils pas tentés de remplir
Péfpace qui féparoit de cet Etat les Provinces
françaifes, & de s emparer de là garde fi précieufe
des Alpes? Enfin, (i les ducs de Savoie eux-
mêmes vouloient s'agrandir du côté du Milanez,
n’auroient-ils pas meilleur marché d'un Souverain
foible 8c ifolé, tel que Sforce, alors duc de Milan,
que d'une puifiance formidable, telle que les Français
? Ces confidérations cependant cédèrent pour
lors aux noeuds intimes qui uniffoient la Maifon
de Savoie a la branche royale d'Angouléme. Le
duc de Savoie fut l'allié de la France dans cette
expédition du Milanez : ce fut un de fes fujets
qui introduifît les Français en Italie par une route
alors inconnue à travers les Alpes. Le Duc reçut
fon neveu dans le Piémont, avec tous les honneurs
qu'un petit Souverain doit à un grand R o i, ,
- iu«l6uuu ic» îcrvices avec toute 1 «UCw m i u un
oncle. Telle fut la conduite du duc de Savoie
en . iy ïy . Dans la guerre de 1 J21 , il parut fe re<-
iroidir pour les Français. Après la bataille de Pavie
en 1 y iy , des partifans de la France traverfèrent
en fuyant les Etats du duc de Savoie , qui n'étoit
pas encore allez hautement déclaré contre les
Français pour leur refufer le pafiage. Les Impér
riaux, en les pourfûivant de lo in , prirent en
palïant Montcallier, Raconis 8c Carmagnole dans
le Piémont, foit pour punir le duc de Savoie d'a-
voir laine paffer les Français , foit pour l'obliger
d embralïef hautement le parti impérial. Il parvint
cependant à s'en difpenfer , 8c il fut le feul à qui
cette guerre qu'il n'avoit point faite , quoiqu'il
s en fut m êlé, valut un agr an diffe me n t réel par 1 acquifition du comte d 'A l t , que l'Empereur lui
vendit, pour que le Duc eût encore plus d'intérêt
de l'aider à élqigner toujours les Français de la
Lombardie.
Dans le tems de l'entrevue du pape Clément V i l
& du Pvoi, en 1 y3 3 , pour le mariage de Catherine
de Medicis avec le duc‘d'Orléans, le Pape
avoit propofé N ice , dans les Etats du duc de
Savoie, pour le lieu de l'entrevue. François I témoignait
quelque répugnance à fixer ce lieu chez
un Prince qui n'étoit rien moins que (on ami, &
qui 1 avoit, difoit-il, plufieurs fois trompé. C 'é -
ra* P recifement a caufe de cela que le Pape in-
” poit fur ce choix du lieu de l'entrevue j il vouloit
faifir l'occafîon de réconcilier le duc de Savoie
avec le R o i, ce qui eût été utile à tous deux j
mais le Duc étoit trop dévoué à l’ Empereur. Le
Roi demanda que du moins la ville 8c le château
de Nice lui fuffent remis pour tout le tems de 1 entrevue 5 mais le Duc, qui avoit confulté l'Empereur,
fit mille difficultés, comme fi cette entrevue
n'avoit pu fe faire qu'à Nice : il eft vrai
que quelques prétentions du Roi fur Nice ajout
e n t à ces difficultés : le Pape 8c le Roi convinrent
de Marfeille.
Lorfquele duc de Milan, François Sfôrce, pour
faire fa cour a Charles - Quint, eut fait alfaffiner 1 ecuyer Merveille, ambafladeur de François I, &
que les Français marchoient pour venger cette in- -
jure, Je duc de Savoie fe déclara hautement contre
Je Roi fon neveu, dont il étoit déjà depuis long-
tems l ’ennemi fecret. C'étoit lui qui, par le fe-
cours d'argent qu'il avoit fourni au connétable de
Bourbon, lui avoit procuré l'armée d'Allemands,
avec laquelle ce héros rebelle avoit fait fon Roi
prifonnier à Pavie 5 il avoit félicité l'Empereur fur
cette victoire 5 il avoit tenté plufieurs fois de détacher
les-Suiffes de l'alliance de la France 3 il
avoit enfin acheté le comté d 'A ft, patrimoine de
François J. Entièrement vendu à l'Empereur, il
avoit envoyé le prince de Piémont fon fils, en
Efpagne, pour y etre élevé 5 il donnoit tous les
jours de nouvelles matières au reffentiment du
Roi.
La France, de fon côté,avoit fourni aux Genevois
des fecours contre le duc de Savoie 5 elle
avoit obligé celui - ci à lever le fiége de Genève.
C e t affront récent irritoit le Duc contre le R o i,
& redoubloit fon attachement pour l'Empereur.
De plus, la France avoit des prétentions lur divers
Etats du duc de Savoie, fur le comté de N ic e ,
comme il vient d'être dit, 8c fur quelques places du
marquifat de Saluces 3 elle demandoit l'hommage :
de la baronie de Faucigny 3 elle demandoit furtout
qu'on rendit compte au Roi de la fucceffion de a
Philippe, duc de Savoie (n°. 2 2 ) , père commun,
& de Charles, & de Louife de Savoie, mère de
François I.
Le Roi envoie le préfident Poyet ( depuis chancelier)
demander au duc de Savoie le paffage
fur fes terres pour porter la guerre dans le Milanez.
Sur le refus du Duc, Poyet le fomme de fa-
tisfaire le Roi fur tous les objets dont on vient de
parler. Le Duc envoie demander du fecours à
l'Empereur 5 ilpropofe d'échanger diverfes provinces
qui connnoient à la France , telles que le
Genevois, qui auffi bien lui échappoit 5 le comté
de N ic e , qui donne l'entrée en Provence, &
quelques autres , contre des terres que l'Empereur
lui auroit données dans d'autres pays. Par-là
le royaume de France eût été ouvert aux armes
de l'Empereur par des côtés qui , n'ayant eu juf-
qu'alors pour voifin qu'un Prince peu redoutable,
n'avoient pas été mis en état de défenfe. Le Roi
fut cette propofition 5 elle irrita fon reffentiment
en y joignant l'inquiétude. 11 s'avança jufqu'à
L y o n , d'où il envoya déclarer la guerre au duc
de Savoie. L'amiral de Bripn ( Chabot ) , auquel
il donna le commandement de fon armée, fournit
la Brefife, le Bugey, pénétra dans la Savoie, y
prit Chambéry, Montmélian, & n'éprouva quelque
réfiftance que dans les montagnes de la Ta-
rentaife. L'annee fuivante ( 1436) il pénétra dans
le Piémont.
Le duc de Savoie avoit répondu à la déclaration
de guerre du R oi, qu'il fe trouveroit à l'entrée
de fes Etats pour les défendre 3 il ne fit pas
même le moindre effort pour défendre fa capitale 3
il avertit triftement les nabitans qu'il falloit céder
à la force, qu'il fe voyoit obligé de les abandonner
3 il fit embarquer fur le Pô fon artillerie, fes
meubles les plus précieux, Sc fortit par une fauffe
porte du chateau, avec la Ducheffe fa femme 8c
le prince de Piémont fon fils 5 ils fe retirèrent à
V e r ce il, d'où fa femme 8c fon fils partirent pour
Milan. En quittant Turin, le Duc confeilla encore
aux habitans de fe rendre, & ils fuivirent
fon confeil dès la première fommation. Chivas fe
rendit auffi fans réfiftance. Mais la trahifon du
marquis de Saluces, qui remplaça l ’amiral de
Brion dans le commandement de l’armée fran-
çaife , changea Ja face des affaires dans cè pays-
là , & féconda la fameufe irruption de l'Empereur
en Provence 3 mais l'Empereur fut chaffé
honteufement de la Provence 3 8c les Français fe ’
maintinrent dans le Piémont, où ils confervèrent
Turin & prirent encore quelques autres places.
Le duc de Savoie avoit accompagné l ’Empereur
dans cette expédition de Provence, qui fem-
bloit principalement entreprife pour la vengeance
du Duc. Il ofa confeiiler à Charles-Quint de
laiffer en Provence un monument horrible de fon
pafîage, en livrant aux flammes la capitale 5 mais
l'Empereur fentit ce qu'une vengeance exercée
fur des friurs auroit de bas 8c de ridicule'. Le Duc
obtint cependant la permiffion de mettre le feu
au palais où s'affembloient le parlement SC la
chambre des comptes. Son deffein é to i t , dit-on,
d'anéantir les titres qui prouvoient qu'une grande
partie du Piémont avoit autrefois relevé des comtes
de Provence. On affure qu'il voulut être témoin
de l'incendie, 8c qu'il ne fe retira qu'après avoir
vu tout conlumé. Mais cette lâcheté du duc de
Savoie ne fit que tourner à la gloire du maréchal,
depuis connétable de Montmorenci, défenfeur
de la Provence, 8c à celle du Roi. Montmorenci
avoit pourvu à tout. Lorfqu'il avoit été décidé
qu'Aix feroit abandonné , il avoit fait "tranfporter
ces papiers dans fon château des Baulx, & le Roi
fit réparer à fes dépens le dommage caufé par
l'incendie.
En 1 y 37 la guerre continua dans le Piémont
avec des fortunes diverfes 3 mais Montmorenci
étant venu y commander, la campagne finit, de
la part des Français, par des fuccès folides.
Jufque - là le duc de Savoie s'étoit facrifié pour
Charles-Quint, 8c Charles-Quint n'avoit fu ni le
défendre ni le yenger. On parla de paix : le Roi
offroit de tout rendre 8c à l ’Empereur 8c au duc
de Savoie, mais il vouloit, avec raifon, que, dans
le même tems, le duc d’Orléans fon fécond fils
fût mis en poffeffion du Milanez , fief vacant par
la mort de François S fo rc e , arrivée en 1 y 3 y , 8c
l’Empereur vouloit garder le Milanez.
La pape Paul III mit fa gloire à terminer la
querèlle des deux héros de la chrétienté 3 il pro-
pofa une entrevue des deux Princes , à laquelle il
affifteroit, 8c pour le lieu de l’entrevue i lp r o - 1
pofoit N ic e , comme une des places le plus à la
portée de toutes les puiffances intérefifées. Nous
avons déjà vu le duc ae Savoie refufer cette place
pour l'entrevue du pape Clément VII 8c de François
I , en 1 y33, dans un tems où il étoit en pcf-
: feffion de tous fes Etats. En 1 y 38, c ’étoit lui qui
defiroit le plus fincérement la paix 5 car il s'agif-
foit de tous fes biens, dont une partie étoit entre *
les mains de fon ennemi, une autre partie entre
les mains de fon protecteur, autre efpèce d'ennemi.
Cette place de Nice étoit la feule qui reliât
alors au duc de Savoie ,8c qui pût lui fervir de retraite.
Le malheur produit la défiance : il imagina :
qu'on vouloit achever de le dépouiller 5 il répon-
I ait au Pape, qui s'étoit avancé jufqu'à Monaco
( ( croyant qu'il n’y auroit qu'à entrer dans Nice ) *