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On voulut cependant agiter la queftion fi le j
chef & fa troupe dévoient être regardés comme
'de vrais prifonniers de guerre ou comme des,
malfaiteurs qui s’étoient propofé d’infulter le .
Prince au milieu de fa cour. M. le Premier erri- j
ploya tout fon crédit pour obtenir que fes ravif-
■ feurs ne fuffent point punis ; ils ne furent retenus
que par des fêtes & des fpeéhclës ; où ils étoient
eux - mêmes un fpeétacle & un grand objet de ;
cutiofité ; *' ils repartirent enfin avec de bons
r> palfe-ports & chargés de.préfens qui excédaient
w' une fimple"rançon. »
M. de Beringhen avoit beaucoup de goût pour
les arts, •& c.’étoitençorè un dés articles furlefquels
il jouiffoit de toute la confiance de J puis XIV. il
étoit confulté furies embelliffemens de Verfailles,
fur le choix & l’ordre dès ftatues, des va fes, des
groupes j fur Jes ornemens des fontaines, des
bofqüets fur la décoration des appartemens &
des jardins. Quand les.. Lebrun, les Girardon,
les Lenotre,les Man.fards, faifoient voir au f oi
quelque p rojet, quelque plan qui lui plaifoit :
lela me parait beau ^'difoit-il.ije crois que'M. Le l're-
rnier-en fera bien content.
Lorfque l’Académie des inferiptions, q ui, dans
l'origine, compofée feulement de quelques membres
de l'Academie fiançaife, s’occupoit prefque
uniquement de ces mêmes objets, reçut line plus
grande exiftence , embrafla la carrière entière de
PKiftoire & desl.ettres, & fut augmentée jufqu'au
nombre de quarante Académiciens, dont dix honoraires
, M. le Premier eut une de ces dix places
d'honoraires» il fut en quelque forte, dit le fecré-
taire de l'Académie , il fut 1 Académicien de. la
courj il y rempliiïoit lui fei.1 prefque toutes les
fonctions de l'ancienne Académie.
U avoit joint à un cabinet d'excellent livrés, le
lus ample & le plus beau recueil d'eftampes que
on connut.
Attaché à tous fes Hévoirs, zélateur du bien
public, il y facrifi oit non-feulement fon tems & fon
repos., mais, quand il le falloir, fon propre bien.
L'niftorien de l'Académie des belles-lettres lui
rend le témoignage q u e , dans des tems difficiles,
il a fait fuhfifter à fes dépens la petite écurie,
confiée à fes foins , & qu'il fuppléoit de fa bourfe
à la modicité des appointemens de ceux qui étoient
employés foüs les ordres*
U ne fut pas plus négligé fous la régence que
■ fous Louis X IV } il fut d'abord nommé à la- première
place de confeillér dans le confeil du dedans
du royaume } il eut enfuite la direction générale
■ des ponts & chauffées.
jl mourut le i er. mai 1722 : il étoit né à Paris
au petit Bourbon, le 20 octobre ié y i ; il avoit
.cpoi.fi eh 1677 Marie-Elrfabeth d’Aumont, peti ternie
du maréchal d'Aumont & du chancelier lè
:Te f er. 11 a biffé néuf enfans, dont trois fils, def-
quels deux ( l’ aîné &. le .troilîème ) ont poffédë
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fucceffivement la charge de premier écuyer } le
fécond fut. évêque du Puy.
BERT AUD & CO U R AU T . (Hiß. de laréform.)
La reine de Navarre, Marguerite de V alois, foeur
de François 1 ( dans lé Dictionnaire, les
articles Marguerite , Al/ifon , Béda , Lefeyte d'Etab
le s ) , gémiffoit des cruautés que les théologiens
forçoient François î à exercer contre les malheureux
Proteftans; elle fut elle-même attaquée dans
fa fo i, & obligée de fe juftifier. Le Béarn fervoit
d afile aux favans fk aux frétaires On 1 accufa
d’avoir trop de confiance en Gérard Houfftl, de
trop lire la Bible dans 1 efprit des nouvelles fettes,
d’avoir compofé un drame tiré du Nouveau-Tefta-
-mènt, Ôt de l avoir fait reprifenter par une troupe
de comédiens qu'elle avoit fait venir d'Italie ; de
leür avoir permis quelques plaifimréries un peu fortes
contre les moines & les fcholaftiques, d’avoir
fouffert dans fon appartement des déclamations
plus férieufes contré le Pape & le Clergé. Le roi
de Navarre, féduit par elle , affiftoit, difoit-on,
dans fon palais, à une efpèce de cène ou de manducation
z la manière des Proteftans. La reine de
Navarre avoit un livre de prières traduites en
français par l ’évêque de Senlis , Guillaume Petit,
devenu fufpeét aux zélés par fon indulgence} elle
avoit voulu introduire, même à la cour de fon
frè re , une efpèce de liturgie qu'on appeloit la
Mejfe à Jeptpoints , parce qu’on s'y éeartoit en fept
points des ufages del'K glifs romaine. Elle donnoit
un afile au fameux Clément Marot, que l ’officia-
lité de Chartres avoit décrété de prife-de-corps.
file avoir pour prédicateurs deux Auguftins hommes
Bertaud & Coura t : la Sorbonne voulut examiner
leur doctrine & leur conduite. Bertaud,
menacé de la prifon, s’enfuit, quitta l'habit de
fon Ordre, fe ntProtèftant, mais il finit par rentrer
dans b fein de l’Eglife , Couraut ayant été
,emprifonné , pais relâché, apoftafia, & mourut
miniftre à Genève. Sur toutes ces plaintes, lé Roi
manda fa foeur, & eut avec elle un éclairciffement,
où il fut aifément défarmé par la douceur & la
foumiffion de Marguerite.
Brantôme rapporte que le connétable de Mont-
morenci ayant un jour pouffé le zèle catholique
jufqu'à vouloir irriter François I contre la reine
de Navarre, à caufe de l'appui qu'elle prêtoit à
quelques Evans Proteftans, le Roi répondit : ELU
tn aime trop ; elle ne croira jamais que ce que je croirai.
BERTHE. (Hiß. de Fr. & dlAng/et.) Les Anglo
Saxons a voient ramené le paganifme dans la
Orande-Bretagne, qui avoit eu autrefois, dans la
foi chrétienne fes apôtres, fes martyrs-, fes docteurs
& fes héréfiarques. Ce fut la France qui eut
l ’honneur de rendre f Angleterre chrétienne une
j fécondé fois. Cette converfîon fut en Angleterre,
comme ellel’avoit été en France, 1 ouvrage d'une
femme.. Berthe,, fille de Caribert ou Cherebert,
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roi de Paris, Faîne des fils de Clotaire I , r avoit
lépoufë le roi de Kent Ethelbert, & avoit pris fur
lu i l’ afcêndant qu'une vertu douce donne quel-.
fquefois à ce fexe fur Iè nôtre; Suivant fes cdn-
ventions matrimoniales, Berthe avoit le libre exer-
|cice de fa religion ; fes prêtres cherchoient à faire
Ides prolelytes j elle engagea Ethelbert à recevoir
les Millionnaires qu'elle engagea le1 pape faint Gré‘-
Igoire à lui envoyer. Ils avoient à leur tête le moine
Paint Auguftin. ( fon article dans le Dictionnaire.
) La reine Brunehaud , fur les terres de la-
quellè ces Miffidnnaires paffoienë, leur donna des
Iguides, des interprétés, Sc favorifa de tout fon
pouvoir cette miffiob-, pour expier les crimes
jlqu'elle eommettoit alors, & ceux qu’elle vouloir
Icomméttre encore. F.thélbert fe convertit à la
'grande farisfaétion de Berthe} Ethelburge fa fille
ppoufa Edwin , roi de Northumberland, qu'elle
^convertit comme berthe avoir converti Ethelbert.
Une autre femme en fit autant dans le royaume de
fMerci'e. La religion paffa/ainfi de; royaume en
Royaume, &• 1 heptarenie entière étoit chrétienne
avant fa diffolution. Ethelbert-, mari de Berthe ,
leut 1 honneur de’ donner des lois i fa nation ,
comme Clovis en donna aux Francs.1 .
B BFRTHF.. Les trois Berthes, mère, foeur &
'fille de Charlemagne. (H f . dèFr.) La Fable fait
fine partie effentielle de l'hiftoire de Charlemagne.
|pLé régné de ce Prince eft la fource de tous les
Iromans de chevalerie & de la chëValeriè même.
§La Fable rentre à fon égard dans la v é r ité , en
.peignant la fupériorité de ce Prince fur tous les
autres & ce'ne feroit pas le faire conhoître entièrement
, que de fe borner à ce qu'en difent les
fehroniqueurs & les auteurs qu'on peut regarder
véritablement comme hiftoriens. J
H L ’hiftoire' romanefque de Charlemagne côni-
Ipnencè riiême avant fa naiffance , l'ima'gination'
'•des romanciers ne s'eft pas moins exercée fur l'hif-
|toire de fa mère que fur la lienne.
K ' ï° . Berthe , furnommée au grand pied , parce'
‘qu'elle avoit un pied plus grand que l’autre , ou
Berthe la Débonnaire 3 parce qu'elle étoit diftingiiée
ffentre toutes les femmes parla douceur; & là bonté,
'mérita, par fes vertus, d’ être la mère de Charle-
|magne, & par fa douceur d'être l'aïeule de ce
■ Louis qui hérita de fon furnom "de Débonnaire.
^5elon les hiftoriens, elle étoit fille de Charibert,
comte de Laon , ou d'un feigneur liégeois : félon
ÿ e s romanciers, elle étoit fille, ou d'un Empereur
tfdè Conftantinopléjou d'un Roi, foit des Allemands,
» b it des Huns. Le plus célèbre de ces romanciers
fjteft l’auteur du roman en vers de Berthe au grand
nommé Adenés , & fùrnommé le R o i, foit
||parce qu'il étoit le premier ou le:roi des méneftrels
lo u troubadours de fon tems, foit parce qu'il étoit
| rqil d'armes' du duc de Brabant : il le fut dans là
..fuite;, à ce qu'on cro it, de Philippe-le-Hardy
fils de faint Louis )' , par le crédit de la reine
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Marie de Brabant 3 femme de Philippe, protectrice
zélée d‘Adenés, & qui eut part a fes ouvrages.
Selon Adenés, la reine Bertne etoit fille d un roi
de Hongrie, nommé Flore, & de la reine Blanche-
fleur fa femme i. Blanchefleur aimeffa fille avec tën-
dreffë fe. fépare d’elle avec de grands regrets
lërfque Berthe vienten France epoufer le roi Pepin-
le-Bref} mais ellecHôifitmallesperfonnes quelle
place auprès dé fa‘ fille, & qu’elle charge dé 1 accompagner
en France : c’étoient une femme nommée
Margifte, qui apparemment avoit bien caché
jufqu’alors l’ ambition dont elle étoit dévorée, &
la perfidie qui for.moit fon caractère} Alife fa fille ,
uii’ rëfl'embloit èxttêmernent à Berthe de taille^ &
ë v ifa g e ,'& à qui cette reffemblance, jointe à la
conformité d’ âge , pouvoir-avoir procuré la confiance
& lJamitié dè cette Priticefte} enfin ,-üh chevalier
d’honneur notïimé T ib è r t , parent de Margifte,
amant très-peu délicat & très-ambitieux d'A-
dife. La pudeur timide de Berthe lui faifoit extrê-
* moment redouterl’inftant où ellepafleroit dans le
dit d’un mari j elle ne pouvoit fe familiarifer avec ;
' cette idée. Elle fit part dé fon embarras & de fon
’ trouble à Margifte, qui bâtit fur ce fondement l'ef-
ipérànce d'une grande fortune pour fa fille, pour
elle-même & pour Tibert. Elle loua la délicateffe
» de Berthe, accrut fon embarras en y applaudiffant,
; & lui propofa de l'en délivrer, en lui fubftituant
Alife dans lé lit nuptial pour cette nuit fi redoutée.
Mais que gagneroit-on à fauver une nuit? Que
; feroit - on leS nuits fuivantes , & quel feroit le
terme preferit à la pudeur de Berthe ?
De plus, comment Berthe, avëc affez de pudeur
pour-craindre le moment de rendre heureux un
î grand Roi fon mari, avoit-elle affez peu de vertu
■ pour confentir qu’un adultère fervît de prélude à
f fon union avec ce Prince ? Mais il ne s’agit pas de
raifonnercontre ces romanciers. Il faut cependant
^ convenir que la moralité du roman eft affez jufte.
Berthe eft punie de fa faute comme d'une faute
| gravé, & Alife de fon crime comme d'un crime.
■ ’Quant à T ib e r t, amant d'Alife , qui confent à
prêter ainfi au Roi fa maitreffe , fon caractère eft
donné; c'eft une ame v i le , intéreffée ; il n’étoit
pour Alife, & Alife 11'étoit pour lui qu'un moyen
de parvenir à la fortune : c'étoient des complices
: & non pas des amans.
Alife paffa la. nuit avec Pépin. Le lendemain
matin à la pointe du jou r , Margifte conduit Berthe
; dans la chambré du R o i, en lui difant qu'il faut
j ■ qu'elle prenne la place d 'A life , ou plutôt la fienne,
au moment où le Roi fera prêt à fe lever : en approchant
du l i t , ellè fa it, avec la pointe d’un cou-
< teau, une légère égratignure à fa f i l l e & fe retire
en laiffant Berthe feule au chevet du lit. Alife s'écrie
qu'on l'alfaftïne : le Roi appelle; on accourt;
on ne trouvé que Berthe, & on apperçoit un couteau
laifïé fur fe lit. Margifte, qui s’étoit peu éloignée
, arrivé avec lés autres, paroît étonnée, in-’
dignée, avoue avec une fureur fîmiû’é e , que lle
• H A