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mais qui dans ce fentiment étoit dëfavoué par fa
fill^ Flavius j propre frëre d’Arminius, fe piquoit
d^être fidèle aux Romains j mais Arminius en étoit
dédommagé par Inguiomerfon oncle, qui nes'at-'
tachoit qu'à lui. Arminius, plus irrité encore contre
les Romains par l’ elpèce de captivité de fa
femme, & par F affront qu'il avoir eiïayé dans fon
expédition, contre Segeftes, foulève fes Chéruf-
C[ues, anime les Bruétères, fait prendre les armes
a tous ; & tandis que Germanicus, pénétrant juf-
qu a la forêt de Teuteberg, y rendait les derniers
devoirs aux déplorables reftes des légions HeVarus,
6 recouvroit quelques enfeignes romaines, ap-
pendues par les Germains dans leurs bois facrés,*
Arminius 1 attendoit, 6c l'attaqpoit au pafiagedes
bois & des marais, dans tous les lieux où les
chauffées rompues rendoient les chemins impraticables
& l'ordre impoflible à o b fe r v e r l'a tten tion^
continuelle du chef, & la parfaite difcipline
de l'armée fauvèrent les Romains, ou plutôt rien
ne les fauvaque le trop de confiance dés ennemis,
q u i, après avoir fait la première faute de les tailler
fe ranger en bataille dans une petite plaine, entre
des bois & des marais, firent la fécondé faute de
les attaquer tumultuairement dans ce pofte ré "
gulier , comme ils l'avoient fait plufieurs fois avec
fuceès dans des occafions où le local favorifoit ces
brufques attaques bc augmentoit le défordre. Les
Barbares furent repoulfés avec grande pe r te , &
Arminius y reçut une forte blefliire.
Mézeraÿ retrace, d'après T a c ite , la marche
pénible & périlleufe de deux légions romaines fur
le bord, de la mer, dans un moment où un vent de
nord violent foulevoit les flots avec excès, & où
la marée dé l'équinoxe d'automne,, la plus forte
de toutes celles de l'annee, & augmentée encore
par ce vent impétueux, couvroit des terres qu'on
avoit coutume de voir à f e c , tellement ( dit-il
avec une énergie toujours un peu incorrecte, mais
pittorefque , que fon modèle bien plus énergique
lui communique) , « tellement que tout étant
» inondé, derrière, devant, à l’entour d'eux, ils
« ne favoient quelle réfolution prendre. Les uns
» étoient dans l'eau jufqu'à la ceinture, les autres
à en avoient par-defius la tête. Ceux qui fe met-
» toient à la nage, ne faifoient pas le plus mal,
» parce que les flots pouffent à terre j mais ceux
« qui fe vouloient tenir fur leurs pieds, étoient
“ renverfés par le vent 6c par les vagues, ou bien
» ils tomboient dans des folfés, leur bagage &
*> leurs chevaux tout de même} il en périt un très-
» grand nombre......La nuit furvintlà-defiùs, non
m moins affreufe que la tempête, & toute pleine
M de défefooir pour des gens mouillés jufqu'aux
» o s , tranfis de froid, rompus , qui n'avoient ni
» couvert, ni pain, ni feu, ni foulagement. Mais
» le jour venant les dégagea de cette extrémité.»
Lux reddidit terram, dit bien plus énergiquement 7 acite. Mais fi Arminius avoit pu être inltruit de
h détxefle où fe trouvoient ces deux légions, il
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feroit accouru pour les joindre à celles de Varus.
L'armée de Germanicus avoit couru tant de
dangers , que des fuyards portèrent jufqu'à C o lo gne
la faune nouvelle qu'elle étoit entièrement
détruite. Sur leur rapport, les légions qui étoient
reliées dans ce polie pour garder le p on t& alfurer
le retour, délibérèrent de rompre le p ont, & de
fe retirer en deçà du Rhin. C e fut alors qu'Agrip-^
pine, fe montrant digne femme de Germanicus,
digne fille de Marcus Vipfanius Agrippa, alla de
rang en rang ranimer les courages abattus , réclamer
le relpeél 6c la foi dus à fon mari 6c à la
mémoire de fon p ère, portant dans fes bras &
prefentant aux foldats fon fils, le fils de leur général,
leur compagnon, n é , nourri parmi eu x ,
ne connoilfant d'autre patrie que leur camp. Hélas !
ce Prince, cet enfant que l'éloquente vertu de fa
mère rendoit alors fi intérelfant, cet enfant devoit
être Caligula.
Tibère apprit l’aCtion d'Agrippine, & dès-lors
fa réfolution fut prife de rappeler de la Germanie
Agrippine & Germanicus.
Cependant Germanicus vainqueur s'avançoit
vers fe bord du Wefer $ Arminius étoit à l'autre
bord j ce fut là qu'il eut avec Flavius fon frère
une entrevue , qui commença de part & d'autre
par des témoignages de tend refie, qui amena en-
fuite des reproches, 6c finit par dégénérer en
querelle & en provocation au combat. Flavius
avoit perdu un oeil à la guerre. Mon frère, lui
dit Arminius, qui t'a défiguré ainfi?
F l a v i u s .
Le fort des combats.
A r m i n i u s *
Et quel dédommagement en as-tu reçu ?
F l a v i u s ^
Des dons militaires, des marques d'honneur &
la confidération attachée à mes fervices.
A r m i n i u s .
Je ne vois là que des marques d’efclavage.
F l a v i u s .
. Je ne vois dans tes continuelles révoltes que
des marques d'inquiétude & de turbulence.
A r m i n i u s .
Et c'eft mon frère qui combat contre fon pays
& contre moi !
F l a v i u s ,
C ’eft moi q u i, allié des Romains, veux leur être
fidèle.
A r m i n i u s .
Dis plutôt qu'efclave des Romains, tu leurfa-
crifies ta patrie 6c ta famille.
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F l a v i u s .
Je prétends les fervir, en les engageant, en les
forçant, s’il le faut, à la paix, qui ne peut fê
trouver que dans la foumiffion.
A r m i n i u s .
C ’eft-à-aire, dans'l'èfclavage. Dure à jamais la
guerre fi la paix n'eft qu'à ce prix !
Ainfi de. difcours en difcours leurs efprits s'exaf-
pérèrent au point que Flavius, ne pouvant plus,
difoit-ii, fupporter tant d'outrages, demanaoità
grands cris un cheval & des armes pour courir à
la vengeance, tandis qu'Arminius, la menace à la
bouche & la fureur dans les y eu x , fembloit aufli
ne relpirer que la guerre.
Il eut bientôt fatisfaClion : l'armée romaine
pafla le Wefer > Cariovalde, avec la cavalerie des
Bâtaves, qui fervoient les Romains, gagna le premier
le b ord , & attaqua les Chérufques > ceux-ci,
recourant à leur fuite fimulée, ftratagême ufé,
mais qui réuflifloit toujours, attirèrent les Bataves
dans une petite plaine entourée de bois, qui n'of-
froit partout que des embufcades. Là fondant
tous a la fois fur les Bataves, ils les mirent en
pièces, 6c tuèrent Cariovalde leur c h e f , avec
toute la noblefle qui s'obftinoit à le défendre.
Mais bientôt Arminius eut fur les bras toute l'armée
romaine > il en foutint long-tems les efforts
avec le plus grand courage, ce Tout ce qui fe peut
» faire de la tête, de la v o ix , de la main, Armi-
» nius le fit en cette journée fes ordres, fes ;
» exhortations, fa valeur , en balancèrent le fort
•'» bien long-tems, » dit encore Mézeray en tra-
duifantTacite : Arminius, manu, ^voce, vulnere3fuf-
tentabat pugnam. Enfin grièvement blefîe, obligé
de céder au nombre 6c àla force, voyant de toutes
parts tomber autour de lui fes derniers foldats, il :i
fe barbouille le vifàge de fang pour n-être pas re- ;
connu, pouffe fon cheval avec violence à travers I
•le bataillon des Cauces , peuple germain, auxiliaire
des Romains > il parvient à le percer tout \
entier Sc à fe fauver. Quelques-uns ont Cru que ;
les Cauces l’avoient reconnu, 6c n'avoient pas |
été fâchés de le laifler échapper, foit par admira- ‘
tion pour la valeur 6c h gloire de ce grand homme, ;
foit afin qu'il reliât un tel défenfeur à la liberté 1
germanique. Cette fuite , prefque miraculeufe , j
rappelle ra dépofition de Saint-Preuil au fujet du •
duc de Montmorenci pris à Gaftelnaudari : cc Le
» tourbillon depouflière 6c de fumée qui s'élevoit I
» autour de lui m’empêchok dé le reconnoître 5 .
» .mais en voyant un feul homme mettre en défor-
» dre plufieurs de nos rangs, & prêt à fé faire
** jour a travers L’arméè entière ,j'a i bien jugé que
» ceuepouvoit êt-re que le duc de Montmorenci.»
On pouvoit dire de même d'Arminius : « Le fang
».dont il étoit couvert m'empêchoit de le recon-
»oioitre j m aisenvoyant un feul homme blefle,
» dégoûtant de fang, s'ouvrir un.chemin en per-
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» çant un bataillon entier, j'ai jugé que ce devoit
» etre Arminius.» Tacite dit qu’Inguiomer, oncle
d'Arminius, échappa par le même courage ou par
-le même artifice, flirtas feu fraus eadem Inguiomero
effugium dédit.
Lorfque les Chérufques eurent raflemblé leurs
débris, ils n'en virent que mieux quelle horrible
perte ils avoient faite dans la bataille du Wefer >
ils s'afiurèrent de l'impolfibilité de réfifter davantage
aux Romains, 8c ils ne fongeoient plus qu a
mettre l’Elbe entr’eux & ces redoutables ennemis,
lorfqu’ un trophée drefle de leurs dépouilles par
les Romains vint affliger & humilier leurs regards ;
ils ne purent foutenir ce fpedtacle , 8c la honte
! enflammant de nouveau leur co urage , ils ne voient
1 plus leur foiblelfe, ils ne voient que leur honneur
a réparer. Usfe retranchent de nouveau dans leurs
forêts j ils s'y mettent en embufcade > ils cherchent
à y attirer les Romains j mais Germanicus
n'étoit pas un général qu'on pût aifement furpren-
dre > il ne les perdoit pas de vue j il étoit inftruit
de leurs defleins & de leurs manoeuvres ; il marche
droit à eux , fe tenant toujours en garde contre
leurs brufques attaques & leurs fuites fimulée s ;
il force leurs retranchemens, les prefle dans des
lieux étroits où ils ne peuvent fe fervir de leurs
longues piques , ôc où le foldat romain, avec fa
courte épée 6c fon bouclier ferré contre fa poitrine,
combattoit à l’aife & avec avantage : la victoire
ne fut pas long-tems douteufe j les légions
n'eurent qu'a maflacrer fans obftacle. C'eft avec
peine qu'on voit Germanicus, courant de rang en
rang, défendre aux foldats de faire quartier, &
leur crier que le feul moyen de terminer la guerre,
étoit d'êxterminer entièrement cette nation opiniâtre.
C'eft le cas de dire :
Je rends grâces aux Dieux de n'êtrc pas Romain,
Pour conferver encor quelque choie d’humain.
J'aime mieux le grand Condé lorfqu'à Piocroî
i l mettoit autant de foin à conferver les reftes des
ennemis vaincus, que Germanicus en avoit mis à
les détruire.
« Quel fut alors, dit Bofliiet, l'étonnement de
» ces viëîlles troupes & de leurs braves officiers,
i» lorfqu'ils virent qu'il n'y avoit plus de falut pour
» eux qu'entre les bras du vainqueur ? De quels
» yeux regardèrent-ils le jeune Prince , dont la
» viétoire avoit rélève la haute contenance, à qui
» la clémence ajoutok de nouvelles grâces ?
‘Arminius h étoit point à cette dernière bataillé,
qui eonfomma la ruine de fon armée j fes blefiures
l'avoiènt mis hors d'état d'agir : c'étoit Inguiomer
qui comtïïandoît les Chérufques, & q ui, malgré
les ordres cruels dé GennaniCus, trouva le moyen
d'en fâ-ùvér une-partie. Gette partie fî fo ib le , &
qui devoit être fi découragée, tenta encore de
nouvelles éntreprifes lorïqu'on eut reçu la nou-
Yéîlè q-ùè Germanicus ayant envoyé par mer une