
mieux faire b guerre que régler l’année fur le cours ’
des aftres; il avoit compofé fon année de dix mois
feulement, dont le premier étoit le mois de mars,
confacré au dieu de la guerre , réputé fon père ;
enfuite les mois d’avril , mai & juin; quintile , depuis
appelé juillet j fextile, depuis nommé août ou
auguftus ; feptembre 3 octobre 3 novembre, décembre.
On voit que la dénomination de ces quatre
mois 3 ainfi que de quintile & de fextile 3 eft devenue
fauffe par fucceffion de tems lorfque l’année
a ceffé de commencer au mois de mars. Romulus
donna trente-un jours à mars , à mai ,' à quiritile &>
à o&obre 3 & trente à chacun des fix autres ; de
forte qu’ ils faifoient tous enfemble trois cent quatre
jours. On fent qu’une année de trois cent quatre
jours étoit purement civile3 purement d’inftitution
arbitraire ; qu’elle n’étoit ni folaire ni lunaire ;
qu’elle n’étoit réglée fur le cours d’aucun aftre 3
& que tous les mois parcouroient tour-à-tour les
différentes faifons. Numa-Pompilius réforma pour
la première fois ce calendrier informe ; il voulut
imiter les Grecs , qui compofoient leur année de
douze mois lunaires de trente & de vingt-neuf
jours alternativement; ce quifaifoittrois cent cinquante
quatre jours. Par une prédilection fuperfti-
tieufe pour le nombre impair, ily ajouta un jour,
& fit fon année de trois cent cinquante-cinq jours ,,
& ajouta deux mois à l’ année de Romulus; favoir :
janvier & février. Janvier étoit de vingt-neuf jours,
février de vingt-huit; mars, mai, quintile & oCtobre
de trente-un jours,. & les fîx autres de vingt-neuf.
Il voulut que le mois de janvier., qu’il plaça vers le
folftice d’niver, fut le premier mois de l’année ,
& non plus le mois de mars, que Romulus avoit
mis vers l’équinoxe du printems, changement affez
indifférent ; car qu’importe que l ’année commence
& finiffe à un folftice ou à un équinoxe ? Il fe fervit ■
auffi de l’intercalation des Grecs , qui ajoutoient
un mois furnuméraire de deux ans en deux ans ,
lequel mois étoit compofé alternativement de vingt-
deux ou vingt-trois jours., pour rapprocher l’année
civile du cours du foleil , qui fait fa révolution en
trois cent foixante-cinq jours & près de fîx heures :
il ordonna en même tems aux pontifes de marquer
au peuple le tems & la manière de faire cette in-
terpofîtion de mois extraordinaire ; mais ces pontifes,.
foit ignorance ou fuperftition , ou quelque
intérêt particulier, .mirent les ebofes dans une fî
grande confufioji , que leurs fêtes arrivoient dans
des faifons entièrement oppoféès à celles où elles
dévoient être, célébrées félon leur inftitution , de
forte qu’ on célébroit les fêtes d’automne au printems
, & celles de la moiffon dans le milieu de
l’hiver.
. Ce défordre étoit trop grand pour n’ avoir pas
befoin d’être réparé. Jules-Céfar,.comme dictateur
perpétuel 3 pouvoir, & , comme fouverain pontife
, devoit entreprendre cette réforme. Il fît venir
^’'Alexandrie le célèbre aftronome Sofigèiles, qui
fiég,’a;l’année, fur Je. cours du foleil, & qui, après
avoir compofé le calendrier de trois centfoixante-
cinq jours, laiffa lès fîx heures, pour en faire , au
bout de quatre ans , un jour qui feroit ajouté dans
le mois de février, Srformeroitl’année biffextile.
Pour placer les dix jours dont l’année folaire de
trois cent foixante - cinq jours excédoit celle de
Numa, qui étoit, comme nous l’avons dit, de trois
cent cinquante-cinq, il ajouta deux jours à chacun
des mois de janvier, de fextile & de décembre, qui
n’en avaient que vingt-neuf, & un jour à'chacun
de ces quatre autres , avril, juin, feptembre &
novembre , biffant le mois de février de vingt-
huit jours aux années communes, & de vingt-neuf
à la biffextile ; & comme , par la négligence de
ceux à qui avoit été commis le foin de la diftri-
bution des mois intercalaires, le commencement
de l’année fe trouvoit alors précéder de foixante-
fept jours le folftice d’hiver, & que c’étoit aufïi
l’année de l’intercalation du mois de vingt-trois
jours, ce qui fait quatre-vingt-dix jours , cette
année de la correction du calendrier, faite par
Jjiles-Céfar, fut de quinze mois & de quatre cent
quarante - cinq jours ; c’ eft pourquoi on l’appela
rannée de confufion ; mais cette confufion tendoit
à tout éclaircir & à tout rétablir , & il n’y avoit
eu de confufion réelle que dans les tems précé-
dens. On remarque que cet Empereur , par con-
defcendance pour les efprits des Romains , accoutumés
fi long-temsà l’année lunaire, fit commencer
la première année du calendrier julien le jour de
la nouvelle lune qui fuivit le folftice d’hivêr, &
! qui vint huit„ou dix jours après : tant il faut ou il
voulut avoir d’égard pour l'ignorance & le préjugé
! Les effets de cette condefcendance ont fub-
fifté , car encore aujourd’hui les années de l’ ère
chrétienne ne commencent pas au point fixe du
folftice du capricorne, mais huit ou dix jours plus
tard. Les Romains étant alors maîtres du Monde,
Romands, rerum dominos 3populum latè regem 3 firent
aifément recevoir partout la réforme de Jules-
Céfar. Les Grecs cefterent, vers ce tem s -là , de
fe fervir de Tannée lunaire , & de faire leur intercalation
de quarante-cinq jours tous les quatre ans.
Les Egyptiens fixèrent leur thot, premier jour de
leur année,. qui paffoit auparavant d’une faifon
dans une autre. Les Hébreux en firent autant, &
le calendrier julien devint le calendrier de prefque
tous les peuples.
Les premiers Chrétiens gardèrent les mêmes
noms de mois , la même quantité de leurs jours ,
& la même intercalation d’un jour dans Tannée
biffextile. Ils ôtèrent du calendrier romain ou julien,
les lettres nondinales ( qui marquoientles jours des
affemblées ou fériés ) , & en mirent d’autres en.
leur place pour marquer le dimanche & les autres,
jours de la femaine ; au lieu des fêtes profanes &
des jeux romains, ils rangèrent par orare les fêtes
& les ceremonies de b, véritable religion. Vers le
commencement du fixième fiècle Denis-le-Petit „
pour concilier les différens ufages des églifes, cTQ.-
rient & d’Occident fur le tems de b célébration
de b Pâque, propofa une même forme de calendrier
, fuivant b période victorienne , compofée
des cycles du foleil & de 1a lune ( on expliquera,
dans la fu ite , ce qui concerne ces cycles & ces
périodes ). Jufqu’alors 1a plupart des Chrétiens
avoient compté les années du tems de b fondation
de Rome , ou des confuls, ou des Empereurs.
Quelques-uns commençoient à compter, ou du
jour de la paffion du Sauveur, ou de T ère des
martyrs fous Dioclétien ; mais Dçnis-le-Petit commença
une nouvelle époque à l’incarnation de Je- ;
fus-Chrift, & „cette ère de Denis-le-Petit eft encore
en ufage à 1a cour de Rome , dans les dates
des bulles & des brefs * néanmoins, peu de tems
après, les Chrétiens commencèrent à compter depuis
la naiffance de Jéfus-Chrift, gardant toujours
la coutume des Romains à l’égard du commence-
ment de Tannée fixée au I er. janvier.
Rien de plus fimple que 1a divifion julienne de
Tannée en trois cent foixante-cinq jou rs, & fix
heures qu’ on réfervoit pour former un jour de
plus à b quatrième année, qui eft b biffextile.
Rien , difons - nous, ne feroit plus fimple fi cela
étoit entièrement exa& ; mais le cours du foleil
n’eft pas de trois cent foixante-cinq jours & fix
heures entières : il s’ en manque onze minutes ,
différence qui n’ eft rien pour un an ou pour un
petit nombre d’années, mais qui par bps de tems
produifit un dérangement confidérable auquel il
fallut remédier , & pour le préfent & pour l’avenir
, par. le calendrier grégorien.
Augufte avoit fait, au calendrier julien, un bien
petit changement & par un bien petit motif. Le
mois de juillet étoit confacré à Iules - Cefar ; il
avoir trente-un jours : celui d’août ( Augufius) ,
confacré à Augufte, n’en avoit que trente. Augufte
ne voulut pas que fon mois eut moins de jours
que celui de Céfar ; il prit un jour au mois de
février, pour le donner au mois d’août ; par-là il
dérangea Tordre commode que Céfar avoit établi
en ordonnant que les mois auroient alternativement
trente-un & trente jours.
Le calendrier de l’ancienne Eglife , conforme
au calendrier julien, parut d’abord faire connoître
affez précifément les nouvelles lunes , & par con-
féquent le tems de 1a fête de Pâques ; mais b
fuite de quelques fiècles fit découvrir que ce calcul
ne s’accordoitpas entièrement avec le mouvement
du foleil & de la lune , & que 1a Pâque ne fe célébroit
plus dans fon vrai tems : on commençoit
déjà à prévoir que la Pâque auroit remonté juf-
• qu’en hiver, puis auroit infenfiblement paffé en
automne, & de là^en ete. C eft pour remedier a
ce défordre , qui intéreffoit fur tout T Eglife pour
b Pâque, mais qui ne troubloit pas moins 1 ordre
c iv il, que le pape Grégoire XIII adreffa, fur la
fin du feizième fiècle, des brefs aux princes chrétiens
&-aux plus célèbres univerfités , pour les
inviter à chercher les moyens de rétablir l’équinoxe
du printems en fon véritable lieu. Le réfultat des
observations des mathématiciens & des aftronomes
joints aux théologiens , fut une bulle du Pape de
Tan i)81 , qui retrancha dix jours du calendrier.
Ainfi, le lendemain de la fête de Saint-François ,
qui eft le 4 octobre, on compta i y au lieu de y.
Par ce moyen , le jour q u i, avant b correction ,
s’appeloit le n d’ oêtobre , devint le n , de
meme dans les autres mois ; ce qui fit que l ’équinoxe
du printems, qui remontoit déjà au 11 mars,
fe trouva au 21 , comme au tems du concile de
Nicée en 32y. Mais c’étoit peu d’avoir réparé le
défordre, il falloit l’empêcher de renaître : on
voyoit que les années biffextile s revenant tous les
quatre ans , donnoient un peu plus de tems qu’il
n’en falloit, mais qu’il y^ avoit bien peu à y retrancher
, on ôta aux années féculaires la qualité
de biftextiles : ce n’en étoit qu’une de retranchée _
par cent ans, mais c’étoit trop encore. On pouffa
la précifion du calcul & l’approximation de Tannée
eçcléfiaftique & civile à l’ égard de Tannée folaire,
jufqu’à reconnoître que , fur quatre^ années fecu-
laires, il falloit retrancher trois années biiTextiles,
& biffer le biffexte à 1a quatrième. Ainfi Tannée
1700 & l’année -1800 n’ ont point été biffextiles ,
| 1900 ne le fera pas ; mais Tan 2000 le fera , aufïi
bien que 240 o , 2800, & c , - ,
Cette réformation néceffaire & fuffifante fit bien
connoître que les hommes font trop peu familia-
rifés , dans l'ufage , avec b maxime d’ examiner :
Non quisjed quid dicat. C ’étoit un Pape qui pro-
duifoit ce bien au Monde : il n’y eut que les Catholiques
qui l’adoptèrent ; les Proteftans le rejetèrent
; mais peu a peu 1a force de la vérité &
de l’ utilité l’emporta. D’ abord ce fut un fouléve-
ment général des Grecs fehifmatiques , des Proteftans
, foit d'Allemagne, de Suède , de Dane-
marck ou d’Angleterre, contre un calendrier papal,
quoiqu’ ils en reconnuffent tous b fageffe & la né-
ceffité ; quelques favans cependant tâchèrent de
fe faire iîlufîon & de tromper leur confcience pour
écrire contre cette réformation. Tels furent Mæf-
tius , profeffeur en mathématiques à Tubinge ,
Scaliger & Georgius Germanus. Nous avons aufïi
une conftru&ion nouvelle d’ un calendrier, faite
par Viète & adreffée au Pape , avec des notes fur
les défauts qu’il difoit avoir remarqués dans le calendrier
grégorien. C ’eft ce qui obligea Clavius ,
Tun des mathématiciens qui avoient eu le plus de
part à la réformation grégorienne , de donner au.
public , par Tordre de Clément V I I I , un Traité
du calendrier pour éclaircir les doutes , & répondre
, par forme d’apologie, à tout ce que Ton y
trouvoit à redire. Sethus Calvifius , long-tems
après , a prétendu faire voir, par les obfervations
agronomiques de Ticho-Brahé, qu’il faudra bientôt
faire de grands changemens dans le calendrier
grégorien. Voici cependant ce que dit Ticho-
Brahé lui - même , que fon favoir immenfe a fait
nommer le reftaurateur de l’aftranomie : voici ce