Rotrude' fa fille, & qui prétendoit fe venger de
ce refus, mais Irène ne pouvoit être un ennemi à
dédaigner. Charlemagne avoir long^tems eflimé
&r recherché fon alliance; Ses guerres jufqu'alors
n'avoient été que des expéditions 8c des courfès j
celle qui fèpréparoit, alloih être le choc d'un
grand Etat contre un grand Etat : il s’agifloitde
la prééminence de l'Empire français ’où de l'Empire
grec, & du poids dés noms de Charlemagne
:8c d’ Irène. Adalgi'e étoit toujours à la cour de
cette Princefle, lbit que Charlemagne -, pendant
tout le tems de fon alliance avec Irène , eut dédaigne
un fi foible ennemi, & eut a fiez refpèété
fon alliée pour n’ en point exiger un pareil facri-
ficé j foit qu’ Irène elle-même, fi capablè dé crimé
•en politiqüé 3 fut incapable de baflèfle , Charlemagne
fentit toute l'importance de l’ affaire que
fes•conquêtes & fies ennemis lui fufcitôîènt. Le
fils du roi des Lombards 3 réclamant le trône paternel
3 & foutenü par lés Grecs, par les Huns?
par le duc de Benevent & par lés Bavarois, étoit
une grande puifiance q u i, avec l'avantage de là
-ca'ufé la plus-favorable, vendit-'fe mefürer en
Italie & en- Germanie a la fois avec la puifiance
françaife; ( On peut voir dans c e volume, à l'article
Tajfillôn, par qUèFcbup de foudre Charlemagne
écrafa d'abord ce duc dè Bavière. ) '
Cependant tes Huns furent fidèles au traite
qu'ils'avoient fait avec Taflillon. N'ayant pu'pa-
roîtré en armes afiez tôt pouf le défendre, ils
Voulurent; ;du moins le venger j ils envoyèrent
deux armées* Lune dans la Bavière, pour effayer
de la-- reprendre 5 l'autre- dans le Frioul, pour pénétrer
en Italie 8c favorifer l'expédition du prince
•Adalgifè & desGrecs. Grâces aux précautions que
•Charlemagne avoit fu: prendre', • aucune de ces
deux entreprifes ne réuflit. Les Huns furent re-
•poüfies deux fois dé’ la Bavière avec une grande
•perte, : & ils ne furent pas moins complètement
défaits dans le Frioul. Là fortune fembla vouloir
-encore joindre aux fuècès que Charlemagne fe
procurait par fa bonne conduite j des avantages
dorit il nê fut redevable qu’ à elle. L’allié fur lesquel
Adalgife r& les Grecs avoient principalement
compté pour faciliter leur defcente en Italie ,
Ariçhife, duc de Benevent, mourut fur ces entrefaites
, ainfi que: Rômuald fon fils ainé. La
duchefie de Benevent, Amalberge, foeur d’Adal-
gife ; fit ce qu'elle put pour Obtenir des Bene-
véntins, qu'ils tînfîent les- engagemens qu'Ari-
chife; avoit pris, avec Adalgife fon frère 8c avec
les 'Grecs j mais les négociations d e Charlemagne
prévalurent ? les Beneventîns'crurent, comme les
Bavarois (voye^ l'article Taffillon) 3 devoir plus à
leur fuzerain 'qü'à leur duc. Par la mort a Ari-
chife & de fon • fils, & furtout par la difpofition
des peuples , le duché de Benevent rentroit dans
la main dé Charlemagne j il avoit en- fa puifiance
le'jeunè Grimoàld-, fécond fils d'Arichife : ce fut
à lui qu'il donna le dûçhé'de Benevent, pour .lui
fournir F occa'fion de réparer les torts de fa famille.
En ■ effet / l'afcendant naturel.de Charlemagne
avoit agi fur le jeune Grimoald, pendant le teins
que celui-ci avoit été en otage auprès dë lui.
Touché de la confiance généreufe que ce grand
Prince lui témoignoit, .il ne fongea qu'à-s'en rendre
digne, .SyCharlemagne n'eut point alors de
fujet plus fidèle. Grimoald combattit Adalgife 8ç
les \Grecs avec autant de fuccès que de bonne
conduite. Il eft vrai que, fous prétexté de lui envoyer
du fecours 3 Charlemagne, dont la prudence
égaloit la générofité , lui avoit donné pour'collègue
& pour furveillant Vinigife j- un de. fes meilleurs
généraux, avec l'élite des trc/upes françàifes;
Vinigife’ fut témoin'de la reconnoiflànçe dè Grimoald
& du zèle des Beneventîns , qui ne c-éde-5
rent en rien aux Français dans cette journée. Les
Grecs furent entièrement défaits ; Adalgife dut
fon falut à la fuite j le général m B É nomme^
Jean, qui avoit acquis de la gloire dans le commandement
des arpiées, fut pris, 8c3 cë que toute
la barbarie qui pouvoit encore- refter Hans ce
fiècle ne peut pas ,tnême! faire concevoir -3 on lé
fit périr dans la prifon, pour avoiï rempli Tes devoirs
de général 8c de fujet. L'àtfocite incroyable
de ce fait avoit perfuadé à quelques auteurs que
c 'étoit Adalgife lui-même qui avoit été pris , &
qu'on l 'avoit facrifié aux intérêts de Charlemagne
pour terminer la querelle - dû royaume des Lombards
3 crime politique afiez (Pufage dans tous les
tems, & que les conjonctures, fans pouvoir l'ëx-
cufer, expliqueroient du moins $ mais il eft bien
reconnu qu'Adalgife ne tomba point dans les mains
des Français nj dans celles -des Beneventins j
qu'il retourna vivre dans l'obfcurité à la cour dè
Conftantifiople', & qu'il y vécut même long-tems
encore ; mais on ne le vit plus faire aucune tentative
pour réclamer fes droits ’, 8c la querelle delà
Lombardie finit à cette époque, qui eft l'an 788. 1
Irène s’ en tint à cette épreuve, 8c ne voulut'
plus commettre fa fortune avec* celle de Charlemagne*.
ADAM (Jagques ) , (Hifi.liti. mod. ) , de l’Académie
françaife -, fecrétàirè des commandemens
de M. le prince dé Conty , père de M. le prince de
Conty d'aujourd'hui (en 1789')’, naquit ^V en dôme
en 1663. M. d'Alembert lui' a eh quelque
forte donné; un nom 5 car il n'en avoit pas : fa iiio-
deftie même.Fâvoit empêché d'en a v o ir , & il en
méritbit un à ce. titre-la fèül; C e n 'e fi que quarante
ou cinquante ans après fa'mort, qu'un de fes
fils a communiqué a M. d'Alembert- des détails honorables
à la mémoire de cet académicien ignor
é , détails dont. M. d'Alembert a,'bien fu tirer
parti. Jacques Adam étoit-le idernier de huit en-
fans : fes parens le deftinant à l'état'eccléfiaftique ,
le firent étudier. 11 eut biehtôtvépuifé toute la
fcienee de fes premiers maîtres. Remis enfuiteentre
les mains.des Oratoriens de Veridôme, illes-étonnà
pat la rapidité de Ces progrès,, & l'opmioii qu'ils
en conçurent fut '.telle, qu'ils l'envoyèrent encoré
enfant! à Paris.avec une lettre.pour M. Rollin, par
laquelle ils: le. piioiênt, non pas de l'infiruire ou
de le faire inftmire ; mai? de'le placer comrne tout
iriftruit. M. Rollin? ne voyar.t devant lui qu'un
enfant qu'il prenoit pour un, Ample. çommilfion-
naire , demanda ,ou étoit le fujet que les Orator
riens lui recommamdoient : c'.jî mof, Monfieur ± répondit
le jeune Adam en rougifTant de modeftie.
JM. Rollin, apres s’être alfuré que les Oratoriens
rie lui avoient point. exagéré les difpofitipns; &;lës
connoiffances préçpcps oejcet enfant, pfâ bien le
réfenter au célèbre. ;abl?é ,Fleury , cepame un
cmme capable de l’aider dans fes immenfes ,tra-
vmxfoïYHiftoirekcçMJiaftique. ]Vf, Fleury^ neveyant
qu'un enfant qui n’ayoit-.pas qtiatprze atjs, crut
queM. Rellin plaifantcitj euqueFa tendre indulgence
pour la jeunelte ftudieufe lui faifoit illu-
fion. Croyez-moi, lui dit très-férieufement & très-
affirmativement, M.,Rollin, «attachez-vousce jeune
homme, & fuyez, fûr que vous me remercierez
» du préfent que je vôus|fais. » En effet, l'abbé
Fleury ne tarda pas à r.econnoitre quel tréfor fon
ami lui avoit découvert.; il avou.oit en toute occa-
fîon combien les étonnantes connoiffances de ce
jeunehommelui avoient été utiles pour fon Hiftoire
eccléfiaftique, Ayant., ëité phargé de l'éducation du
prince de.Conty, aïeul de celui d’ aujourd'hui,
il ne crut pas pouvoir mieux faire que de s’ affocier
dans cet emploi M. Adam ; &. le Prince fon é le ve ,
ayant fait un heureux effai de fes;talens, ne crut
pas à fon tour pouvoir mieux faire que de lui confier
l'éducation du, dernier prince ae Conty,fon
fils.Desraifonsd’ étiquet,te,dansla maifonduPrince
arrêtèrent un momenpfur ce projet: onnecroyoit
pas pouvoir..donner, à M. Adam le titre de gouverneur,
parce qu'il n'étoit pas gentilhomme : oh lui
propofoit. par .accommodement,,, de .prendre l ’habit
eccléfiaftique ; ce qui lerendrûit fufceptible de
tout titre. M. Adam, aufli ferme que modefte ,
répondit: « Mes parensm'avoient deftiiié à cet
» état; mais ne. m’y étant point ferjti appelé,, je
» me croirois coupable d'en prendre^ le mafque
» pendant dix années par des vues d'intérêt. » M. le
prince de Conty paffa par-deffus la difficulté, facvi-
fia l'étiquette,,& aima mieux, dit M. d'Alembert,
■■ donner pour.gouverneur à fon fils, un fage qu’ un
» gentilhomme. « ; ; .r -, ;
Feu Mi le prince de Conty , Prifiee plein d’e f
prit & furtout de grâces, ne prenoit dans fon enfance
aucun goût à l’étude du latin, ce qui neft
pas fort étonnant, & M. Adam le fils &M . d Alem-
bert ont foin de nous avertir que ce n'eft pas?aù
gouverneur qu'il faut s'en prendre j maisvce qui
étoit plus important encore que l'étudej M. Adam
s'appiiquoit furtout A ..exercer fon .elève aux aéfes
•d'humanité , à lui infpirer les vertus qui pouvoient
le fendre utile .& cher aux malheureux. ,C\étoit
toujours le jeune Prince , qui faifoit lui-rçiénie
la diftribution des aumônes. Un jour un pauvre,
vieillard lui demândoit quelque fecours., en, ajoutant
qu'// étoit bien malheureux. — V^ous êtes bien
malheureux ! dit le. jeune Prince. Ejl-ce que, vous
apprenez le latin? — Non Monfeigneur., 5— y pus
rtètes donc pas f i malheureux. J' en cànnois dé plus -nfii-
férabûs, « dit le Prince en: lui donnant cependant
1 aumône avec autant de .largèfîe que fi c e pauvre
eût eu le malheur d'apprendre le latin. «
L*éducation finie., M. le prince de Conty fit
M. Adam fecrétaire dé fes commandemens & chef
de fon confeil. Dans cette place, il jugea un procès
entre lès-villes dé Poitiers & de Niort, toutes deux
du gouvernement du Prineer iLjugea en favem
de Niort. Cette ville voulut lui témoigner farecon-
_;noiffanee par un préfent confidérable : M* Adam
le refufa conftamment & parut's'en offeafer.
Un négociant du Poitou, décrié par fes moeurs
& par fon caractère, voulut être maire de la ville
où il demeuroit} il étoit parvenu.à ufurper la pro-
teélion du Prince par ces voies fouterraines, toujours
fi bien connues des ihtrigans 5 mais M. Adam
favoit dans quel cas le Prince même voulo^ qu'on
eût ou qii’on n'eût pas d'égard a fa' protection : le
Prince PaVbit lâifle maître du choix dont il s agif-
foit 5 il donna la place à un honnête citoyén de la
même ville, qui ne l'avoit pas demandée. Le négociant,
outré de colère ,, fe plaignit au Prince, du
mépris ou’on avoit eu pourfaprotèétion, voulant
fe venger de M. Adam, il employa contre lui
toutes ces calomnies dontW ihtrigans ont toujours
ùn répertoire tout prêt pour përdre leurs ennemis.
Le Prince cependant écoutoit „ fe taifoit 8c écri-
voit ; il écrivôit à M; Adam',' & il chargea Faccu-
fateur de lui porter fa lettre ; le négociant ne douta
point que le-Prince,'frappé de fes raifons, ne donnât
à M. Adam uû'ordre, pofitif de révoquer fon
premier choix 8c de nommer le négociant : il porta
en triomphe la lettre à M. Adam ; elle commén-
çbit par ces mots : ‘A l‘ ouverture ae. cette lettre vous
Jcrp^ jeter lé porteur par les fenêtres : M’. Adam, toujours
doux 8c modefte , fe'c'pntenta dë faire lire
ce peu dé riants au négociant » 8c dp.l'exhorter à
d e v e n i r s 'i l pouyoit, moins ambitieux & 'moins
intrigant.
En 1734, M. le prince de Conty, âgé alors de
dix-fept ans, .fervit au liège de Philisbourg : la ,
pour donner l'exemple aux foldats, il couchoit fur
des chariots au milieu de toutes les incommodités
d'un fol humide & marécageux. M. Adam, l.'ac-
compagnoit, & ne crut pas que fon âge & fa foible
tante Fautorifafîent à être mieux couché que le
Prince j il fuivit en tout fon exemple & s'en trouva
fort-mal. Sur la fin de-la campagne, il fut attaqué
d'une colique néphrétique qui le conduifit au tombeau
le 11 novembre 173 y.
Il parut, en mourant, avoir des fcrupulës & des
: regrets d'avoir trop vécu pour les Princes & trop
peu pour fa famille. Je crams 3 difoit-il j <£avoir