
lemi. La veuve de Paul & Barthélemi fon fils
relièrent enfermés & enchaînés dans la fortereffe
de Trezzo. La mère de Barthélemi eut l ’airelle
de s’échapper avèc lui de cette place. Il erra d’abord
dans les cours de divers feigneurs ou petits
tyrans de l ’Italie , tels que Georges Berizone, fei-
gneur de Crème ; Philippe Arcello, feigneur de
Plaifance ; celui-ci, dont il étoit page, prit plaifir
à linftruire dans Part de la guerre, & bientôt le
difciple l’emporta fur le maître. 11 fervit enfuite
fous quelques-uns de ces chefs de bandes, dont
l ’Italie étoit remplie. Les troubles de Naples, fous
le règne de Jeanne I I , fournirent une ample matière
à fon courage 5 il offrit fes fervices à cette
Reine, & lui en rendit de fi effentiels, que Jeanne,
pour en conferver la mémoire, ajouta plufieurs
pièces aux armes de la Maifon Colléoni. Le Pape
avoit perdu Bologne 5 Colléoni la lui rendit. Il
Commanda les armées, tantôt des Vénitiens contre
les ducs de Milan, tantôt des ducs de Milan contre
les Vénitiens, & il fit toujours triompher le
parti qu’ il fervit. 11 battit plufieurs fois les Français
, que leurs liaifons avec les Vifcontis & leurs
droits fur Naples attiroient fouvent alors en Italie.
Ferdinand, roi de Naples, les Florentins, le duc
de Milan, Galeas-Marie Sforce, c’eft-à-dire , le
milieu & les deux extrémités de l’Italie, ayant
formé une ligue formidable à la liberté dé cette
contrée, & raflemblé des troupes nombreufes,
Colléoni écrafa ces forces, & diflipa cette ligue
<lans les champs de la Romagne. Tous les Souverains
cherchant à l’attirer ^ lui faifoient à l’ envi des.
•offres, despréfens, des promeffes, fûrs que c’étoit
fixer chez eux la viéloire. Blanche-Marie, ducheffe
de Milan, veuve de ce François Sforce, grand
capitaine & grand Prince qui avoit conquis le
Milanez , & l’avoit bien gouverné , Blanche-Marie
ânvitoit Colléoni à venir défendre & gouverner
<ës Etats. Le pape Pie II lui offiroit le gonfalon de
l ’Eglife. La république de Sienne efpéroit jouer
un rôle en Italie fi ce général ne dédaignoit pas
•de la protéger. Louis X I , avare par caractère, &
•quelquefois prodigue par efprit d’intrigue , lui
offiroit cent cinquante mille écus d’appointemens,
<Ies titres, des dignités, de grands etabliffemens ;
mais ce fut la république de Venife . qu’il devoit
fervir, & qu’il fervit le plus conftamment. Il étoit
né fon fujet, & elle acheta fes fervices par autant
«d’honneurs, d’ égards & de bienfaits que fi elle
n’avoit eu aucun droit à ces mêmes fervices. En j
I4 y8 , le doge, enpréfence de la nobleffe & du
fénat, aux grands applaudiffemens du peuple,
remit à. Colléoni, dans l’églife de Saint-Marc, lé
bâton de commandement des armées vénitiennes,
avec une autorité telle qu’ aucun général n’en
avoit eu jufqu’ alors & n’en obtint dans la fuite.
Son nom fut infcrit dans le livre d’or de la liberté
de Venife. Pendant vingt ans qu’ il exerça cet ém-
p lo i, il rendit la république refpeétable & redoutable
à tous fesvoifins. Nul n’ ofoit attaquer un Etat
dont ce général entreprenait la défenfe. Paul I I ,
en 1468, fit une ligue générale de toute la chrétienté
contre les Turcs; Colléoni en fut nommé
le généraliffime ; mais le Pape mourut, & la croi-
fade n’eut point lieu. Toujours quelque Souverain,
quelque république, faifoit des tentatives pour
attirer Colléoni, & toujours Venife alarmée ajoutait
a fes bienfaits pour le retenir. Cha'rles-le-Té-
méraire, duc de Bourgogne, ce fameux rival de
Louis XI, profita d’un moment où Venife, en paix
avec tous fes voifîns, fembloit pouvoir fe palier de
Colléoni, pour couvrir les offres de tous fes con-
currens par des offres plus avantageufes ; mais
Venife crut avoir obligation à ce général de la
paix dont elle jouiffoit, & craignit de la perdre
fi elle le perdoit. Les Souverains renonçant enfin
à le féduire, fe bornèrent à l’honorer. Le roi de
Sicile, René d’Anjou, veut qu’ il joigne à fes armes
celles d’Anjou. Charles-le-Téméraire y joint auffi
celles de Bourgogne.- Chriftiern, roi de Danem
a r k , dans fon pèlerinage à Rome, rendit à
Barthélemi l’hommage de le vifiter. L’empereur
Frédéric III, voulant auffi fe rendre à Rome , prit
un fauf-çonduit de Barthélemi, comme du feul
garant de la fureté de l’Italie. Nul Monarque ne
voyageoit dans cette contrée fans aller voir celui
qui en faifoit l’ ornement. Il le faifoit en effet autant
par fa magnificence que par la gloire de fes
! exploits. Il tenoit dans fon château de Malpaga ,
fur le territoire de Bergame, une des plus brillantes
cours de l’Europe ; & en voyant un grand
homme , on croyoit encore voir un grand Prince
& un Prince utile. Le nombre de fes fondations
pieufes ou bienfaifantes, de fes établiffemens nobles,
vaftes, falutaires, égale celui de fes combats
& de fes viétoireS, & à ce titre-là feul il feroit immortel.
C et homme étoit en tout extraordinaire
& fupérieur aux autres hommes. Sa force furpaf-
foit la vigueur humaine. Son agilité étoit encore
au deffus. Armé & cuiraffé,;il devâüçoit à la
courfe les hommes les plus légers. Défârmé , il
fuivoit un cheval au galop. Son efprit effaçoit en
pénétration & en vivacité les efprits ordinaires, &
il n’avoit pas négligé de le cultiver par lës lettres
& par la converfation des favans. 11 mourut dans
fon château de Malpaga, le 3 noveiùbre 1475.
Venife ne l’apprit que trop tôt par le moyen de
canons difpofés de diftance en cfiftance ; il avoit
augmenté & perfectionné l’ ufage de l ’artillerie,
art qui jufqu’ à lui étoit refté dans une longue enfance.
Quatre mille foldats, qui avoient fervi fous
lu i, ne voulurent plus reconnoître d’autre chef;
ils continuèrent de-combattre, en fùivant les ordres,
les leçons, les exemples de leur grand général
qui n’étoit plus. Ils obéiffoient à fon ombre.
Le fénat lui fit eriger dans la. place de Saint-Jean
& de Saint-Paul, à V enife , une ftatue équeîlre
de bronze doré, qui paffe pour un ouvrage exquis,
& qui eft au rang des raretés de l’ Italie. On. y lit
cette infcription :
Bartkolomeo Colcono
Bergamenfi
Ob militare imperium
Optime gefium
Senatus Confultus
Joanne Mauro
Et Marino
Venerio
Curatoribus.
Anno falutis
H 75-
Plufieurs autres perfonnages de la Maifon C o lléoni
fe diftinguèrent, & avant & après Barthélemi.
De fon tems même Bénédiêt Colléoni rendit,
comme lu i , de grands fervices à la république de
Venife, & acquit la réputation d’ un vaillant capitaine.
11 fit la guerre pour les Vénitiens contre les
Turcs dans laM orée , vers le milieu du quinzième
fiècle, & contribua beaucoup à la prife de Mifitra,
autrefois Lacédémone. Il fut tué dans cette expédition.
Gafpard & Perfaval Colléoni combattirent
avec gloire fous les drapeaux de Barthélemi.
Bertrand & Thomas Colléoni furent auffi des
capitaines fameux ; ils fe fignalèrent auffi contre
les Turcs : on les comparoir.aux anciens Grecs,
dont on leur attribuoit le courage.
Un Alexandre Colléoni étoit regardé comme
le rival du célèbre Barthélemi. On l’appëloitmême
le grand Barthélemi, apparemment parce qu’i l avoit
fur lui quelqu’avantage pour la taille ; car qui pou-
voit d’ ailleurs furpafler Barthélemi ? : t
Jean-Antoine Colléoni, capitaine d un vaiffeau
armé par la ville de Bergame, fit des prodiges de
valeur à la bataille de Lépante, en 1571.
Les Colléoni eurent auffi des gens de lettres :
Maurice Colléoni,général des Céïeftins, en 1585,
qui réforme le bréviaire & les hymnes de fon
Ordre.
Valérien Colléoni, auteur d’un Traité Délia
Grandeur a diChrifio.
Céleftin Colléoni, capucin , prédicateur célèbre
& auteur de divers ouvrages, entr’ autres d’un
recueil des monumens facrés & profanes les plus
remarquables de Bergame. C e livre fut publie en
1618.
CONAN. ( D i fl. de Bret. ) Pendant que toutes
les puiffances de l’Europe s’empreffoient de féconder
l’expédition de Guillaume-le-Bâtard, duc
de Normandie, en Angleterre, fans confidérer les
divers intérêts qui dévoient les en détourner, Co-
nan, comte de Bretagne , fut le feul qui ne s’aveugla
point. Petit-fils, par fa mère , du duc de
Normandie , R ob ert-le - Diable , il' prétendit,
comme tant d’autres concurrèns vaincus par Guillaume,
être préféré à un bâtard ; mais il fut mieux
prendre fon tems : il réclama la Normandie au moment
où Guillaume réclamoit l’Angleterre. Il étoit
difficile que la France ne fécondât point une demande
faite fi à propos, & qui,au lieu d’un vaffal
que la couronne d’Angleterre alloit rendre trop
redoutable , lui eût donné, dans la perfonne de
C on an , un vaffal ordinaire & d’une puiffance
bornée. Conan propofoit un arrangement qui eût
pu fatisfaire tout le monde, en laiuant à la valeur
des chevaliers cette occafion de s’exercer, dont
elle paroiffoit fi jaloufe; il demandoit que la Normandie
lui reliât fi Guillaume conquéroit l’Angleterre.
Guillaume, fans lui’répondre, continua
fes armemens ; Conan mourut ( 106 6 ) . On peut
croire que Guillaume fut accufé de cette mort.
Hoël, beau-frère & fucceffeur de Conan, ne parla
plus delà Normandie, & s’ occupa,comme le relie
de la nobleffe françaife & étrangère , de l’expédition
d’Angleterre, où il envoya fon fils-, Alain.
Fergent, fervir fous Guillaume avec cinq mille
Bretons.
CORONË. ( Hifi. litt. mod. ) Denis-Arron, Charron
ou C o ron é , nommé profeffeur en grec au
Collège-Royal par des lettres de François I , données
en 154 5, n’ en eft pas plus connu, quoique
Léger Duchêne voye fon étoile briller au ciel dans
la couronne d’Ariane, parce qu'il fe nommoit
Coroné.
Vefcitur & dulci ambrofiâ poft fata , Corons,
Jam nova Gnofiaco in fidere ftella micans.
Coroné étoit de Chartres. On dit qu’il s’occupa
d’une traduction de Chalcondyle, qui n’a pointparu.
Il dédia au roi François I une édition du Traité
d’Aftuarius; médecin grec, fur la composition des
drogues médicinales.
CORNU ( Laurent) . ( Hifi. de laRéf. ) Dans
le tems où la Réforme s’établiffoit & prenoit des
forces, même en France, un dominicain apoftat &
renégat, nommé Laurent Cornu, natif de Rouen,
avoit époufé deux femmes. U fut pris à Lyon, &
condamné à être brûlé. Le parlement confirma
cette fentence.. C e malheureux fut dégradé par
l’ archevêque de L y o n , prêché publiquement par
un chanoine de Notre-Dame, livré aux infiltres
de la populace & brûlé v if à la place Maubertà
Paris. Il voulut haranguer l’affiftance: on le lui
permit d’abord, mais on lui impofa bientôt filence ,
& les flammes lui étouffèrent la voix. Le dernier
mot qu’on entendit, fut le nom de Jéfus, foit que
la pieté le lui diCtât, foit que la douleur le lui
arrachât. Cet homme étoit coupable fans doute.
Remarquons cependant qu’ on ne le condamnoit ni
pour fon apoftafie, ni pour fon libertinage, mais
pour fon héréfie. Ses crimes auroient été punis
d’une peine plus légère : il fut brûlé pour fop
erreur.