
à époufer fa belle-foeur, & l’objet qu’ on fe pro-
polou dans ce mariage étoit toujours d'afifurer le
Montferrat a la Maifon de Savoie 5 car le duc de
Savoie, père de cette Princefiè, pouvoir faire la
paix ou la guerre , fuivant l'intérêt du moment,
"k 1S 1 n. a'Dan^oni?°it jamais fes prétentions : on
cherchoit tous les jours quelque nouveau prétexte
pour ne point défarmer, & le duc de Savoie & le
gouverneur de Milan paroifïoient toujours d'intelligence
fur ce point y tantôt on exigeoit que le
duc de Mantoue pardonnât à fes fujets rebelles
qui avoient fécondé les entreprifes des ennemis y
tantôt on en revenoit a demander, comme avant
la guerre, qu'il remît, foit au duc de Savoie lui-
rneme , fort aux Efpagnols, la jeune princelfe de
Mantoue, fille de fon frère & petite-fille du duc
de Savoie, dont celui-ci fe feroitfervi pour réclamer
Mantoue, ou du moins le Montferrat, en cas
que le mariage du duc a&uel de Mantoue avec
la duchefife douairière, mère de la princelfe de
Mantoue, n'eüt point lieu.
Le duc de Savoie, d'un autre cô té , elfayoit de
détacher la France des intérêts du duc de Man-
toüe, ° U mo*ns de la refroidir j ^ ■ »* iciu/mu ifuutr cccess iinntteérreêttss
par des proportions honorables & avanfageufes ;
jl oflroit de defarmer & de s’allier indirectement
avec la Maifon de France par les divers mariages
qu il projetoit, tels que celui de fa fille avec le
duc de Mantoue j & celui du prince de Piémont
fon fils avec une des princeffes de Tofcane. D’ailleurs,
il faifoit la France arbitre de tous les différends
de fa Maifon 8c de la Maifon de Gonzague.
Dans le meme tems il propofoit de donner une
autre defesfillesen mariage au roi d’Efpagne j Phi-
lippe I I I , veuf depuis deux ans , mais qui n’avoit
nulle envie de fe remarier ; il faifoit courir le bruit
de ce mariage, comme d’ une choie arrêtée, pour
tirer parti de ce bruit relativement à fes affaires
&.à fes projets.
L ardente inquiétude du duc de Savoie ne put
être efficacement réprimée que par la réunion de
la France & de l’Efpagne , qui finirent par agir
d’intelligence & de concert pour obliger ce Prince !
remuant de refpedter la paix & la liberté de l ’Italie.
Mais cette affaire, que le traité d’Aft de l’an
l é i y ne fit encore que fufpendre pour quelque
tems , ne fut entièrement terminée que par les
traités de Madrid & de Paris en 1617. Dans l’intervalle,
le duc de Savoie s’étoit révolté contrel’E f
pagne fa prote&rice, & lui avoit fait une guerre
dans laquelle il avoit été bien fécondé par le maréchal
, depuis connétable de Lefdiguières ; cette
guerre fut terminée par ce même traité de Paris.
Charles-Emmanuel continua toute fa vie de
s’égarer dans les plus vaftes projets. En 1590, au
milieu des défordres de la Ligue, il avoit voulu fe
faire comte de Provence ; il avoit bien ofé même
P°tter fes prétentions & fes folles efpérances juf-
qu’à la couronne de France. En 16 19, àla mort de
l ’empereur Matthias, il afpira de même à l’Empire
i il prétendit auffi réalifer le titre de foi de
Chypre, en fe propofant la conquête de cette île
“ les peuples de la Macédoine, las du joug des’
Turcs, 1 ayant fait preffentit fur l’ offre de leur
principauté, il fut tout près de l’accepter, au rif-
que de toutes les guerres dans lefquelles une pa-
renie entreprife pouvôit le jeter. -
La conquête de Mantoue & du Montferrat fera-
ola venir de nouveau s’ offrir à fon ambition. Le
duc Ferdinand étoit mort fans enfans en 1616.
mcent, fon frère puîné, qui avoit recueilli fa
iucceffion , etoit mort auffi fans enfans l’année fui-
irante. Charles de Gonzague (ce même duc de
Revers, qui en 1615 avoit confervé Cafal au duc
Ferdinand ) etoit le grand-oncle & le légitime
heritier des trois derme^ducs-de Mantoue, & le
duc de Rethelois fon fils ayoit réuni tous les droits
par Ion mariage^ avec cette princeffe Marie, fille
de François (famé de ces trois Ducs ) , & de cette
Marguerite de Savoie, fille de Charles-Emmanuel •
? qu on avoir voulu faire époufer enfuite au duc
Ferdmand fon beau-frère. Le roi de France &des
Veniaens prirent parti pour le duc de Nevers ;
1 empereur Ferdinand I I , le roi d’Efpagne
Philippe IV , &furtout -le duc de Savoie, fe déclarèrent
contre lui. Obfervons cependant que les
prétentions de ce dernier Prince étoiént encore .
Dienplus dépourvues de tout prétexte qu’en 1611
« 16 13 , puifqueffa fille n’ avoit pas époufé le duc
Ferdinand, & que fa petite-fille Marie, -en épou-
tant le duc de Rethelois, avoit encore fortifie les
droits deda Maifon de Gonzague. C ’étoit le car-
uinal de Richeheu qui gouvernoit alors là France
Jaloux de procurer à fon maître la prépondérance
en Italie, & mtéreffé à.l’ enlever aux cabales delà
cour il I engagea par. tous les motifs de gloire &
de politique à partir pour aller fecourir le nouveau
duc de Mantoue. Louis XlIIçfuivi des maréchaux
de Crequi & de Baffompierre, force en perfonne,
le 6 mars 1629 les trpis barricades du Pas-de-
Suie. Effraye de cet exp loit, le duc de Savoie
traite avec je R oi, & lui remet la ville de Sufe
par le traite qui porte le nom de ce lieu. Les E f pagnols,
qui avoient affiégé Cafal, font obligés d’en .
lever le fiege j mais le duc de Savoie, qui, en fai-
faut un traité, fe propofoit toujours de ne point
1 executer, laiffa celui-ci fans exécution comme
les autres, & , d’accord avec le fameux marquis.
Spinola, général des Efpagnols, fuit fon projetée
dépouiller le duc de Mantoue. La guerre s'étend.
& fe ranime en Savoie, en Piémont, dans le Montferrat,
.dans prefque toute l'Italie. En 1630 Spinola
renouvelle le fiége de C a fa l, que Richelieu
avoit eu grand foin de ravitailler. Ce fut pendant
ce nouveau fiége qu'on vit paroître , pour la pre-
mièrefois, Jules Mazarin, depuis Cardinal'& premier
miniftre en France 5 il venoit faire pour la
Savoie & l'Italie des propolitions de paix qui ne
purent être acceptées. Le Roi s'empare de toute
la Savoie y mais il tombe malade, rentre en France*
& s'arrête à Lyon. Les Impériaux, profitant de fon 1
abfence, furprennent & pillent Mantoue pendant
que le maréchal de Montmorenci battoit le général
Doria au combat de Veillane, & , joint aux
maréchaux de la Force & d'Effiat, prenoit la ville
de Saluces. Le duc de Savoie, trompé par fa faulfe
politique, meurt de chagrin de voir fon pays également
en proie à fes ennemis & à fes alliés, &
de n'en pouvoir accufer que lui-même. Sa mort
eft du 26 juillet 1630. On difoit de lui que fon
coeur étoit encore plus inacceffible & moins ouvert
que fon pays y il acquit d'ailleurs la réputation
du plus brave capitaine & du plus magnifique
Prince de fon tems. Plein d'efprit & de grâces,
ami des lettres & des fciences , il parloir, & parloir
bien les principales langues de l'Europe y il
avoit la c le f de tous les cabinets, & pénétroit
tous les fecrets des Princes, foit par une fagacité
merveilleufe & une efpèce de divination, foit par
lin efpionnage très-fubtil & très-bien payé 5 il étoit
d'ailleurs fort aimable, & avoit l ’art de gagner les
coeurs fans engager le fien. Des pionumens publics
rendent témoignage à fa piété autant qu'a fa.,
magnificence. Ce fut à tout prendre un fort grand
Prince avec des défauts confidérables, dont le
plus grand peut-être fut celui que dom Louis de
Haro reprochoit au cardinal Mazarin, qui pouvoit
bien avoir pris des leçons & des exemples de ce
Prince : I l a , difoit dom Louis , un grand défaut
en,politique j il veut toujours tromper.
- 29®. Charles-Emmanuel laifla une multitude de
bâtards, qui tous furent comblés d'honneurs &
de biens, & tinrent prefque un état de Princes.
Nous ne remarquerons parmi eux que dom Maurice
de Savoie, marquis de R iv e , capitaine des
gardes de fon altefle royale, maréchal-de-camp
au fervice du roi de France, tué en 1645 au combat
de Pro dans l'Etat de Milan, étant général de
la cavalerie du prince Thomas.
Quant aux deux Viétor-Amédée, l'un fils, l’autre
arrière-petit-fils de. Charles-Emmanuel, voyc^,
dans le Dictionnaire , l'article Victor-Amédée.
30°. Voici les titres que prenoit le dernier roi
de Sardaigne, duc de Savoie, fils & fuccefîeur du
fécond Viêtor-Amédée, dit le roi ViCtor : Charles
Emmanuel-ViCtor, roi de Sardaigne, troifième
du nom, duc de Savoie, de Chablais, d'Aoufte,
de Genevois & de Montferrat y prince de Piémont,
d'Achaïe, de laMorée & d'Oneillej marquis de
Saluces, de Sufe & d'Italie5 comte d 'A lt , de
Genève, de N ic e , de Tende & de Romont, baron
de Vàud, feigneur de V e r c e il, de Marro, de.
Prella, de Novello, du marquifat de Ceva y comte
de Coconas, Prince & vicaire perpétuel du Saint-
Empire romain, Roi titulaire de Chypre.
C e Roi acquit de la gloire dans l'Europe, &
mérita l’amour de fes fujets. La bataille de Guaf-
talle, au gain de laquelle il eut beaucoup de part,
d'autres fuccès encore, &,des exploits qui pour j
être admirés pouvoient fe pafler de fuccès, fuffi-
fent à la gloire militaire de ce Prince.
Les devoirs de la royauté l’ occupèrent fans rélâche.
Dans une maladie dont il fut attaqué, on
l'exhortoit à interrompre des travaux qui pouvoient
nuire à fa fanté. « Tant que Dieu nous iaifle
» un refte de force, répondit-il, il nous ordonne
« de l'employer à nos devoirs. »
C e t attachement à fes devoirs régla conftam-
ment fa v ie y & tel fut fon refpeCt pour les lois ,
qu'il aima mieux laifler un crime grave impuni,
que vde permettre qu'on infligeât une peine qui
n’étoit pas prononcée par la loi.
La même fagefle qui diéta fes lois , préfida auffi
à l’adminiftration de fes finances. « Vous me voyez,
35 difoit-il à un Français^ dans le plus beau jour de
53 ma vie y je viens de délivrer mon peuple des der-
35 niers impôts que la néceffité des guerres m'avoit
33 forcé d'établir. 33
Une économie exaête & éclairée veilloit en
même tems à la difpenfation de fes revenus. Il
fupprima dans fa cour le difpendieux & inutile
appareil des fêtes y il fit ce qu’il put pour le commerce,
les arts, la défenfe de fes Etats. .
. Le témoignage fuivant eft confirmé par tous ceux
qui ont feulement pafte par Turin. « Les portes
33 de fon palais étoient continuellement ouvertes à
33 tous fes fujets, & le dernier des citoyens por-
33 toit librement fa voix au pied du trône. On voyoit
33 ce bon Prince environné dé fon peuple comme
33 d’une famille nombreufe. Il entendoit leurs re-
33 préfentations, écoutoit leurs plaintes, foutenoit
33 le foible, encourageoit le timide, confoloit l’ af-
-33 fligé, foulageoit le malheureux.»»
C e Roi avoit des amis. Ses larmes coulèrent fur
la tombe du marquis de Saint-Germain. En def-
cendantlui-même au tombeau, il y fut fuivi d'un
autre ami. Le maréchal de la Rocca ne put lui
fur vivre plus de trois jours.
Charles-Emmanuel-Viétor étoit frère de cette
aimable ducheffé de Bourgogne, morte en 17 12,
& fuiviè de fi près par fon mari, le même étoit
oncle de notre roi Louis X V , dont la viciffitude
des événemens & des intérêts politiques le rendit
tantôt l'allié, tantôt l'ennemi.
Sur la détention malheureufe du roi Viéfcor, &
fur le repentir qu’il en eut, voyc^3 dans le Dictionnaire,
l'article Victor.
31°. Dans la branche de Soiflons, iffiie de cèlle
de Carignan, laquelle defcendoit de Charles-Emmanuel,
dit le Grand, nous remarquerons l’auteur'
de cette branche de Soiffons , Eugène-Maurice
de Savoie, comte de Soiflons par Marie de Bourbon
fa mère, fille de ce comte de Soiflons, cou-
fin-germain d’Henri I V , & qui avoit tant defiré
de devenir fon beau-frère, & foeur du comte de
Soiflons, tué en 1641 à la bataille de la Marfée.
Ce comte de Soiflons Savoie s'établit en France ,
où il fut colonel-général des Suifles & Grifons,
& lieutenant-général des armées j il fe diftingua