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grande maifon, fut- mife à. la tête de cellè-ei ,
comme elle avoit été a la tête de la maifon de
Ruél & de celle de Noify. 11 fe trouva qu'au, contraire
la fupérieure, avoit tous les talens , hors celui
de gouverner. Madame :de Brinon, dit l'auteur
des Mémoires de Maintenon, favoit le monde ,
les Pères de l’E glife, les. poètes } elle faifoit des
exhortations qu'on venoit entendre de toutes parts,
& que les courtifans comparoient, déjà pour l'élo- 1
quence, aux fermons de Bourdaloue ; mais elle étoit
d'une humeur inégale3 brufque, impérieufe, prodigue
3 avide de gloire & de biens.
Madame de Maintenon répandoit avec profulïon
les bienfaits fur madame de Brinon & fa famille 3
& lui prodigua les égards les plus flatteurs. Gelle-ci
devint une efpèce de favorite : le roi l’entretenoit
toutes les fois qu'il alloit.à Saint-Cyr5 elle étoit
en commerce avec les Princeffes , les miniftres 3
les cardinaux : on briguoit à l ’envi fon amitié,
prefque fa protection y elle commençoit à être
çmbarraffée de celle même de madame de Maintenon
3 qui 3 loin de la lui faire fentir 3 fembloit
redoubler de déférence pour elle. La religieufe
prenoitinfenublemment le goût du fiècle, celui du
commandement 3 de la liberté 3 des commodités 3 '
de la grandeur : les plaintes s'élevoient de tous
côtés î elles étoient appuyées par les fupérieurs.
Madame de Maintenon gémiffoit , patientoit ,j
exhortoit à la patience 3 pallioit le mal par des
moyens doux. En partant pour un voyage aeFon-,
tainebleau 3 elle prit des mefures pour maintenir
l'ordre pendant fon abfence.
Madame de Brinon tomba malade : madame de ■
Maintenon oublia tout, lui envoyaFagon, établit
dès couriers pour être informée d'heure en heure
de fon état. Le Roi l ’alla voir dans fa convalef-,
cence : cette faveur acheva de l’enorgueillir & de
la perdre. Sa santé revint & fe s caprices avec elle.
Madame de Brinon, fous prétexte de fanté, ‘
alla voir fes parens dans le Vexin, puis -, fans
attendre d’obedience, elle partit pour les eaux
de Bourbon. Son abfence apprit aux Dames de J
Saint-Louis qu'elles pouvoient fe gouverner elles-
memesw
Son voyage fut une marche triomphale. Elle
avoit deux carroffes à. e lle , & fouvent quatre de
fuite. Elle étoit précédée d'un hommé^qui faifoit
préparer les logemens :, les villes la complimen-
toient <a les villages fe mettoient fous les armes ::
àTéglifè on étendoit fous fes genoux un carreau
de velours. A Bourbon, on lui donna deç fêtes;,
©n lui rendit des foins, on lui fit des préfens , on
lui préfenta des placets. On rioit à la cour de ce
fafte royal d'une religieufe : on comparoit la protégée
avec la prpteCtrice, qui mettoit de la dignité
à to u t , mais qui plaçoit furtout-.la dignité dans
la modeftië,
« Apçès avoir été à Bourbon fix femaines, s'être
promenée quinze jours chez, fes parens, & s'être
laifïee adorer de toute-la Noblefle du p ay s , dit
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l'auteur des 'Mémoires de Maintenon, elle arrive à
Fontainebleau. Madame de Maintenon lui fait dire 1
de venir dîner avec elle. Peut-être avoit-elle l in- 1
tention de la gronder , mais elle ne la gronda
point. Le Roi même daigna lui parler avec eftime:
on attribua fes travers à l'ignorance d'une religieufe
qui avoit cru que tous lès honneurs étoient
dus à l'amie de l'amie du R o i , à la fupérieure de
Saint-Cyr 5 mais dans ce cas même il falloit du
moins l'inftruire : il parut bien qu'elle n'avoit pas été
inftruite 5 elle arrive à Paris & y féjourne tant qu'il
lui plaît. Son voyage n'étoit pas encore fini 5 elle
le termina par le trait le plus brillant. Marly &
Trianon vènoient d'être achevés : elle eut la cu-
riofité fort naturelle de les voir j mais ce fut la
manière de fatisfaire cette curiofité, qui tint véritablement
d'une Vice-Reine. Le Roi avoit établi
dans ces deux châteaux des officiers particuliers
dépendans de Bon-Temps î celui-ci fe piquoit d'un
grand attachement a madame de Maintenon, &
madame de Brinon jugea que les effets de cet attachement
dévoient rejaillir fur elle. En confé-
quence elle donne directement fes ordres à Bon-
Temps , lui marque qu'elle,ira le matin voir Marly
& après le dînerTrianon. Bon-Temps^ étonné d'un
ton auquelle Dauphin même ne l'avoitpas accoutumé
, mais preffé par le tems & n’ayant pas celui de I
recevoir des ordres de Fontainebleau, prit le parti I
d'obéir aux rifques, périls & fortunes de madame I
de Brinon. Elle fut iervie à dîner par les officiers I
extraordinaires du R oi: Bon-Temps lui fit les honneurs.^
Le lendemain on fut à Fontainebleau ce I
qui s'étoit paffé : madame de Maintenon fut ou- I
tré e , triais elle fè contint & exeufa fon amie.
19 Madame de Brinon réntre à Saint-Cyr, critique I
tout ce qui avoit été réglé pendant fon abfence I
par madame de Maintenon, de concert avec la I
communauté y lui mande à elle-même qu'elle a I
trouvé la maifon de Saint-Cyr dans un défordre I
affreux , & que ce défordre eft l'effet des préten-1
dus réglemens qu'on s'jeft ingéré de faire pendant I
fon abfence 5 en conféqüence;, elle détruit & bou-1
leverfe tout. Onia laine faire, en fe proposant de I
ne la pas laiffer faire long- tems. Enfin l'orage I
éclate, mais avec tous les ménagemens que ma-1
dame de Maintenon crut devoir à l'ancienne ami-1
tié. La marquife de Montchevreuil, amie de toutes I
les deux, & chez qui elles s'étoient connues^ ar-1
.rive à Saint-Cyr, prépare la fupérieure: à la nou-1
velle de fa dépofition , lui remet une lettre-de-1
cachet portant ordre de quitter la maifon leTen-1
demain , une obédience de l'évêque de Chartres I
fur le même objet, & une décharge de la fupério-1
rité. Pour adoucir l’amertume de, cette disgrâce,
elle lui annonce de nouveaux bienfaits de madame I
de Maintenon, de nouvelles faveurs du R o i, la I
continuation de l'eftime de l'u n , de l'amitié de I
l'autre. Madame de Brinon s’étonne , pleure, gé-1
mit, .ofréit. Elle demande îe fe c r e t , fait fermerl
fon appartement ,'cache fa difgrace à toute la mai-1
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ton, difpofe tout pour fon dépaft, fort le ^ d e main
matin fans être vue que de la portiere qu elle
embrafle, en lui dïfant qu'elle ne h quittait pas
pour long-temsy elle fe fit mener a Pans a l'ho- ,
tel de Guife, chez madame la ducheffe d'Hanovre, j
à qui elle fit part de fon aventure , & qu elle pria |
d’ecrire & d'agir pour la faire rétablir dans fa
place. La ducheffe d'Hanovre follicita, preffa ,
mfifta} mais les raifons qui avoient déterminé madame
de Maintenon étoient trop fortes pour quelle
ne fût pas inflexible. .
« Cette difgrace de madame de Brinon ne fut pas
une Ample révolution de couvent. La cour & la
ville y prirent part. Madame de Sévigné, dans
une lettre du 10 décembre 1688, dit : « Voici un
'» fa it . Madame de Brinon, l'ame de Saint-Cyr,
»l'amie intime de madame de Maintenon, n eft
» plus à Saint-Cyr ; elle en eft fortie il y a quatre
» jours j elle eft à l’hôtel de Guife y elle ne paroit
[ *> point mal avec madame de Maintenon, car elle
i » envoie tous les jours favoir de fes nouvelles.
; » Cela augmente la curiofité de favoir le füjet de
» fa difgrace. Tout le monde en parle tout bas ,
[ a» fans queperfonne en fache davantage. »
Dans une lettre du 15 y ellé ajoute :
: « Je né fais encore rien de madame de Brinon,
33 fi ce n'eft que le Roi lui donne 2Côo livres de
33 penfion. On dit qu'elle ira à Saint-Antoine. E lle
j »; prêchoit fort bien, comme vous favez.ss
« Ellé tenta, dit l'auteur des Mémoires de madame
33 de Maintenon , de fe retirer dans quelque maifon
33 religieufe de Paris, les trouva toutes dnfuppor-
33 tables, & alla à Maubuiffon, où elle s'établit à fa
33 fantaifie & fans dépendre de la communauté. Elle
I 33 y entretint un commerce affez v if avec madame de =
[ 33 Maintenon, qui la confola de fa difgrace par mille
[ 33 complaifances. Elle y mourut (en 1701 ) regret-
33 tant le monde,.Saint-Cyr & la vie. 33
BRULART. (Hiß. mod. ) Les articles Brulart
! & Sillery 3 dans le Dictionnaire, renvoient à Far-
I ticle Puifieux, où il n'y a qu'un mot infuffifant fur
j cëtte famille.
•i° . Le chancelier de Sillery eft fans doute le per-
fonnagé le plus célèbre qu’elle ait eu dans la ma-
[ giftratiire & dans lé miniftère. Il fut fait confeiller
; au parlement de Paris en 15 73, puis maître-des-
[ requêtes, puis préfident au même parlement de
| Paris en ifq.y. llrut trois fois ambaffadeur en Suifle :
i en 1589 fous Henri ll l j en 1 ^95 & en ié o i fous
Henri IV. llfutauffi ambaffadeuràRome, & dans
le cours de cette ambaffade il conclut le mariage du
Roi avec Marie de Médicisj mais fi l'on en croit
le duc de Sully , Sillery avoit travaillé d’abord à
négocier le mariage d'Henri IV avec la ducheffe
de Beaufort, qui l'avoit fait nommer dans cette
yue à l'ambaffade de Rome , & qui l’avoit affuré
dès-lors de lui procurer les fceaux & la dignité
dë chancelier. En 1598., il travailla utilement à la
conelufion de la paix de Ver vins, & il alla la faire
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ligner à Bruxelles à l'archiduc Albert. En 1604,
il fut fait garde-des-fceaux j en 1 éoy , chancelier
de Navarre y en 1607, chancelier deFrance. M. de
Sully y qui fe trouvoit affez fouvent en oppofition
avec lui au confeil, en parle quelquefois affez peu
avantageufement. 11 eft vrai qu'en général le chancelier
é to it, ainfi que Ville roi, favorable à l ’Ef-
pagne & aux Jéfuites, autant que Sully leur étoit
contraire : celui-ci attribue encore à des motifs
d'intérêt, à des réductions de gages & de pen-
fions, réductions que Sully avoit jugées nécef-
faires, l'éloignement de Sillery pour lui. Il accufe
le chancelier d'être entré dans ces intrigues , travaillées
de main de coiirtifans , qui a voient quelquefois
troublé l'amitié de Henri & de Sully , en
infpirant au premier contre le fécond d'injuftes
défiances. On peut regarder comme une efpèce de
correCtif à ce que ces imputations peuvent avoir
d’ un peu exceflif, le jugement que Hénri IV por-
toit de Sillery , & qui nous eft rapporté par Sully
lui-même :
« Sillery, difoit Henri, eft d'un naturel patient
33 & complaifant,merveilleufement fouple, adroit 33 & induitrieux dans toute la conduite de fa vie :
33 il a l'efprit très-bon 5 il eft affez verfé dans
33 toutes fortes de fciences & d'affaires de fa pro-
33 feffionj il n'eft pas même ignorant dans les autres ,
! »? parle affez bien, déduit & repréfente fort clai-
33 rement une affaire» nefi point homme pour frire
33 de malices noires , mais il ne laiffe pourtant pas
33 d'aimer grandement les biens & les honneur s , &r
»3 de s'accommoder toujours à tout pour en avoir".
3311 n'eft jamais fans nouvelles ni fans perfonnes
33 en main pour lui en découvrir \ d'humeur à ne
33 jamais hafarder légèrement fa perfonne ni fa
33 fortune pour celles d'autrui. Ses vértus & fes
33 défauts étant ainfi compenfés, ilm'eft facile d'em-
33 ployer utilement les premiers, & de me garantir
33 du dommage.des autres/33
Henri IV difoit aufîi qu'avec fon chancelier (de
Sillery ) , qui ne favoit point de latin, & fon connétable
( Henri de Montmorenci ), qui ne favoit ni
lire ni écrire , il n’y avoit point d'affaires dont iî
ne pût venir à bout. En effet, Sillery le fervit tres-
bien dans l'affaire de fon mariage,dans celle delà
paix de Vervins, & en maintenant les Suiffes dans
l'alliance delà France, affaire à laquelle on dit qu'il
employa pour lors une partie de fa fortune.
Nous avons vu des preuves de la foupleffe de
caraClère que Henri IV ôc Sully lui attribuent dans
les démarches qu'il avoit confenti de faire pour le
mariage de Henri IV & de la ducheffe de Beau-
fort. Lorfqü'après la mort de cette ducheffe, il eue
mis au lieu d'elle la princeffe de Tofcane fur le
trône de la France , & lorfau'après la mort de
Henri IV il la vit maîtreffe des affaires, on peut
croire qu'il n'eut pas moins de complaifance pour
j elle y qu'il lui facrifia aifément les maximes anti-
. efpagnolës du dernier règne , dont aufli bien il
. n'avoit jamais été le partifan y il fongea aufli à pro