
TH EU D O N . ( Hift. de Fr. & de Hong. ) En
79 5 Charlemagne porta pour la fécondé fois la
guerre dans la Pannonie contre les Huns. Theudon
, l ’un des petits Rois qui partageoient alors
la Pannonie ( aujourd'hui la Hongrie ) , & un des
plus ambitieux, fe fépara entièrement des intérêts
de fa nation , fe rendit aux Français, fe reconnut
leur vaffal, vint trouver Charlemagne à Aix-la-
Chapelle, lui rendit hommage, reçut le baptême,
& le fit recevoir aux peuples de fa dépendance.
En 7q6 les Huns furent battus par Pépin, fécond
fils de Charlemagne, & pouffes jufqu’aux
bords de la Teilfe : leur capitale fut livrée au pillage,
tout leur pays fut ravagé, tandis que les
heureux fujets de Theudon, contemplant de loin
la flamme ae ces incendies dont ils etoient environnés,
& jouiffant tranquillement & fûrement de
leurs poffeffions fous la protection du vainqueur,
rendoient grâces à la prudence de Theudon, &
béniffoient le chriftianifme, à l'ombre duquel on
vivoit ainfi en paix.
Cette guerre de Pannonie fut entièrement terminée
en 79 7 , & la Pannonie fut tranquille pendant
toute l'année 798 5 mais en 799 on vit naître
dans ce pays un grand orage du côté où on l ’at-
tendoit le moins. C e Theudon, qui avoit montré
tant d'empreflement pour le baptême & pour l'alliance
françaife, n'avoit voulu en effet qu’étendre
fa puilïance & fon autorité dans le pays, & que
s’enrichir par la ruine de fa patrie. Les principaux
feigneurs de la nation avoient péri dans la guerre
précédente. Theudon, délivré par-là de tous les
rivaux que fon ambition pouvoit redouter, crut
que le premier qui s’annonceroit comme le ref-
taurateurde la liberté, le premier qui propoferoit
aux Huns de fècouer le joug étranger, auquel ils
n’étoient point encore accoutumés , s’empareroit
aifément du trône de la Pannonie entière, il trahit
donc les Français comme il avoit trahi fà patrie,
& avec affez de facilité, parce qu’ on ne fe défioit
point de lui. Lorfqu’enfin fa mauvaife volonté fut
manifefte, on fe hâta d'en prévenir les effets. Le
duc de Frioul, Henri, & un des comtes de Bavière,
Jieutenans de Charlemagne, entrèrent dans la Pannonie,
livrèrent bataille à Theudon, & remportèrent
une victoire qui coûta des larmes & un fang
précieux au vainqueur. C e Theudon, qui n'étcit
en politique qu’un hypocrite Ambitieux & qu’ un
traître, étoit dans les combats fin guerrier redoutable
: il fe défendit avec un gland courage. Un
des comtes de la Bavière fut tué dans la bataille 5
le duc de Frioul tomba dans une embufcade où il
périt auffi 1 tous deux étoient chers à Charlemagne
& lui laiflerent des regrets. Theudon avoit été
pris.; il fut puni de mort comme vaffal félon &
rebelle. 11 eut été à defïrer, pour lui & pour Charlemagne
, qu’ il fût mort les armes à la main ; il au-
rpit évité la honte du fupplice , & auroit épargné
$ Charlemagne la honte d’une violence odieufe.
Xvec Theudon tomba pour jamais cette puiffance
des Huns, q u i, même dans fa décadence, offroit
encore de beaux monumens de grandeur & de
fageffe. Cette monarchie ou cette répupflque ( car
fa divifion en cercles, qui a , dit-on, fervi de mo-
• d le à celle de l'Empire, femble annoncer une ré-
; publique ) avoit fubfiftéavec gloire près de deux
liècles & demi. Le fameux tréfor des Huns, enrichi,
fous Attila, des dépouilles de toutes les provinces
de l’ un & l’autre F,mpire d’Orient & d’Oc-
cident, & des dépouilles même de l’ Italie & des
Gaules , avoit été livré au pillage dans la guerre
de 79j .
THIBOUST. C e nom, fameux dans la typographie,
n’eft pas étranger à la littérature. Les
Thibouft rappeloient le fouvenir de ces imprimeurs
du tems de François 1 & de tout ce fei-
zième fîècle , qui étoient des plus favans hommes
de leur tems. Guillaume Thibouft, qui étoit aufïi
de ce tems, puifqu’il vivoit en 154 4, eft connu
pour avoir imprimé les Complaintes d’une Dame
furprifè d’amour.
Samuel Thibouft fon fils fut adjoint de fa communauté
en 162.5 s & imprimeur de l’Univerfité.
Parmi les ouvrages fortis de Tes preffes, des curieux
en typographie recherchent encore la My-
thologie ou XExplication des Fables, par Baudouin ,
in-folio avec figures, & XHifloire d’Efpagne 3 par
Turquet, in-folio, deux volumes.
Claude Thibouft, fils de Samuel, aufli imprimeur
de l’Univerfité, mourut fubitement à Pafîy,
en 1667,
Claude - Louis Thibouft , fils pofthume de
Claude, maître ès arts en i68y , adjoint de fa
communauté en 1709, imprimeur de l’Univerfîté
en 171 5 3 reçut ce dernier titre par un aête de c e .
corpsrefpeéiable, où il eft dit que l’Univerfité,
depuis près de deux cents ans, avoit pour imprimeurs
& libraires les Thibouft, qui, contra quàm
CAteri librarii fo len t, plus in arte fuâ nominis a c f i -
mA, quam divitiarum fibi fuifque comparare fiuduerint.
Claude-Louis Thibouft s’attacha particulièrement
à l ’impreflibn des livres de claffes ; il Tavoit bien
le latin & le grec5 il compofa un poème latin à la
louange de fon art, Typographia excellentia, qu'il
dédia & préfenta au Roi en 1718. Il mourut le 23
avril 1737.
Claude-Charles Thibouft, fils de Claude-Louis,
voulut d’abord être chartreux; il entra même au
noviciat ; mais, la réflexion le rendit à la profeflion
de fes pères. Il fut imprimeur du Roi & de l’Univerfité,
& adjoint de fa communauté en ,1746.
Son père & l’Ordre des Chartreux, quoiqu’il n’y
fut pas entré , furent toute fa vie l’ objet de ta
tendre vénération. Homme de lettres & ami des
arts, ainfi que fon père, il fit graver le portrait de
fon père par le célèbre Daullé, & mit au bas ces
quatre vers :
D o é te ,
.Ooéte , enjoué, plaifant, ce vieillard agréable
Tut un mortel humain , généreux, fccourable,
Bon père, tendre ami, fans détour & fans fard,,
Et-celui de nos jours qui fut le mieux fon art.
31 traduifit en français le poème de fon père fur
•cet art: cette traduction parut en 1754 avec lé latin
à côté. Il aimoit toujours les Chartreux; il traduifit
en profe françaife les vers latins qu’ on lifoit
dans leur petit cloître de Paris, &qui contenoient
en abrège la vie de faint Bruno, peinte p ar Le-
iueur dans vingt-un admirables tableaux. Il en fit
deux éditions : l’ une i/z-40. avec le latin à cô té , &
les gravures des tableaux par François Chauveau ;
l'autre auffi in-40. , en 1756, fans gravures. L’ ouvrage
eft dédié au-révérend Père général & aux vénérables
Pères Chartreux. Malgré cet amour pour la
Chartreufe 8c les Chartreux, il avoit apparemment
une partie de l ’enjouement qu’il attribue à
Ion père ; car avant eu trop de goût pour fe charger
d’imprimer a fes dépens la prétendue Traduction
^ Littérale & poétique ( & qui n’eft ni poétique
pi littérale ) des Pfeaumes de David, félon la vul-
gate, par M. Pépin, mais l'ayant imprimée, malgré
lui, pour le compte de l’auteur, il s’en vengea
par une critique affez gaie de cette traduction. Il
^ftvrai que la traduction prêtoit beaucoup à la
gaîté. Un écrivain qui traduit Deus proteftor meus
& cornu falutis me& , par Dieu efi mon protecteur :
en lui je trouverai la corne, de.mon Jalut. Perdes om-
nes qui loquuntur mendacium , par F"ous perdre? tous
peux qui parlent le menfonge. Secundum multitudinem
ir& fuA non qu&ret, par II ne les cherchera pas félon
la multitude de fa fureur f &c. Un tel traducteur eft
affiirément fort plaifant.
M. Thibouft avoit auffi entrepris une traduction
A’Horace : voilà qui eft encore bien loin de faint
Bruno & des Chartreux. Il étoit occupé de cette
'traduCHon lorfqu’ il mourut, le 29 mai 17 5 7, à
•Berci. Il étoit né à Paris le 6 novembre 1701.
TH IBO U TO T , ( Hift. de Fr. ) , nom d’ un château
de Normandie, entre Fécamp & le Havre-de-
Graee : la Maifon de Thiboutoten a tiré Ton nom
-ou le lui a donné. Cette Maifon, très-ancienne &
alliee aux plus grandes Maifons françaifes, eft, à
c e qu’on c roit, d’origine anglaife. Jean, feigneur
de Thiboutot, vivoit du tems de faint Louis. Ro-
billart de Thiboutot, chevalier, premier chambellan
du Roi & gouverneur de Honfleur, mourut
en 13 37.
Lorfque les Anglais prirent, en 1418, le château
de Thiboutot, la capitulation fut faite par C olin,
feigneur de Thiboutot.
La terre de Thiboutot, qui eft peut-être encore
dans cette famille, & qui du moins y étoit il
y a quarante ans, a été érigée en marquifat par
Louis X V , par des lettres du mois de juin 17 10 ,
eu faveur dé Louis-François de Thiboutot, lieu-
Hijîoire. Tome F l . Supplément.
I tenant-général de l’ artillerie, qui, d’abord fîmple
capitaine de cavalerie , s’étoit trouvé dans une
multitude de batailles & de combats différens ;
qui, étant ingénieur, avoit fortifié Condé, A ire,
Saint-Omer;qui, à la défenfe de Mons, en 1709,
avoit étéblefïe à la cuiffe ; qui, à la défenfe d'Aire,
en 1710, avoit eu la mâchoire entièrement fra-
cafîee d’un coup de moufquet, dans une fortie où
il commandoit. Ayant été nommé lieutenant-gé-
neral de l’artillerie, il l’avoit commandée pendant
la campagne de 1719 aux attaques des villes
8c châteaux de Fontarabie, de Saint-Sébaftien ,
d’U rg e l, de R ofes, & c . ; enfin, jamais titre n’a-
voit été plus acheté ni mieux mérité.
THIERRIAT D’E SPAGN E, famille françaife
qui dans l’efpace d’ un fîècle a fourni bien des victimes
à la patrie. Voici d’où l’ on prétend que lui
vient ce nom d'Efpagne. Henri Thierriat, qui vivoit
aux quinzième & feizième fiècles, ayant été
envoyé, en 15 18 , auprès de Charles I , roi d’Ef-
, pagne, qui futl’ année fuivante l’empereur Charles-
Quint, fe trouva près de ce Prince dans le moment
où un officier maure alloit lui décharger un
coup de hache d'armesTur la tête. ( Etoit-ce une
conjuration eu une fédition , un affaffinat ou un
a<5te d’hoftilité réputé légitime dans les combats ?)•
Q uoiqu’il en foit, Thierriat, qui vit ce mouvement,
arracha la hache au Maure, lui en fendit la
tête & la préfenta toute fanglante à Charles, qui
par reconnoiffance lui rendit la hache, lui ordonna
de la mettre pour timbre au deffus de fes
armes, avec cette devife, à laquelle le Roi devoit
fon fai ut, vélo citer 3 & lui donna pour lui & pour
fa poftérité le furnom d’Efpagne, fi glorieufement
acquis.
. Un des arrière-petits-fils de Henri, nommé
Charles Thierriat, exempt des gardes-du-corps,
gouverneur du Pont-de-Vefle, fut tué au fiége de
Bourg-en-Breffe.
Florentin Thierriat, frère^îné de Charles, joi-
gnoit à la bravoure l’amour des lettres ; il publia
en 1606 trois Traités , de la Nobleffe de race 3 de la
Nohliffe civile & des Immunités des non-nobles.
Louis, fils de Florentin, capitaine dans le régiment
de Saint-Etienne, fut 1-644. tué à Philisbourg en r ■ ( Jean Thierriat, frère de Louis, premier capitaine
au régiment de là Ferté-Senneterre, fut tué
au fiége de Montmédy en 1637, à la tête de ce régiment..
Odet, autre frère, capitaine dans le régiment
de Champagne, tué à Valenciennes en 1656.
Michel, autre frère, capitaine dans le régiment
de la Ferté, tué à Dole en 1667.
Charles, autre frè re , fe fignala en Hongrie,
où il.fut bleffé.
«Henri, fils de Charles, capitaine de dragons
dans le régiment du R o i, fut tué à la bataille de
Fleurus, le ï juillet 1690.
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