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jaloux de faint Jean Chryfoftômé, & Ie fit de nouveau
condamner 8c chafler de Ton églife le lundi
io juin 404. Il fut exilé en Bithynie. La perfécu-
tion contre fes adhérens fut poulfée jufqu’à 1 ef-
fufion du fang. L'Orient trembla & fe tut ; "mais le
pape” Innocent I & les plus grands évêques de
l'Eglife d'Gccident s emprefïerent à confolerChry-
foftôme par les marques les plus flatteufes de leur
eftime & de leur vénération. L'empereur Honorius
écrivit en fa faveur à l'empereur Arcadiiis fon
frère ; mais l'afçendant d'Eudoxie fur ce foible
Empereur fon mari triompha aifément de tous
ces efforts. Saint C.hiyfoftôme fut transféré d'exil
en exil , de prifon en prifon, maltraité par les foldats
qui le conduifoient, & dont la fureur brutale
étoit animée par l'alïurance de plaire à l'Impératrice.
Il fuccomba enfin fous tant de maux &
mourut en route à Comane, le 14 feptembre 407.
G'eft un des Pères les plus iliuflres de î’ Fglife
d'Orient. Ses principaux ouvrages font fes Traités
du Sacerdoce, de la Providence, d e là Divinité
de Jéfus-Chrift ; mais c ’eft fiirtout par fes Homélies
qu'il eft célèbre. On a donné plufieurs bonnes 8c
lavantes éditions de fes oeuvres. La dernière eft
celle de dom Montfaucon , en treize volumes-in-
folio , & en grec & en latin. Celle-ci eft auffi la plus
complète3 8c la plus favamment ornée de préfaces
de notes, de variantes. On y trouve une vie de ce
faint doéteur. Cette vie avoit déjà été plufieurs
fois écrite} la première, par le doéteur Hermant -
janfénifte, ami de Port-Royal ; la fécondé, par
M. de Tillemont, dans fes Mémoires pour fervir
à l'Hiftoire eccléfiaftique.
.. Plufieurs des ouvrages de faint Jean Chryfoftômé
ont été traduits en français. M. Fontaine
de la fociété de Port^Royal, a traduit une partie :
de fes Homélies} Maucroix en a traduit une autre ;
l'abbé de Bellegarde a traduit fes Sermons choifis
& fes Opufculës j un P. de Bonrecüeil fes Lettres.
Sur 1 hiftoire de faint Jean C h ry fo ftôm é ( voyez
les articles Eudoxie 8c Europe dans le Diétionr !
naire. )
L'article Ckryfcftôme, dans le Dictionnaireavoit
été renvoyé à Jean, où il ne fe trouve pas.
CIV I LIS j TU TO R e t CLASS1CUS. (H îfi. ■
rom. & germaniq. ) C e que Florus Sc Sac-rovir
avoient tenté fous l’empire de Tibère en faveur
de quelques cités de'la Gaule, WmÊs\, Tutor 8c.
Clafiicus ( mais furtout le premier) l e ,tentèrent
pour toutes les Gaules, au milieu de la éonfufion
des guerres civiles, fous Vitellius & Vèfpafien.
Leur projet ne fe bornoit pas même à procurer la
liberteaux Gaules} ils nefe propofoient pas moins
que d'y tranfporterl'Empire.'Claudius-Civilisétoit
un grand feigneur de race royale 8c d'un crédit
puiifant chez les Bataves , nation moitié germant
que , moitié gatiloife , étant venue de la Germai.
ie, & s'étant établie en deçà du Rhin. Un
autre grand feigneur de la même nation, nommé |
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Julius-Paulus, qu’on croit avoir été fon frère, fut
fufpeêl,ainfi que lu i, aux gouverneurs romains, à
caufe de l ’amour de la liberté , à caufe du talent
& de l’audace que tous deux fignaloient en toute
occafion : ils furent donc arrêtés fous de faux prétextes
; Paulus fut mis à mort, 8c Civilis envoyé
à Néron, qui le retint prifonnier. Relâché par Galba,
il retomba encore dans de nouveaux dangers
fous Vitellius, les foldats romains, qui avoient
quelque preffentiment ou quelque foupçon de ce
qu'il tramoit, ayant demandé fa tête. 11 comman-
doit pourles Romains la cohorte des Bataves, ce qui
l'expofoit d'autant plus à ces mortelles défiances,
il vit qu'il n'y avoit pas d'autre moyen de s'en garantir
que de les jultifier, & que fon intérêt per-
fonnel étoit d'accord , fur ce p oint, avec l'intérêt
Srl'honneur de fa nation. D’ailleurs, à quel maître
étoït-on alors obligé d'obéir ? Depuis Néron , il
n'y.avoit point eu de pouvoir fixe, ftable & généralement
reconnu : les Empereurs ne fa-ifoiènt que
paffer fous les yeux comme des ombres fugitives,
l'Empire romain, agité par tant de convulfions
diverfes, fembloit prêt à s'écrouler :
- Ce coloffe eft.ayanr, donc le monde eft foulé ,
En p reliant l'Univers eft lui-même ébranié.
Il panche vers fa chute.
- C ’eft ainfi que Civilis le voyoit, & qu’il le faifoit
voir à fes concitoyens 8ç aux autres peuplades,tant
germaniques que gauloifes, dontil étoit environné,
& qui entroient dans Ies mêmes difpofitions, nommément
aux Caninéfates 6c aux Frifons. C e Civil
s nJavoit rien de barbare que la fierté , l ’audace
l'amour de la liberté qui diftinguoient .ces nations
réputées barbares ; il ne le cédoit d'ailleurs
ni en vertu guerrière , ni en connoiftances militaires,
ni en talens pourles négociations, aux plus
habiles d’entre les Romains. L’auteur de l’Av/int-
Clovis lui trouve des rapports avec Annibal M avec
: Sertorius, non-feulement parce qu'il avoit perdu
comme èux un oeil à la guerre , mais parce qu'il
étoit comme eux fécond en ftratagêmes & en ref-
iburces. ;
Il profita d’abord habilement de la conjonêlure
■ de la guerre civile allumée entre Vefpafien &: V itellius}
il parut fe dévouer au parti du premier,
pour avoir un prétexte de combattre l'autre. On
faifoit "alors dans la G ermanie 8c dans les Gaules
des recrues au nom de Vitellius. Les vicieux agens
de ce vicieux Empereur excitoient de juftes murmures,
fà par ces levées ^même, 8c par la manière
dont ils les faifoiënt 5 ils y employoient prefque
toujours, oulafratide, ou la violence} tous les en-
rôlernens étaient fo rc é s ,-& ils n’enrôloient que
des vieillards par avarice , pour leur vendre enfuite
•leur liberté, ou que dés jeunes gens d'une figure
tiès-diftinguée,■■ par des motifs-plus infimes encore
& plus corrompus. Lorfque-Civilis vit les
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peuples difpofés à ne plus fouffrir ces indignités,
fl aftembla leurs principaux chefs dans un bois fa-
eré, où il leur donna pendant la nuit un grand festin..
L à , quand il les voit échauffés par le vin &
la bonne-chère, 8c devenus par-là.même plus capables
d'une réfalution courageufe, il leur remet
devant lés yeux tous les outrages qu'ils avoient
reçus des Romains, & les exhorte à une vengeance
qu'il leur repréfente comme également facile 8c
honorable. 11 les y engage par les fermens les plus
folennels, accompagnés des. exécrations les plus
terribles. Animés par cette éloquence martiale ,
chefs 8c peuples brûlent de le fuivre. Les Caninéfates,
pour mieux braver les Romains , mettent à
leur tête un grand feigneur de leur pays, nommé
Brignon , homme hardi & brutal, 6c igrtoiit fils
d'un père qui avoit fait la guerre aux. Romains, &
qui n'avoit jamais diffimulé fon mépris pour les
extravagances de Caligula. Cette, conduite du
père fit elire le fils, bien plus que les talens non
encore éprouvés de celui-ci. Les Caninéfates, joints
aux Frifons , fondent fur lés cohortes romaines
éparfes en divers forts le long des côtes de la mer;
les unes font enveloppées, emportées ou défaites}
les autres fe fentant hors d'état de réfifter, brûlent
leurs forts & fe rëtirept. Civilis, qui ne s'étoit pas
encore déclaré, même contre Vitellius , rappelle
les chefs de ces cohortes a leurs polies , leur afL'
fure que le foulèvement des barbares rr'eft rien }
qu'il l'auroit réprimé avec fa feule co-horte , qu'ils
en ont conçu trop d’allarmes, que la retraite feule
des Romains pourroit donner de Eactivité à ces
mouvemens, &: du poids à cette entreprifelégère.
G étoit pour furprendre les Romains-dans leurs
polies , qu'il cherchoit ainfi à les y ramener} il
efpéroit les vaincre plus aifément ainfi dilperlés
en divers pelotons, que raffemblés en un corps
d'armée} mais lés Germains, dans l'ivreffe de leurs
fuccès, s'étant trahis & l'ayant trahi, Civilis fut
obligé de fe déclarer, non pas encore en fon nom,
mais au nom de Vefpafien. S'étant donc mis à la
tête de fes Bataves, il attaqua les Romains en qualité
de Vitelliens ; une cohorte de Tongres, qu'il
avoit pratiquée d’avance , paffa du côté des Bataves
au moment même du combat, & les Romains
, affoiblis par cette défeêlion, furent battus ;
ils s'attendoient à être foutenus par vingt-quatre
de leurs galères qui rafoient les côtes pour être à
portée de leur fournir les fècours nécefiaires ; mais
la plupart des rameurs étoient Bataves,et ils avoient
aulli été féduitspar k s Bataves:ils feignirent d’abord
de la mal-adreffe & , comme dit Mézèray,
une malicieuje lourdije, pour troubler le fervice des
foldats & des matelots} enfuite fe montrant ouvertement
rebelles ils tuèrent leurs capitaines &
leurs officiers. Les fuccès de Civilis aevenoient
impofans, de attiroient à fon parti un enfouie de
Germains 8c de Gaulois; il faifoit porter devant
fon armée les enfeignes des cohortes qu'il avoit
vaincues ; il menoit à l'arrière-garde fa mère 8c fa
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f o e u r i l vouloir qu'à fon exemple, fes foldats
fulfent fuivis de leurs femmes, de leurs enfans,
de leurs parens les plus chers, pour redoubler en
eux l'ardeur de la viétoire, &pour les retenir par
le frein de la honte & par un fi puiifant intérêt,
s'ils étoient tentés de fuir. C e moyen lui réuffit :
bientôt il préfenta de nouveau la bataille aux Romains
; le cri militaire, q ui, félon l’ufage, fut
pouffé d'abord départ 8c d'autre,.fit préfager l'if-
fue du combat. Le chant des foldats bataves, les
hurlemens furieux de leurs femmes, annonçoient
l 'allé greffe , la réfolution 8c la confiance ; le cri
qui partit du camp romain n'eut pas la même vigueur
: leur épouvante fe faifoit déjà connoître à
la foibleffe de leurs voix. Il reftoit encore affez de
Bataves fidèles en apparence aux Romains pour
former une aile prefqu'entière dans l'armée romaine
; cétte aile , au moment de la bataille, fe
tourna tout-à-coup du coté de Civilis. A cette vue
toutes les cohortes auxiliaires lâchèrent pied : il
n'y eut que les légionnaires qui tinrent ferme, 8c
qui firent leur retraite en bon ordre dans le camp
de Vetera. Dans le même t'ems, de vieilles cohortes
de Caninéfates 8c de Bataves que Vitellius
avoir mandées-, & qui étoient en chemin pour fe
rendre à Rome, ayant appris les fuccès de leurs
compatriotes^revinrent fur leurs pas pour fe joindre
à eux. La garnilon de Bonn ayant voulu leur fermer
le pafîage , fut repouffée & défaite par ces
cohortes, qui exécut- rent enfuite fans obitacle la
jonction projetée. Civilis fe v it alors en état d'af-
fiéger les légions romaines dans leur camp de V e tera
; il commença par les fommer de prêter ferment
à Vefpafien, en attendant qu il p Et exiger ce
ferment pour lui-même. Les légions répondirent
qu'elles n'avoient ni ordre ni confeil à prendre
d un ennemi & d'un traître, que Vitellius étoit
feül Empereur, 8c, qu’elles lui feroient fidelles.
Civilis effaya de forcer le camp , 8c y donna plufieurs
affauts ; mais obligé d'abandonner ce projet,
il fe contenta d’y tenir les légions bloquées, 8c
fe propofa de les affamer ; il continua de remporter
divers avantages quifortifioient de plus en plus
fon parti; mais enfin celui de Vitellius-étant entièrement
abbatu , 8c Vefpafien étant abfolument
fans ennemis dans la Gaule 8c dans la Germanie ,
les généraux romains fommèrent Civilis de fe dé-
fiiler d'une guerre qui devenoit fans ob je t, puisqu'il
ne i'avoit , difoit-il, entreprife que pour les
intérêts de Vefpafien. Çe.t argument fans réplique
étoit fort embarraftant pour Civilis, 8c la chute
trop prompte de Vitellius lui enlevoitle feul pré-,
texte, à la faveur duquel il pût fuivre fes projets.
Forcé de fe déclarer, il ne s'ouvrit d'abord qu'avec
précaution à ceux qu’il efpéroit d'attirer au parti
de la,liberté, c'eft-à-dire, au fien; il donna de
belles paroles aux autres, ne fongeant qu’à gagner
-du tems ; il féduifit beaucoup de Gaulois ,
quelques Romains même', mais comme il ne Ievoit
toujours poinç le fiége de Vetera , V o cu la , gé