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perpétuelle. Le grand-maître & Guy frère du .
Dauphin .après qu'on leur eut fait leéture de ce
jugement, jurèrent que tous les chefs d'accufation
ëtoient faux » que. s'ils avoient dépofé d'abord-
contre leur Grdrë, ç ’ayoit été à la follicitation du
Pape '& du R o i, & qu'enfin ils étoient prêts à
mourir pour confirmer cette vérité. Dès qu'ils
eurent été livrés au prévôt de Paris par les cardinaux
, la nouvelle en lut portée au R oi, qui affem-
bla fon confeil fur cette affaire , 8c le foir même, le
grand-maître 8c le -frère du dauphin d'Auvergne
furent brûlés à la pointe-de l'île du palais, foute-
nant jufqu'au dernier foupir qu'ils étoient inno-
cens. On donna la vie à Hugues Perrault & à
l’autre chevalier qui avoit gardé le filence depuis
que leur fentence avoit été prononcée. Ainfi fut
éteint l’Ordre des Templiers dans toute la chrétienté
, hors en Allemagne, où ils fe maintinrent & fe
firent abfoudre dans un concile provincial.
L'affaire des Templiers eft encore un problème
que le tems, fuivant les apparences , ne réfoudra
pas : la philofophie aura peine a comprendre que
des religieux fuffent à la lois athées , idolâtres ô:
forciers > qu'ils craçhaffent furie crucifix, & qu'ils
adoralfcntune tête de bois dorée 8c argentée , qui
avoit une grande barbe. Quand de pareils aveux
échappent dans les tortures, ils ne prouvent que
contre l ’ufage de la pueftion, ou s'ils font faits
hors de la queftion , ils açcufent des Pollicitations
perfides , accompagnées de promeffes fraudu-
leufes. On croira plus aifément que quelques-uns
de ces chevaliers pouvôient s'être rendus coupables
du péché contre nature dont ils furent tant
accufés. On pourra croire encore que leurs plus
grands crimes furent leur richeffe , leur puiffance,
une forte d'indépendance de tout gouvernement,
& quelques féditions qu’ils avoient excitées en
France au fujet d'une altération de monnôies, où
ils avoient beaucoup perdu. On les,accufoit aufi»
d’avoir fourni de l'argent à Bonifaçe V U pendant
fes démêlés avec PhiJippe-lé-Bel , & cet article
feul fuffiroit pour expliquer l’acharnement impitoyable
avec lequel ce Prince les pour fui vit. On
fait que ce fut de la France que partit le fouffie
qui les extermina, & que , fi l’ on fut injufte à
leur egard dans toute l'Europe , on ne fut fi
cruel contr'eux qu'en France. Le roi d'Angleterre,
Edouard II, voulut d’abord les defendre : il écrivit
çnleur faveur au pape Clément V ; mais cë Pape, qui
transféroitle Saint-Siège dans Avignon, étoit vendu
au roi Philippe, auquel il de voit ou croyoit devoir
la tiare.. Clement V & Philippe entraînèrent aifément
Edouard , fur lequel ils avoient de l'afcen-
dant, & les Templiers furent dépouillés en Angleterre
comme partout ailleurs. On eut au moins la
Hifticé>&' en France-& en Angleterre, d’enrichir de
la dépouille des Templiers les chevaliers hofpita-
îiers de Saint-Jean,-de-Jérufaiem : ils en eurent les
bénéfices, le Roi en eut l’ argent. Philippe-le-Bel
fe fit donner d’abord deux cent mille livre s ,
OLOG1E.
fomme alors immenfe. Louis Hiitin fon fils-en demanda
encore foixante mille. On convint que le
■ Roi auroitles deux tiers de l’argent des Templiers,
les meubles de leurs maifons, les ornemens de
leiirs églifes, 8c tous leurs revenus échus depuis
le 15 octobre 1307 , jufqu'à l'année 1314.
En Anglete rrele s barons réclamèrent les terres
des Templiers, comme données parleurs ancêtres,
, & il fe paffa plus de dix ans avant que les cheva-
, liers hofpitahers puffent en être mis en pofTeflion.
L ’ordre des Templiers avoitduré depuis ir iS ju f-
q u 'en i3 i2 .
Ordre teutonique.
Ordre militaire allemand. Voici quelle en fut
l'origine. Un homme de cette nation, qui demeu-
roit à Jérufalem après la conquête de la Terre-
Sainte , y recevoit ceux qui venoient de fon pays ,
8c qui n'entendoient pas la langue de la Paleftine.
Pour avoir plus de moyens d'exercer fa charité , il
obtint du patriarche de Jérufalem la permiffion de
bâtir un hôpital avec une chapelle à l'honneur de
la mère de Dieu. Divers Allemands fe joignirert
à celui-ci, qui avoit paru f îz é lé& f i charitable pour
fes compatriotes , & s'employèrent à rendre fer-
vice aux pèlerins de leur nation, qui venoient vi-
fiter les lieux confacrés par la vie & la mort de
Jéfus-Chrift. Quelques riches habitans de Brème n
& de Lubeck, qui étoient au Levant, s'affocièrent
avec les premiers, 8c firent bâtir, v oe l'an 1 1 9 1 ,
un nouvel hôpital à Acre. Ges hôpitaux furent
donnés depuis aux chevaliers teutons. Ordre inf-
titué en 1191 en faveur de la même nation allemande
, par H enri, roi de Jérufalem, fécondé du
patriarche 8c des autres princes chrétiens, fous le
nom de Y Ordre de Notre-Dame du mont de Sion3 *'z
voici quel en fut le fujet. Lorfque l'empereur Frédéric
I , dit Barberoujfe , fe croifa , ainfi que plu-
fieurs; grands Princes-, pour rentrer dans la poffef-
fion de la Terre-Sainte, dont Saladin , fultan
d'Egypte, s'étoit rendu maître l’an 1187, un grand
; nombre de feigneurs & de gentilshommes allemands
le fui virent en qualité de volontaires , les
uns. par un fentiment de piété , les autres par un
defir de gloire. Ces Allemands fe fignalèrentfous
l'empereur Frédéric , l ’an 11^9; Après fa m ort,
fe v oyant fans chef devant Acre que les Chrétiens
affiégeoient, ils élurent Frédéric , duc de Suabe,
fécond fils du défunt Empereur, & Henri, duc
de Brabant, pour capitaines généraux de leur nation.
Sous ces chefs ils fe diftinguèrent par de fi
beaux faits d'armes à la prife d’Acre 8 c des autres
villes 8c places de la campagne , que Henri, roi
de Jérufalem, propofa d'inftituer en leur faveur un
Ordredeçhevaliers fous le nom de Saint-Georges,
parce que tous ces braves fervoient à cheval ; mais
on trouva plus à propos de le mettre fous la pro-
I tepeion de la Vierge, & de lui donner pour prin-
I cipal lieu Thofpice établi à Jérufalem furie mont
de
CHRONOLOGIE. 6 0 1
d e Sion , pour ïes pèlerins 8c les pauvres de cette
nation, 8c dédié à Notre-Dame. Le R o i , le Patriarche
& les autres Princes en dreflerent les fta-
tuts fur ceux de l’Ordre de Saint-Jean-de-Jérufalem
8c de l'Ordre des Templiers , dont ils tirèrent ce
qu'ils crurent convenir le mieux pour un Ordre
qu'ils voulo.ient auffi rendre militaire 8c hofpita-
liér. Tous ces ftatuts, entr'autres articles , por-
toient que les chevaliers qui feroient reçus dans
cette religion militaire, feroient de race noble j
qu’ils feroient voeu de défendre l'Eglife chrétienne
8c la Terre-Sainte 3 qu’ils exerceroient l'hofpita-
lité envers les pèlerins de; leur nation, 8c qu'ils fe
nommeroient chevaliers de Notre-Dame du Mont-
Sion. Cette inftitution fut agréée par l'empereur
Henri V I , 8c approuvée par le pape Céleftin I I I ,
qui ordonna que ces chevaliers feroient vêtus d'un
habit blanc, fur lequel feroit coufue une croix
noire, de la figure de celle de l'Ordre de Saint-
Jean-de-Jérufalem } qu'ils porteroient une fem-
blable croix dans leur étendard, dont le fond feroit
blanc, & dans leurs armoiries, 8c qu'ils vivroient
félon la règle de faint Auguftin. Il leur confirma
auffi le don de Lhofpice allemand du Mont-Sion
pour titre 8c lieu principal de leur fondation , &
leur accorda les mêmes privilèges dont jouiffoient
les chevaliers de Saint-.!ean-de-Jérufalem, parla
bulle du 22 février 1191. Ce fut en conféquence
de cette bulle, que le roi de Jérufalem 8c le duc
Frédéric de Suabe, avec pouvoir de l ’Empereur,
firent la création de cet O rdre, dont le nombre he
ne fut alors que de quarante: Henri de Wa lp ot,
gentilhomme immédiat de l'Fmpire , fut cnoifi
pour_être grand-maître de l'Ordre. Tous lesPrinces
chrétiens témoignèrentbeaucoup d'affeétion à cette
religion militante. L ’Empereur lui donna le droit
de pofféder à perpétuité toutes les terres & les
provinces que les chevaliers pourroient conquérir
lur les Infidèles, 8c Philippe-Au gufte, roi de
France, lui fit de grands biens, accordant auffi au
grand-maître l'honneur de porter des fleurs de lis
aux quatre extrémités de fa croix.
Cet, Ordre reçut fon accroiffement fous les
grands-maîtres Othon de Kerpent & Herman
Batth, qui fuccédèrent l'un après l’autre au grand-
maître Henri de W a lp ot} mais il commença par-^
ticuliérement à fe rendre confidérable fous le quatrième
grand-maître , Herman de Salza , élu l'an
1210. C e fut lui q u i, avec fes chevaliers , fauva
des mains des Infidèles , Jean , tfils de Henri, roi
de Jérufalem, dans une bataille que les Chrétiens
perdirent contre Conradin . roi de Syrie j en re-
connoiffance de quoi Jean ajouta à la croix noire
que le pape Céleftin 111 avoit ordonné aux chevaliers
de porter-fur l'habit blanc , une croix poten-
cée d 'o r , qui étoit les propres armes du royaume
de Jérufalem. Le duc de Mafovie, dans la Pologne^
fit don à l'Ordre teutonique de toutes les terres
que les chevaliers pourroient conquérir dans la
Pruffe fur les Idolâtres , pour les pofféder avec
idijl'oire. Tome K l . Supplément.
droit de fouveraineté ; ce que le Pape 8c l'Empereur
confirmèrent. Les Teutons ayant remporté
une entière victoire , chafîèrent tous les Païens de
la Pruffe , 8c fe rendirent peu à peu maîtres de la
Livonie & de la Curlande. Le grand-maître fonda
enfuit'e quatre’ évêchés dans la Pruffe, & cinq en
Livonie 8c en Curlande, faifant bâtir des villes 8c
des châteaux dans tout ce pays de conquête, lef-
quels il remplit de colonies allemandes. Les chevaliers
teutons pénétrèrent depuis jufqu'en Ruffie ,
où ils établirent de même la religion chrétienne.
L’an 12 f y ils s’emparèrerit de la Samogitie , faifant
main-baffe fur tous ceux qui ne vouloient pas
fe faire baptifer. Le grand-maître fit bâtir la même
année, dans la Prufle , une grande ville qu’il fit
nommer, à l’honneur du roi de France, Konisberg,
c'eft-à-dire , Montagne du Roi. Son fucceffeur fit
auffi conftruire la ville de Montréal. Pendant que
l'Ordre teutoniquefaifoit des progrès confidérables
vers la mer Baltique , la ville d'Acre fut prife par
le foudan d'Egypte , l'an 1291 , & les chevaliers
teutons qui étoient dans la Syrie , furent obligés
de revenir.en Allemagne. La principale maifonde
l’Ordre fut établie à Marpurg, ville de la Heffe,
dans le cercle du Haut-Rhin, puis transférée à
Marienbourg dans la Pruffe. L'an i j i c les chevaliers
teutons élurent pour grand-maître A lb ert,
marquis de Brandebourg, fils de la foeur de Sigif-
mond , roi de Pologne 5 mais ce Prince embraffa
l'héréfie de Luther, & traita avec le roi dë Pologne
pour fe rendre maître abfolu delà Pruffe, à
la charge de la tenir de la couronne de Pologne.
Après cet engagement, le duc quitta le titre de
grand-maître , & chaffa de la Prulfe tous les chevaliers
teutons. Ils fe retirèrent à Mariendal en
Franconie, & élurent adminiftrateur de la grande-
maitrife de Pruffe , Walther de Cromberg, alors
grand-maître du même Ordre en Allemagne 8c en
Italie.
L'Ordre teutonique confifte à préfent en douze
provinces ; favoir : en celle d'Alface & de Bourgogne
j celle d'Autriche} celle de Coblentz 5 celle
d'Etfch , que l'on nomme encore province de la
jurididtion de Pruffe, & en celles de Franconie ,
de H effe, de Bieffen, de Weftphalie, de Lorraine,
de 1 huringe , de Saxe & d'Utrecht, qui font de
la jurididtion d'Allemagne. Les Hollandais font
maîtres de tout ce que l'Ordre poffédoit dans la
province d'Utrecht. Chaque province a fes com-
manderies particulières, 8c le plus ancien des commandeurs
y eft appelé commandeur provincial. Tous
ces commandeurs font fournis au grand-maître
d'Allemagne, comme à leur chef. Les douze commandeurs
provinciaux étant affemblés , ont droit
d'élire un grand-maître ou un coadjuteur. Le
grand-maître a fa réfidence ordinaire à Mariendal
en Franconie, depuis que l’Ordre a été chaffé de
la Pruffe , & jouit d'environ vingt mille écüs de
revenu. .La plupart des commanderies font poffé-
dées par les puînés des Princes & des grands-fei-
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