
à lui : on n’ en parla jamais fans le louer , mais on
en parla peu ; il parloit peu lui-même, & toujours
avec fageffe & circonfpedtion ; l’étude & la paix
fuffifoient à fon bonheur. Peut-être cette indifférence
pour la renommée auroit-elle fait de lui un
favant pour ainfidire pafiif, qui, content de fa voir
pour lui-même & pour fes amis, n’ auroit rien produit,
& n’auroit joui qu’en filence; mais fon mérite
lui ayant comme par hafard 8c prefque malgré
lui ouvert les portes de l’Académie des infcrip-
tions & belles-lettres (en 17 2 9 ) , cet homme, incapable
de manquer à fes devoirs ou de les remplir
foiblement, a enrichi le recueil de l’Académie
d ’une foule de favans Mémoires fur toutes fortes
de fujets ; il a furtout éclairci les points les plus
obfcurs & les plus difficiles de la chronologie &
de la géographie. Admirateur éclairé , mais zélé
de Pline le naturalifte, il a diflipé jufqu’aux moindres
nuages que les objections ou les doutes de
quelques favans élevoient' contre fa. gloire. Son
explication de la quatrième églogue de Virgile eft
ingénieufe 8c naturelle. Scribonie, femme d’Au-
gufte,étoit große : le poète, pour la flatter, fait le
plus magnifique horofcope du Prince qui alloit
naître d’elle ; car ce ne pouvoit être qu’un fils :
Mais ce qui vint détruific les châteaux,
f it avorter les mîcres, les chapeaux
Et les grandeurs de toute la famille :
La fignora mit au monde une fille.
8c cette fille fut la trop célèbre Julie.
Ainfi M. de la Nauze fait joindre ce que la littérature
a de plus agréable .à ce que l’ érudition a
de plus abftrait 8c de plus auftère, & s’il n’eft
connu que par le recueil de l’Académie , il l’eft
très-avantageufement par ce précieux recueil. 11
mourut en 1773.
NE ANDER. (Hiß. litt. mod. ) Il y a divers favans
de ce nom :
i° . Michel, médecin & phyficien d’ Iène, mort
en 158 1, auteur d’un livre intitulé Synopßs men-
furarum & ponderum.
2®. Un autre Michel Neander, théologien pro-
teftant, refteur d’IIfeldt en Allemagne, mort en
1 )9 4 , auteur de l’ Afirologia pindarica.
30. têàn Neander, médecin de Brême, auteur
d ’un livre afïez rare, intitulé Tabacologia, ou défi
cription du tabac, avec des réflexions fur l’ ufage
u’ on peut en faire dans la médecine. On a encore
e lui les ouvrages fuivans : Sajfafrologia. Syn-
tagma , in quo medicins. laudes , natalitia, fecl& 3 &c.
dipingantur. Il paroît que celui-ci vivoit & tra-
vâilloit vers le milieu du dix-Teptième fiècle.
N E C K A M J N E K AM ou N E C Q U A M
( A l e x a n d r e ) , (Hiß. litt. mod.) 3 théologien
anglais du douzième & du treizième fiècle, mort
en 1227, abbé d’Excefter, auteur d’un Traité De
nomhnbus ufienfilium, ouvrage dont l’objet n’eft
certainement pas fans utilité , 8c d’ un Traité De
naturis rerum, & c .
NEGROoü NEGRI BASS ANESE (Fr a n ç o is ).
(Hiß. litt, mod.) C e furnom de Baflimefe indique'
la patrie de Negro. L’ ouvrage par lequel il eft
connu y efpèce de tragédie allégorique en profe,
intitulée 11 libero arbitrio , indique fa feéte. Les
dogmes del’Eglife romaine y font attaqués fans ménagement,
8c les inventives font prodiguées à fies
miniftres. On a publié, en 1 yyB, a Genève, la traduction
françaife de cette p iè ce , fous le titre-de
Tragédie du Roi franc arbitre. Comme les plus maltraités
dans cet ouvrage font Jean de la Cafa, qui,
en qualité de nonce à V enife, avoit inftruit le procès
de Paul Vergerio, évêque apoftat de Capo
d’iftria ; Stella, qui avoit remplacé Vergerio , 8c
Jérôme Muzio , qui avoit écrit contre lu i, quelques
uns ont cru que Vergerio étoit le véritable
auteur de cette tragédie , ou que du moins il y
avoit eu part 5 mais l’ opinion publique paroît l’af-
furer à Negro. C et écrivain, né a Baffano dans
lé Vicentin., mourut maître d’ école à Chiavenne
chez les Grifons.
” NEPVEU ( Fr an ço is ) , (Hifi: litt. mod..) ,
jéfuite à Rennes , auteur de plufieurs livres de
piété. Sa Retraite félon l'efprit & la méthode de faint
Ignace a été réimprimée plufieurs fois ; elle a même
été traduite en latin. Sa Méthode d* O rai fon a été
traduite en italien par le Père Segneri. Ses Penfées
& réflexions chrétiennes pour tous les jours de Vannée
ont été traduites en latin à hfunich, & en italien
à Venife. Sa Manière de fe préparera la mort a auffi
été traduite en italien à Venife. Son Traité De la
connoifidnce & de l'amour de Notre-Seigneur 'Jéfus-
Chrifi a été réimprimé plufieurs fois ; enfin le
P. Nepveu fut dans fon tems un écrivain afcétique
diftingué. Il étoit né à Saint-Malo en 1639, 8c
s’ c toit fait jéfuite en 1654.
NÉRÂTIUS ( L u c iu s ) , (Hiß. rom.) s homme
fïnguliérement méchant, dont parlent Denys d’Ha-
licarnaffe 8c Aulu-Gelle. Il fembloit avoir pris pour
principe de faire tout le mal qui pouvoit être fait
impunément, ou dont on n’étoit au moins puni
que par la bourfe. par exemple, la loi des douze
tables avoit prononcé une amende de vingt-cinq
fous pour un foufBet donné; Nératius, qui apparemment
étoit, riche, prenoit plaifir à diftribuer
des foufflets aux paffans; un efclave le fuivoit,
chargé d’un fac d’argent, pour payer fur le champ
à tous ceux qui avoient été ainfi outragés l’amende
réglée par la lo i, 8c que l’ offenfé étoit obligé de
recevoir comme l’ offenfeur étoit obligé de la donner.
On feroit tenté de croire que cet homme
étoit bien moins un méchant, qui ne crut pas
açheter trop cher le plaifir de faire; du mal, egresiè
homo improbus t atque ïmmani vecordiâ , qu’un plàifiant
qui vouloit rendre fienfible le ridicule de la
loi qu’ il accompliffoit ainfi à la lettre. 11 eft vrai
que le moyen qu il employoit ne pouvoit refter
impuni que chez une nation qui ne connoiffoit pas
le due l, 8c qui refpeéloit plus les lois pofitives,
que les droits naturels de l’homme ; mais enfin s’il
ne vouloit que faire changer une loi abfurde , il y
réufiit : la loi fut abrogée, 8c il fut ordonné que
dans la fuite les Préteurs nommeroient des com-
miflaires pour informer .des faits 8c punir chaque
injure, félon le degré d’atrocité 8c de malignité.
Pr&tores injuriis &fiimandis recuperatores fe daturos
edixerunt. Aul. Gell. lib. 20, c. I. .
NERV ET (Mich e l ) 3 (Hifi. lia. mod. ) , médecin
d’Evreux, q u i, comme un autre médecin
contemporain & plus célèbre que lui (M. Aftruc) ,
préféroit la théologie à la médecine. On n’ a pas
de Michel Nervet un feul livre fur la médecine,
& on a de lui des interprétations, explications,
annotations fur l’Eçriture-Sainte. II favoit le grec
8c l’hébreu. Mort en 1729.
NESLE ou NÉELLE. (Hifi. de F r .) Le connétable
de Nefle (R a o u l) . Lorfqu’ après la longue
paix qui fuivit le traité d’Abbeville , conclu en
1259 , p a r la fageffe 8c la modération de faint
L o uis , la guerre vint à renaître, fous Philippe-le-
B e l , entre la France 8c l’Angleterre, Philippe
ayant confifqué la Guienne 8c les autres terres
anglaifes fituées en France, le connétable Raoul
de Ne fle, qu’il envoya dans ces provinces avec
quelques troupes, fournit tout fans délai & fans
obftacle. Cette grande conquête , cette expulfion
entière des Anglais coûta moins d’ efforts qu’ une
exécution ordinaire de juftice. Ce.phénomène eft
différemment expliqué par les Français 8c par les
Anglais. Les premiers, fans en faire honneur à la
valeur de leur nation, difent que ce fut un abandon
fimulé, un pur effet de la politique d’Edouard I ,
qui , fupportant patiemment toute dépendance ,
Voulut éteindre la féodalité en y fatisfaifant. Il
laiffa donc confifquer & prendre fes provinces ,
pour ne lès plus tenir de la France, mais de Dieu
& de fon épée. Il efperoitles reconquérir aifément,
& les pofféder alors en toute fouveraineté.
Les Anglais difent au contraire que Philippe
abufa de la confiance d’Edouard. Selon eu x , Edmond
, frère d’Edouard, traita fecrétement avec
la reine Marie de Brabant, veuve de Philippe-le-
Hardi, belle-mère de Philippe-le-Bel, & avec la
reine Jeanne de Navarre fa femme. Elles lui avoup-
renravec myftère que Philippe exigeoit feulement
de la part d’Edouard un aéte de foumifiion., une
réparation apparente des griefs allégués ; qu’ il
falloit donc qu’Edouard remît à Philippe, fix tovrr
tereffesqu’onfpécifia : c’ étoient Sain tes ; Taira ont,
T u ro n , Pumirol, Penne 8c Montflanquin ; qu’ il
falloit encore recevoir un pu deux officiers de
Philippe dans la plupart-des places anglaifes, afin
que Philippe parût prendre poifefiion .de laGuien-
ne ; qu’ alors le fu’zerain, appaifé par cette fatif-
faélion du vaffal, confentiroit, à la prière des
Reines, de le recevoir à hommage , lui rendroit
les fix places de fûreté, rappelleront fes officiers
des autres places, 8c. que tout rentreroit dans
l ’ordre. Edouard & Edmond crurent d’autant plus
facilement cet accord fincère, que Philippe confirma
lui-même à Edmond tout ce qu’avoient dit
les Reines, & q u e , pour attirer Edouard dans le
p iège, on lui propofa d’époufer Marguerite, foeur
de Philippe-le-Bel. Edouard, approuvant donc ces
vaines formalités d’une fatisfaétion qui ne devoir
lui rien coûter de réel, 8c fe regardant déjà comme
le beau-frère de Philippe , voulut mériter ce titre
en donnant à Philippe des témoignages d’une confiance
fans bornes. Au lieu de fix fortereffes qu’on
lui demandoit, il offrit de remettre toutes fes provinces
, & on accepta fon offre, fous prétexte
de donner plus d’ éclat à la réparation ; mais lorf-
qu’Edmona s’adrefia aux Reines pour demander
la reftitution promife, elles lui firent entendre que
le ieu n’avoit pas duré allez long-tems ; que pour
y donner un plus grand air de vérité, il falloit qu’il
s’ adreffât au R o i, 8c qu’ ilefluyât un refus public.
Edmond fe prête encore à cette fcène ; il le pré-
fente au confeil, forme fa demande au nom de fon
frère ; Philippe répond féchement quil ne rendra
pas ladite faiflne , & le confeil applaudit. Edmond,
prévenu par les Reines , s’étoit attendu à tout
cela : il fe retira en jouant la furprife 8c l’ indignation
; mais enfin il apprit qu’il n’ y avoit que lui de
jo u é , que la confifcation étoit très-réelle, & que
le Roi ne vouloit plus entendre parler de cette
affaire.
Voilà comment les Français d’ un côté, les Anglais
de l’autre, expliquent la facilité avec laquelle
les provinces anglaifes du continent furent fou-
mifes. Il faut avouer que ni l ’une ni l ’autre de ces
explications n’ eft fatisfaifante. Il n’eft point vrai-
femblable, d’ un cô té , qu’Edouard, pouvant con-
ferver ces provinces, les laiffat prendre, dansl’ef-
pérance très-incertaine de les reprendre 8c de les
pofléder alors à un titre plus avantageux. Il n’eft
pas plus vraifemblable, de l’autre, qu’on remette
des provinces entières à un ennemi qui ne demande
que fix places. Nous expliquerions donc plus naturellement
la prompte foumifliôn de ces provinces
, par un peu de négligence de la part d’Edouard,
8c un peu d’ artifice de la part de Philippe le-Bel.
Nous croyons qu’Edouard, occupé des affaires de
l’E cofle , amufé en France par des promeffes de
mariage avec la princeflfe Marguerite , 8c par les
promeffes des Reines, laiffa fes places fans défenfe,
8c que l’activité du connétable de Nefle fitlerefte.
C e connétable perdit la vie à la bataille de
Courtray, du 1 1 .juillet 1302 , où il commandoit
fous le comte d’Artois, Prince du fang. C e Prince
! pouffoit avec chaleur cette guerre contre les Flamands,
qu’il haifloit en qualité de voifins, 8c qu’d