
plus en Italie de miniftre revêtu d’ un caractère
public j mais le cardinal de Trivulce , protecteur
de la couronne de France à Rome , titre qui n’ eft
pas toujours vain , étoit l’agent fecret des affaires
de cette couronne dans toute l’ Italie. Le Roi
n’avoit pas perdu de vue fes droits fur l’Etat de
Gênes : il y avoit toujours des intelligences entre
les Français & lés Génois : c’ étoit fans doute
l’effet des négociations du cardinal de Trivulce j
mais je ne puis croire 3 avec quelques auteurs 3
que la France ait été l’ame de cette fameufe conjuration
de Fiefque , dont les refïorts fi bien conduits
par d’habiles politiques , ont été fi bien dé.-
veloppés par d’ habiles écrivains. Il me femble que
l’impenétrable de Fiefque cacha la profondeur de
fes noirs projets à la France 3 qui ne les eût pas
approuvés. Le cardinal de Trivulce , à la vérité 3
avoit à Gênes des correfpondans intelligens & attentifs
5 il connut par eux les talens & lesdifpofî-
tions du jeune de Fiefque. Le cardinal de Trivulce
le jugea propre à changer le deftin de Gênes j il
compta fur fa jaloufîe contre les Doria pour le vouloir
, & fur fon génie pour le pouvoir. 11 le fit
fonder fur le projet de rétablir à Gênes l’autorité
des Français 3 n’imaginant pas que fon ambition
pût fe propofer d’autre but que d’être fous eux cé
que les Doria étoient fous l’Empereur. De Fiefque
l ’écouta d’abord & fut près de fe livrer à la
France > mais l’audacieux Verrina , fon confident
& fon confeil 3 lui fit concevoir Un projet plus
vafte & plus noble 3 celui de brifer & le joug impérial
& le joug français 3 & d’établir fa puiflance
unique fur les ruines de toutes ces puiflances. De
Fiefque s’enivra de ce projet. Dès ce moment
fes vues * fes mefures 3 fes démarches , tout devient
étranger à la France. Le hardi Verrina 3 le
fougueux Sacco , le prudent Calcagne & quelques
autres conjurés 3 tous Génois 3 furent feuls admis
à ce complot. On fait quelle en futl’ ifliie: le fecret
fut religieufement gardé j l’exécution rencontra
peu d’obftacles $ les conjurés s’emparèrent de
tous les polies importans ; Jannetin Doria, l’objet
de la haine particulière de de Fiefque ^ fut poignardé
j le vieil André Doria ne fe fàuva qu’ avec
peine. De Fiefque étoit le maître dans Gênes ; il
court au port pour donner quelques ordres ; il
veut entrer dans une galère 3 la planche glilfe ou
tourne ou rompt ; il tombe dans la mer : le poids
de fes armes l’ empêche de nager ; l’obfcurité de
la nuit empêche de le fecourir; il eft noyé. La
nouvelle s’en répand : elle glace les conjurés; elle
ranime les défenfeurs de la république : la conjuration
eft étouffée. Les chefs des conjurés, forcés
dans leurs derniers afyles , fubiflent le fupplice :
les moins coupables font bannis de Gênes. De la
conjuration de Jean-Louis de Fiefque naquit
celle de Jules Cibo. Celui-ci paroit n’avoir été
qu’un infiniment aveugle de la vengeance des de
Fiefque. Trois frères du malheureux Jean-Louis,
bannis de Gênes après fa mort, s’étoient retirés j
ils engagèrent Cibo , avec lequel demeuroit un
des trois frères, à partir pour Gênes , dans l’intention
d’aller afTafliner André Doria , & de remettre
la république fous les lois des Français. Ce
complot fut découvert & prévenu ; Cibo eut la
tête tranchée. L’hiftoire de ce Jules Cibo n’eft
qu’une fuite d’outrages faits à la nature. Il avoit
commencé par dépouiller fa mère de fes biens ;
le cardinal Cibo , fon oncle , qui étoit attaché
aux Impériaux , l’avoit fait arrêter à Pife, parce
qu’ il étoit attaché aux Français ; Jules Cibo alloit
afTafliner André Do ria, dont il avoit époufé la
nièce > enfin, ce fut fa propre mère, avec laquelle
il s’étoit réconcilié , qui alla le déférer , & q u i,
par fa délation, §p conduifit à l’échafaud.
Gênes revit avec tranfport Doria échappé aux
périls qu’ il n’avoit courus que pour l’avoir rendue
libre ; elle offrit à Doria de conftruire une citadelle
pour fa défenfe , car Oélavien Fregofe , par
un amour pour fa patrie , digne de Doria lui-
même ,. avoit démoli la citadelle que Louis XII
avoit fait conftruire à Gênes, & dont Fregofe eût
pu fe fervir pour accroître fon autorité. On appe-
loit cette citadelle la tour de Godeffa. Doria rejeta
la propofition de la reconftruire : « Mes jours ne
» font rien , dit-il ; j’ ai tout fait pour votre liber-
» té , ne détruifez pas mon ouvrage. » Ainfi les
attentats des de Fiefques & d e Cibo ne firent que
reflerrer les noeuds de la tendrefie entre le citoyen
bienfaiteur & la patrie reconnoiflante. Au relie,
que François 1er. ait prêté l’ oreille aux divers projets
de rétablir fa puiflance à Gênes, il n’y a rien
là que de fort naturel ; mais je ne croirai jamais
u’il foit entré dans aucun complot contre la vie
’ un grand-homme dont il refpeétoit la vieilleflè
& la gloire , & auquel il avoit donné , à l’entrevue
d’Aigues-Mortes en i j $8, de grandes marques
d’eftime, &: d’ oubli ou de pardon de fa défection.
Depuis ce tems Gênes a toujours été gouvernée
par des Ducs ou Do g e s , qu’ on y élit de deux
ans en deux ans. Le Doge eftaflifté de huitSéna-
teurs , qui gouvernent avec lu i , & qui font appelés
Gouverneurs , & de quatre procureurs, dont
il y en a deux qui logent avec lui tour à-tour
dans le palais ducal pendant quatre mois de l ’année
, & c’ eft ce que î’ on nomme le Sénat ; mais le
fondement & la bafe de la république réfide dans
le grand-confeil 3 qui ell compofé de quatre cents
gentilshommes choifis parmi l’ancienne noblefiè,
ainfi que parmi la moderne. C e confeil décide
avec la feigneurie , c’eft-à -dire , avec le Doge &
les Sénateurs , de tout ce qui peut regarder la
paix & la guerre, & de toutes les plus importantes
affaires de l’Etat. Le Doge ne peut recevoir aucune
vifite , donner aucune audience , ni ouvrir
les lettres qui lui font a'dreffées qu’en préfence dès
deux Sénateurs qui demeurent avec lui dans le
palais. L’habit que le Doge porte dans les jours \
de cérémonie 3 eft une robe de velours ou de
damas rou ge, faite d’ une manière antique , avec
* un
un bonnet pointu, de la même étoffe que le.refte,
& il eft obligé de porter la frai fe. La régence ne
dure que deux années > après Jefquelles on fait
une nouvelle éleélion , & l'ancien Doge ne peut
y rentrer qu'après douze années d'intervalle. Les
Doges v on t, à la fin de la régence, à l'affemblée
des collèges convoqués pour les dépouiller de
leur dignité. Le fecrétaire de l'affemblée fe fert
alors des termes fuivans, pour le remercierau nom
de, la république : Vofira ferenita. ha firnita fuo
tempo , vofira excellente! fene yadi a cetfa , c'eft-à-
dire , Put [que votre férénité a fourni f in tems , que
votre excellence,s’ en retourne à f i maifinl'Ea effet,
le Doge dépôfé part dans le moment, .& lorfqu'il
eft à la porte il remercie les.Sénateurs & les
gentilshommes qui lui ont faitcompagnie ; ilquitte
enfuite la robe rouge pour fe revêtir de celle de'!
fenateur, qu'il porte le refte de fa vie.. On procède
quelques jours après à une nouvelle éleétion,
& le doyen des. fénateurs'fait, pendant l'intér-
regne, les fonctions de Doge: On convoque pour
cette élettion le grand-confeii, qui nomme quinze
perfonnes que l'on juge les plus capables d'être
elevees à cette dignité: Cette lifte ayant été portée
dans le confeil fecret, onlesréduità fix per-
fonnes j puis la même lifte étant rapportée au
grand-confeii ,■ l'affemblée choifit un Doge parmi
- perfonnes, & ce Doge eft couronné peu
de tours après. Les rois d'Efpagne, par un trait de :
politique, ontfu attacher a eux la république de !
Genes, en lui empruntant de grandes fommes i
d argent. Philippe II emprunta jufqu'à douze ;
millions, qui n'onr jamais été rendus, & dont on j
le contente de payer ! interet. Les mêmes Rois j
ont eu les mêmes vues dans la vente qu'ils ont ‘
laite a des Génois dans les Etats de Milan de 1
Naples & de Sicile, de diverfes terres qu'ils ont j
érigées en comtés, marquifàts & duchés. Cette I
conduite, dit-on, a été plus avantageufe à ces j
monarques-, quen'auroit pu l'être la poffeffion I
meme de Gênes.
La ville de Gênes a toujours contribué aux èn-
treprifes dont la Terre-Sainte étoit l'objet, & elle !
a conquis fur les Infidèles les royaumes de Corfe,
de Sardaigne & de Chypre , avec les îles de Mé-
telin & de Chio. Les villes de Caffà & de Pèra
lui ont appartenu : elle a donné, trois ou quatre-.
Papes à l'E g life , & a produit de grands-hommes
en tout genre. ^Cependant fes détraéteurs & fes
ennemis ont tâche d'accréditer un proverbe qui
lui eft fort injurieux : Genre finça fede , mare fença
P‘fie , monte fen^a legno , &. Donne fenqa vergogna.
On fait que jamais ces qualifications générales de
nations entières ne fe trouvent juftes à l’application.
Cette ville a une académie dite de gli ador-
mentati. Raphaël Soprani & l'abbé Giuftiniani ont
donné une bibliothèque des écrivains de cet Etat.
Soprani a auflî écrit les vies des peintres de l’Etat
de Genes..
En 1684 Louis-XIV, mécontent des-intelligences
Hïfioire. Tome f l , Supplément.
que les Génois entretenoient à fon préjudice avec
l’ Efpagne, & fe reflouvenant peut-être qu’ils
avoient été fu jets des Rois fes prédécefleurs, envoya
M. de Saint-Olon leur demander une réparation.
Sur leur refus , leur ville fut bombardée
par le célèbre, du Quefne. M. de Seignelai, mi-
niftre de la marine, étoit fi;r la flotte.
Les Génois fe déterminèrent enfin à faire au
Roi la fatisfaéiion qu’ il avoit demandée ; en con-
féquence!eDoge,Francefco-Maria Imperiali, accompagné
de quatre fénateurs-, vint faire fa fou-
miflion au Roi le i y mai i68y. Le Roi le reçut en
'grand appareil. La loi de Gênes eft que le Doge
perd fon titre & fa dignité quand il fort de la ville.
Le Roi voulut qu’ il les confervât, pour que la république
fut véritablement repréfentée dans cette
humiliante cérémonie. On demandoit au Doge ce
qui l ’avoit:1e plus étonné dans tout ce qu’il avoit
vu a Verfailles ? 11 répondit : C"_efi de rn y voir. On
fit en France, fur le voyage du D o g e , ce quatrain
faftueux. :
Allez doge, allez fans peine
Vous jeter à fés genoux j_
La République romaine
En eût fait autant que vous.
Si Louis X IV humilia la fuperbe Gênes, Lo uisXV
au contraire lui fit fentir les effets de fa proteêlion
lorfqu en 1746 la reirre de Hongrie s’empara de
Genes, en enleva les tréfors. Lés Génois chaf-
ferent d eux-memes les Autrichiens 5 mais ils au-
roient fuccombe fous cette énorme puiflance fans
les puiflàns fecours que la France fe hâta de leur
envoyer, d’abord par M. de Boufflers, quimou-
rut a Gênes après l’avoir délivrée & mife à l’abri
de tout danger, enfuite par M. le duc de Riche-
lieu , auquel les Génois érigèrent une ftatue
Voyez la pièce de M. de Voltaire : Je là verrai *
cette ftatue 3 &c.
S u c c e s s io n chronologique des Patriarches,
i ° . d’ Alexandrie.
Saint Marc avoit fondé cette èglife vers l'an, c i
de Jéfus-Chrift, dixième année de l’Empire de
Claude. Il en eft réputé le premier Patriarche: 11
eft mort, félon Eulèbe, l’an 62 de Jéfus-Chrift.
NOMBRE C O M M E N C E M E N T DURÉE
des de leiir de leur .
pontifes. P O N T 1 F I C A T. pontificat.
I y2 de JéfusrChrift, faint Mar c , 10 ans.
1 _ Anien ou. Hananie, 21 3 Abilius ou Mélianus, 1 3 4 P Cerdon, 9
S 107. Primus, 12
6 120. Juftus, 11
7 ! 131, Eumène,, U ans & quelq. mois.
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