
cette pairie réelle , commence fous Philippe-An- ’
giifte j mais cette obje&ion n'en eft pas une.
Ces douze pairs étoient les pairs du royaume ,
les pairs de France 3 relevant immédiatement &
nuement de la couronne , 8c compofant eflentiel-
lement la cour de France , la cour du Roi 3 la cour
des pairs par excellence.
Leurs vaflaux , qui n'étoient qu'arrière-vaflaux
de la couronne 3 fe nommoient aufli pairs entr eux 5
mais ce n’étoient point les pairs du Roi, les pairs
de France : c'étoient les pairs du due de Bourgogne^,
du comte de Champagne , 8cc. & de même
que les pairs dû Roi n'étoient pas pairs au R o i,
mais feulement pairs entr'eux, de même ces autres
pairs, pairs entr’eux feulement, n’étoient point
pairs aux feigneurs dont ils étoient les valfaux.
Il paroîtque le Roi étoit le feul qui eût des pairs
ecclefiaftiques.
Le troifième âge de la pairie eft celui de la pairie
de création , qui eut Heu lorfque quelques-unes
de ces premières pairies, dont Finftitution fe cache
dans la nuit des teins , ayant été réunies à la couronne
, les Rois en créèrent de nouvelles pour
remplacer les anciennes Le premier exemple de
ces pairies de création eft de l'an 1297, fous Fhi-
lippe-le-Btl, 8c cette création fut faite en faveur
de Jean, duc de Bretagne , de la Maifon de France,
de la branche de Dreux , les Rois n’ ayant d'abord
voulu créer ces pairies qu'en faveur des Princes de
leur fang.
Le quatrième âge de la pairie eft lorfque ces
créations de pairies furent étendues aux Princes
étrangers : le duc de Nevers, Engiibert de Clèves,
fut le premier en 1505, & le duc de G uife, Claude
de Lorraine , le fécond en 1527.
Le cinquième âge de. la pairie eft celui où , les
Rois étendant toujours de plus en plus la même
grâce, la pairie fut conférée aux Amples gentilshommes
, -c'eft-à-dirè, à ceux qui n'étoient ni
Princes du fang ni Princes étrangers. Le premier
gentilhomme français qui fi.it décoré de la pairie,
e ft, félon l'opinion générale, le connétable Arme
de Montmorenci, en 15 yr.
il y» avoit cependant avant lui deux exemples de
femblables créations.
L 'a n , qui précède même la pairie des Princes
étrangers, eft celui du duché de Nemours, donné
en 1402, par Louis X I , à ce même Jâcques d'Armagnac
auquel il fit trancher la tête en 1477. Nous
regard cils cet exemple comme hors de rang. A v oit-
on alors de F extraction illuftre de la Maifon d'Armagnac
, quelque notion qui engageât à lui déférer
un honneïïr encore réfervé à la Maifon de France?
ou regardoit-on la Maifon d’Armagnac comme
une puiffance étrangère, parce que fes domaines
étoient à l'extrémité du royaume & fur la frontière
? .»u enfin n’étoit-ce qu’un effet fîngulier de
la piîtftance 8c du crédit de cette Maifon & de la
politique de Louis'XI ?
Le fécond exemple ejj lereêrion de Roanne en
duché-pairie, faite par François I ,a u mois d'avril
1 f 19, en faveur de fon gouverneur, Artus de Gouf-
fier-Boify : cette érection n'eut point d’ effet, Artus
étant mort au mois de 'mai,fuivant.
La pairie de Montmorenci s’étant éteinte dans
la fuite, celle d’U fe z , créée en 1572 , îft aujourd’hui
la première des pairies laïques.
La création en général, qui fembloit d'abord
n'avoir pour objet que de remplacer les anciennes
pairies, multiplia un peu ces pairies laïques. Il
n’en fut pas de même des pairies ecclefiaftiques :
comme elles n'étoient pas fujètes à s'éteindre, elles
font toujours reliées les mêmes 8c au nombre de
fix : leur ancienneté remonte à la lèconde époque.
Lorfque la pairie eut été conférée à des feigneurs
non Princes, on fut plus frappé qu’ on ne l'avoit
été précédemment d’un abus qui fubfiftoit de terris
immémorial, & qurentraînoit bien des irrégularités
8c des contradictions. La pairie étoit la dignité
la plus éminente de l’E ta t, 8c les pairs pré-
cédoient tous les grands. Comme dans les tems les
plus voifins de HuguçsCapet,laféodalité formoit
la conftitution de l’Etat, on n'étoit point étonné
de voir les pairs, c'eft-à-dire, les grands valfaux
de la couronne, précéder même les Princes du
fang qui n'étoient point pairs , & le droit de pairie
l'emporter fur tout autre. Ainfi, dans le jugement
folennel rendu fous Philippe-A ugufte en 12 16 ,
concernant la fuccelfion au comté de Champagne,
Robert, comte de Champagne, 8c Pierre, comte
de Bretagne, tous deux Princes du fang & coufins-
germains du R o i, ne font nommés qu’après les
pairs , & que dans un rang inférieur. La pairie de
création fembla corriger en quelque forte cet abus,
en ce qu’elle ne fut d’abord conférée qu'aux Princes
du fang^j mais les anciens pairs les précédoient.
D’ ailleurs, tous les Princes du fang n'étoient pas
pairs, 8c ceux qui l'étoient, précédoient ceux qui
ne l'étoient p a s , même lorfque ceux-ci étoient
fupérieurs par le droit de la naiftance. Sous Charles
V I , le duc de Bourbon, oncle maternel de ce
Prince, préoédoit, comme duc 8c pair, les autres
Princes du fang, plus proches que lui de la coa-
* tonne , même le comte d'Alençon , qui étoit cependant
pair aufli, mais dans un ordre inférieur de
pairie. On fait avec quelle hauteur 8c quelle audace
îe duc de Bourgogne, Philippe-le-Hardi, le plus
jeune des fils du roi Jean, mais doyen des pairs par
fon duché, fe mit en pofieffion àè la première
place au feftin du. facre de Charles VI * au pré*-
judice du duc d’Anjou fon frère aîné,. régent du
royaume.
C e t intervertiffementdes droits de la nature entre
tes Princes du fang, 8c ce renverfement des droits
d’une race facrée, choquèrent bien davantage lorsqu’un
Ample gentilhomme, devenu pair, fut dans
le cas dé précéder des Princes du fan g , ou qui
n'étoient pas pairs, ou qui l ’étoient moins anciennement.
Enfin , Henri III, par fon ordonnance de
15763 donnée à Blois déclara tous les Princes dm
fang pairs nés, leur affura la préféance qui leur
étoit due félon l'ordre de primogéniture, furtout
ce qui peut naître ou paraître de nouvelles grandeurs
dans rÉta't, félon l ’expreflion de le Laboureur.
Une difpofition fi jufte n'éprouva aucune contra-
di&ion : le même hiftorien fait honneur aux pairs
de leur acquiefcement volontaire à cette loi.
« C 'e ft, dit-il, une marque de refpeél, glorieufe
» 8c honorable aux pairs, d'avoir confenti, en
as faveur des Princes du fang, de faire ceffer une
55 interpofition qui caufôit une éclipfe dans la Mai-
35 fon royale. 55 Le premier préfîdent, Chriftophe
de T hou , dit au R oi, au fujet de cette lo i , que
depuis l'avénement de Philippe de Valois à la
couronne, il ne s’étoit rien fait de fi utile pour la
conservation de la loi falique. Cette ordonnance
étoit furtout très-utile dans les conjonctures délicates
où l'Etat fe trouvoit alors . relativement à
la fucceflïon au trôn e, par l'éloignement fans
exemple du degré de parenté dans l'héritier, 8c
par tous les obftacles que la Ligue lui oppofoit fous
prétexte de religion.
Te l eft le fixième âge & le dernier état de la
pairie en France. De ces fix âges delà pairie, les
quatre derniers ont une époque certaine. Le fécond
âge celui de la première pairie réelle , héréditaire
8c féodale , quoiqu’ on ne puifle en déterminer
avec précifîon le commencement ni par
conféquent la durée, 11'en a pas moins été le plus
brillant de la pairie.
- Création des duchés héréditaires de France, avec U nom,
la date & la mort de leurs premiers pojfejfeurs.
U S E Z .
Antoine de Cruflol, vicomte d’U fe z , créé duc
en mai 1 y6y , 8c pair en janvier 1 y72 avec ex-
tenfion à fes frères 5 mortfans poftérité le 15 août
ï 57b
E L B E U F .
Charles de Lorraine , marquis d’Efbeuf, premier
du nom, fils d'un frère cadet de François de
Lorraine , duc de Guife, créé duc 8c pair en novembre
13885 mort en 1605.
M O N T B A S O N . '
Louis de Rohan, premier comte de Montbafon,
créé duc 8c pair en mai 1388 , avec extenfîon à
fes frères 5 mort fans poftérité le i er. novembre
IJ 96.
T H O U A R S .
Louis de la Trem a ille , vicomte de Thouars ,
créé feulement duc en iy6 5 5 mort le 2 j mars i J77.
Claude fon fils fut créé pair en 1 y95.
s U . L L Y .
Maximilien de Béthune, premier du nom, marquis
de Rofny, baron de Sully, maréchal de France,
créé duc 8c pair en février 1606 5 mort le 21 dé*
cembre 1641.
L U Y N E S E T C H Ê V R E U S E .
Charles d’A lb e r t, feigneur de Luynes, comte
de Maillé en Touraine , connétable de France ,
créé duc & pair fous le nom de Luynes , en août
1719 5 mort le i j décembre 1621.
b R 1 s s A c .
Charles de C o f le , comte de Briflac , maréchal
de France , créé duc 8c pair en avril 1 6 1 1 , mais
reçu feulement le 8 juillet 1620 5 mort en juin
1621.'
r i c h e l i e u e t f r o n s a c .
Armand-Jean Dupleflis, feigneur de Richelieu ,
Cardinal, créé duc de Richelieu en août 1631 ,
de Fronfacen juillet 1634, & pair la même année,
avec extenfîon à fes héritiers mâles 8c femelles5
mort le 4 décembre 1642.
a i g u i l l o n .
Aiguillon eft érigé en duché - pairie en 1638,
en faveur de Madeleine de.Vignerod , nièce du
cardinal de Richelieu, veuve de M. de Combalet,
avec cette claufe fingülièïe 3~ pour en jouir par ladite
Dame, fes héritiers & fuccejfeurs tant mâles que fe melles
, tels qu elle voudra choifir. En vertu de cette
claufe elle appela, par fon teftament de 1674, au
duché d’Aiguillon, Marie-Thérèfe fa nièce , à laquelle
elle fubftitua fon petit-neveu, Louis, marquis
de Richelieu, dont le fils , le comte d’Agé-
nois , a été déclaré duc d’Aiguillon par arrêt du
parlement de 1731 , contradictoire avec tous le*
pairs de France.
S A I N T - S I M O N .
Claude de Rouvroi, feigneur de Saint-Simon ,
premier gentilhomme de la chambre &’ grand-lou-
vetierde France, crée duc &pair en janvier-16355
mort le 3 mai 1093.
L A R O C H E F O U C A U L D E T L A R O C H E G U Y O N .
François V , comte de la Rochefoucauld & premier
duc dm nom, créé duc 81 pair en avril : 622 ,
mais reçu feulement le 24 juillet 16375 mort le 8
février i6yo.
François V I I I , comte de la Rochéguyon du côté
m a te r n e l8c la Rochefoucauld du côté paternel,
créé duc en novembre 1679, avec extenfîon à fes
defcendans mâles 8c femelles , puis de la Rochefoucauld
par. fuccelfion j mort le 22 avril 1728.
L A F 0 R c E .
Jacques Nompar de Gaumont, premier marquis
«de la Force, maréchal de :France, créé duc & pair
en juillet 16375 mort le 10 mai 1652.
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