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plus de bornes à fon reffentiment. Dès - lors tous
les mécontens fe rallièrent à lui, & firent fi bien,
en irritant un caraétère naturellement pervers 8c
une ambition naturellement violente, qu'ils amenèrent
par degrés ce Prince jufqu'au projet monf-
trueux d’ affaffiner un père qu'il ne regardoit plus
que comme fon tyran, 8c des frères dans lefquels
il ne voyait que des rivaux enrichis de fes dépouilles.
Nous ne prétendons nullement infirmer
le témoignage des hiftoriens, qui eft unanime fur
ce fait; nous obfervons feulement qu'une telle
entreprife devoit avoir bien des difficultés, de-
mandoit des intelligences bien étendues & bien
combinées, pour que quatre Princes, prefque
toujours fér arés, 8c très - éloignés les uns-des
autres, fufîtnt frappés par les anaffins fi à propos
8c fi bien de concert, qu'aucun des quatre n'échappât,
qu'aucun ne put être averti par le fort
des autres, 8: ne refiât pour les venger.
Comme il s'agilfoit d'une révolution générale,
que les conjurés ne pouvoient opérer par leurs
propres forces , ils fe mirent fous la protection
des puiffimces étrangères. II eft à préfumer qu'on
cacha foigneufement à celles - ci toute l'horreur
du complot , 8c qu'on leur parla feulement de
rétablir dans les droits de fa naiffance un fils aîné
injufteir.ent déshérité. Les Saxons, qui n'étoient
pas encore tranfplantés ( c'étoit en 792 ) ; les
Huns, oui n'étoient pas encore fubjugués, mais
qui étoier.t menacés, & qui avoient déjà même
été attaques ; les Grecs, les Lombards, c'eft-à-
d ire, ceux des I ombards qui foudroient encore
impatiemment le joug de Charlemagne, furent
follicités d’entrer dans cette entreprife, 8c promirent
de faire diverfion ou de fournir des fe-
cours. Mais' avant qu'ils puflent agir , la conjuration
fut découverte par i imprudence des conjurés.
Au lieu de s’aflembler, 8c même encore avec précaution
, chez un d'entr’eu x , ils fe donnèrent
rendez-vous dans une égiife pour délibérer fur
leurs affaires, voulant peut-être par-là échapper
au danger d'être entendus de leurs domeftiques.
Comme ils fe croyoient apparemment maîtres de
cette égiife, 8c qu'ils en avoient fermé les portes,
tout ce que leur complot avoit de plus coupable
8c de plus affreux fut dévoilé fans crainte. Près
de fe féparer, ils fongèrent à prendre une précaution
qu’ils avoient négligée d'abord. Ils s’étoient
contentés d'un examen un peu fuperficiel, pour
s'affurer, en entrant, qu'il n’y avoit perfonne dans
l ’églife ; en fortant, ils recommencèrent cet examen
avec plus a'exactitude ; ils trouvèrent un
eceléfiaftique caché fous l’autel, 8c qui avoit été
à portée de les entendre. Il avoit tout entendu
en effet, 8c il étoit tellement faifi d'horreur de
tout ce qu'on avoit d it, 8c d'effroi de ce qu'il
avoit à craindre pour lui-même, que n’ en pouvant
tirer aucun éclairciffement, ils le prirent pour un
imbécille & pour un homme fans conféquence.
C e fut fon îafut comme celui du Roi 8c de fes fils,
PER
car ils avoient d’abord eu deffein de le tuer ; ils
fe contentèrent de prendre une précaution qui de-
venoit fuperftitieufe à force de fuppofer la fuperf-
tition ; ce fut de le faire jurer qu'il ne révéler oit
rien de ce qu'il avoit entendu; ils crurent qu'un ec-
cléfiaftique, un prêtre même (car il s'annonça pour
tel ) , n'oferoit jamais violer un ferment fait dans
l'églife 8c fur l'autel, quoiqu'il s’agît de la vie du
Roi 8c des Princes fes fils. Echappé de ce péril,
cet homme courut tout révéler; il donnoit des
avis tellement circonftanciés, qu'il ne fut pas pof-
fible de les négliger. On fit les perquifitions necefi
faires, tous les conjurés furent arrêtés 8c con-
i damnés à divers fupplices, félon leur qualité ou
félon la part qu'ils avoient eue au complot. L e
Roi ne fit grâce qu’à fon fils , 8c ne lui fit grâce
que de la vie. Pépin fut rafé, 8c enfermé dans le
monaftère de Prum, où il finit fes jours du vivant
même de fon p è re , en 8 11.
Au premier bruit de la découverte de cette
conjuration, les fils de Charlemagne 8c d'Hilde-
garde quittèrent leurs royaumes 8c coururent fe
ranger auprès de Charlemagne, à Ratisbonne ,
pour le défendre s’ il étoit encore en danger, ou
pour le confoler du moins par leur zèle des attentats
d’un fils dénaturé.
L’homme qui fauva l’Etat en cette occafion eut
pour récompenfe l’abbaye de Saint-Denis; il fe
nommoit Fardulfe, 8c étoit Lombard de nation.
Tels étoient les chagrins que trouvoit au fein
de fa famille ce Charlemagne, qui remplifloit
PUnivers de fa gloire. Si l’ on ne peut pas dire
qu’il les eût abfolument mérités, peut-on dire
qu’il eût la confolation de n’avoir à cet égard
aucun reproche à fe faire ? C e R o i, diftingué
d’ailleurs entre tous les pères par fa tendreffe
pour fes enfans, fut - il allez tendre 8c allez jufte
envers le fils d'Himiltrude ? Puifqu'il donnoit des
partages à fes fils, 8c puifque les partages eurent
lieu fous la fécondé race comme fous la première,
n’e û t - il pas mieux fait d’imiter Clovis
8c les autres Rois, qui avoient admis leurs bâtards
à fuccéder ? N ’eût-il pas tort enfin d’ajouter au
malheur que Pépin avoit eu d’être maltraité par
la nature, celui de le maltraiter encore du côté
de la fortune ?
PERGOLÉSE (Jean-Ba p t is t e ) , (Hifi. mod.)3
un des plus célèbres muficiens de l’ Italie, que
les Italiens appellent le Dominiquin de la mufî-
que. On connoît fa Serva Padrona. Son Stabat
mater eft regardé comme fon chef-d'oeuvre. Il
étoit né en 1704, à Caforia, dans le royaume de
Naples ; il mourut à Naples en 173 7 , à trente-
trois ans. On a dit qu’il avoit été empoifonné par
fes rivaux ; il en avoit 8c en méritoit fans doute 3
mais" on croit être fur qu’il mourut de la phthifie
pulmonaire, 8c toutle monde fait qu'heureufement
il'ne fe commet'pas autant de crimes qu’on e n '
imagine 8c~qu’on'en foupçôjnne.
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4 PÉRI ON (J o a c h im ) , (Hiß. litt. mod. )3 fe fit
bénédictin dans l’abbaye de Cormery en Touraine,
en 1 j-1 7 , 8c mourut dans cette même abbaye vers
l ’an 1 ^ 9 . On a de lui quatre dialogues latins fur
l ’Origine de la langue rrançaife 8c fa conformité
avec Ta langue grecque, 8c des traductions latines
de quelques livres de Platon, d’Ariftote 8c de
Paint Jean Damafcène.
PERPINIEN (P i hrre-Je a n ) , (Hifi.li_tt.mod.'),
jé iuite, né dans le lieu appelé biche, au royaume
de Valence, fut le premier de fa compagnie qui
profeffia l’éloquence dans l’Univerfité de Conim-
bre. Il profefïa depuis, foit la rhétorique, foit la
théologie, à Rome, à Lyon, enfin à Paris, où il
mourut en i f é é , à trente-fix ans. Muret & Paul
Manuce vantent beaucoup la pureté de fon langage
8c celle de fes moeurs. Jl eft compté parmi
Jes bons latiniftes modernes. Ses ouvrages ont été
publiés en 1749, à R.orne, par le P. Lazeri, jéfuite.
L’ouvrage le plus confidérable de ce recueil eft
la vie de fainte Elifabeth, reine de Portugal.
PERRAY (M ichel du ) , ( Hifi. litt, mod. ) ,
reçu avocat au parlement de Paris en 16 6 1 , fut
.bâtonnier de fon Ordre en 17 15 , 8c mourut doyen
des avocats en 1730, âgé d’environ quatre-vingt-
dix ans. Il étoit très-verfé dans la jurifprudence
tant civile que canonique ; il a furtout beaucoup
écrit fur cette dernière. Les principaux de fes ouvrages
font : Un Traité hifiorique & chronologique
des dîmesy retouché depuis par M. Brunet, avoc
a t, dans une édition qu’il en a donnée ; des notes
6* obfervations fur le fameux édit de 169 y , concernant
la juridiction eceléfiaftique ; un Traité fur le
partage des fruits des bénéficesj un Traité des moyens
canoniques d'acquérir & de conferver les bénéfices ; un
Traité de T état & de la capacité des eccléfiaftiques
pour les ordres & Les bénéficesj des Obfervations fur
le concordat ,* un Traité des difpenfes, relativement
au manager
! PERRIERS ( Bo n a v en tu r e des ) , ( Hiß.
litt, mod.) 3 étoit valet-de-chambre de la reine de
Navarre, Marguerite, foeur de François I , 8cfes
Contes , comme ceux de la reine de Navarre, con-
fervent encore aujourd’hui la plus grande partie
de leur agrément ; ils foutiennent feuls la réputation
de leur auteur ; car fes poéfies, même la traduction
de l’Andrienne , font oubliées , 8c l’on
cherche en vain dans fon Cymbalum munai l’impiété
qui le fit proferire, & le charme qui le faifoit lire. ;
On y trouve pour tout charme des fictions inco- I
hérentes 8c incompréhenfibles, auxquelles 1 allégorie
donnoit peut-être quelque prix,, 8c des plaisanteries
fur les chercheurs de la pierre philofo-
phale ; mais toute plaifanterie contre les préjugés j
paffoit alors pour impiété. Les Contes du même i
auteur ont un mérite indépendant de toute allé- j
gorie j mais lés Contes imprimés fous fon nom
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ne font pas tous de lui; car il y en a quelques-uns
où il eft parlé de François I 8c même d’Henri I I ,
comme 11e vivant plus, 8c Defperriers étoit mort
avant l’année 1544, trois ans 8c plus avant François
I ; il fe tua lui-même d’un coup d’épée dans
un accès de folie. Ceux de ces Contes qui ne font
pas d® lui, font attribués à Jacques Pelletier, qui,
I en donnant en une édition des Contes de
Defperriers, a pu en inféfer quelques-uns de lui.
On croit auffi qu’il y en a plufieurs de Nicolas
Denifot, peintre 8c poète célèbre de ce même
feizième fiècle. Rien de plus connu que la fable
de la Laitière 8c du Pot au lait dans La Fontaine.
En voici le modèle avec la plupart des agrémens
de la co p ie , dans la quatorzième Nouvelle de
Bonaventure Defperriers, au fujet de l ’alchymie.
« L’ alquemie fe pourroit plus proprement dire
35 Art qui mine ou art qui rieft mie, 8c ne fauroit-on
33 mieux comparer les alquemiftes qu’ à une bonne
33 femme qui portoit une potée de lait au marché ,
m faifant fon compte ainfi : qu’elle lavendroitdeux
» liards ; de ces deux liards elle acheteroit une
33 douzaine d’oe ufs , lefquels elle mettroit à cou-
35 v e r , 8c en auroit une douzaine de pouffins ; ces
33 pouffins devien4roient grands 8c les feroit cha-
»3 ponner ; ces chapôns vaudroient cinq fols la
» pièce ; ce feroit un écu 8c plus, dont elle ache-
33 ter oit deux cochons mâle 8c femelle, qui de-
3ï viendroient grands, 8c enferoient une douzaine
33 d’autres quelle vendroit vingt fols la p iè c e ,
» après les avoir nourris quelque tems ; ce feroit
33 douze francs , dont elle acneteroit une jument
33 qui porteroit un beau poulain, lequel croîtroit
»3 8c deviendroit tant gentil : il fauteroit 8c feroit
»3 hin. Et en faifant hin la bonne femme, de
33 l’ aife qu’elle avoit en fon compte, fe print à
33 faire la ruade que feroit fon poulain » 8c, en ce
33 faifant, fa potée de lait va tomber, 8c fe ref-
33 pandit toute. Et voilà fes oe ufs, fes poulets, fes
33 chapons, fes cochons, fa jument 8cfonpoulaift
33 tous parterre. Ainfi les alquemiftes, apres qu’ils
33 ont bien fournayé, charbonné , lutte, foufflé,
33 diftillé, calciné, congelé, fixé, liquéfié, vitré-
33 fié, putréfié, il ne faut que caffer un alembic pour
33 les mettre au compte de la bonne femme. >>
Rabelais, liv. 1 , chap. 33 , cite une farce du
Pot au lait y où un cordonnier calcule comme la
laitière de Defperriers. M. de la Monnoye, fur ce
Conte de Defperriers, cite plufieurs autres Contes
qui paroiffent en être imités.
Le fameux Conte des lunettes dans La Fontaine,
eft tiré de la Nouvelle foixante-quatre de
Bonaventure Defperriers.
Tout le monde fait l’hiftoire d’ un homme qui,
n’ayant pu' être reçu membre d’une compagnie ,
en devint le chef par le fecours de l’ autorité, 8c
q u i, s’appliquant ce verfet 21 du pfeaume
Lapidem quem reprobaverunt edi fie antes , hic fàctus
eft in caput anguli. « La pierre qui avoit été rejetée
33 par ceux qui bâtiffoient, eft devenue la princi