en s’interdifant pour toujours l’exercice de la
chaffey pour lequel il avoit du goût, 8c qui étoit
utile à fa fanté.
Les auteurs des diverfes oraifons funèbres de
ce vertueux Dauphin nous le repréfentent au moment
de ce funefte accident, faifi d’effroi, jetant
fon arme, fe précipitant fur le corps fanglant du
malheureux Chambors , l ’arrofant de fes larmes ,
ofant à peine lever les yeux fur lu i, fe refufant à
toutes les confolations « que ce noble , & fidèle
M ferviteur voudroit verfer dans fon ame en le
*» quittant......Si quelqu’un, pour le confoler, lui
~ dit que le bleffé ne mourra pas : Dès quil foujfre,
» dit-il , ne fuis-je pas a[fe£ malheureux ? *>
Tous les fecours de 1 art ne purent fauver M. de
Chambors j il mourut au bout defix jours. Toute
la puiffance des Rois., dit M. Thomas , n’eft rien
pour réparer de tels malheurs. Le Dauphin emploie
du moins tout fon crédit auprès du Roi pour
fbulàger la douleur de la famille. M. de Cham-'
borsavoit époufé, en 1754, mademoifelle le Petit
d’ Avennes. A fa mort ( août 175 y ) il laiffoit fa
femme groffe. M. le Dauphin, apprenant qu elle
étoit prête d’accoucher, lui écrivit, au mois de
janvier 1756, la lettre fuivante, qu’ on ne peut trop
reproduire, monument touchant de la fenfibilité
de ce Prince.
« Vos intérêts, Madame 5 font devenus les
» miens > je ne les envifagerai jamais fous une au-
33 tre vue. Vous me verrez toujours aller au devant
» de tout ce qüe vous pourrez fouhaiter, 8c pour
« vous, & polir cet enfant que vous allez mettre
*> au jour. Vo s demandes feront toujours accom-
» plies. Je ferois bien fâché que vous vous adref-
•3 faffiez, pour l’ exécution, à un autre qu’ à moi. Sur
« qui pouvez-vous compter avec plus.d’affurance ?
33 Ma feule confolation, après lnorriblé malheur
33 dont je n’ofe me retracerl’idé e, eft de contri-
33 buer, s’il eft poffible, a la vôtre, & d’adoucir,
33 autant qu’il dépend de moi, la douleur que je
33 reflens comme .^ous. » >
Madame de Chambors accoucha cf un fils (Louis-
Jofeph-Jean-Baptifte de la Boiffière de Chambors).
L e père du malheureux écuyer , tué à la chaffe,
vivoit encore. Le R o i , par des lettres données à
Verfailles au mois, de mai 17; 6 , & qui contiennent
l’honorable énumération des fervices de la
famille de Chambors, érige en faveur de l’aïeul
& du petit-fils la terre de Chambors en comté,
d’après ce principe énoncé dans le préambule des
lettres : « Que la plus folide récompenfe que l’ on
33 puiffe donner à la vertu, eft célle des titres
3» d’honneur 8c de diftinétion qui paffent à la pof-
133 térité. *»
Les lettres portent que ce titre de comté avoit
été anciennement attribué à la terre de Chambors.
CHAR IE TTO N. ( Hifi. rom. ) Lorfque, fous
l ’empiré de Conftance, en 358, Julien; depuis
Empereur, faifoit la guerre dans les Gaules & fur
les bords du Rhin contre les nations germaniques,
nommément contre les Saxons, IèsOuades,
les Chamaves , fouvent même contre lef Francs
ou Français, il fe ferVoit avec avantage d’ n aventurier
français , nommé Charietton , qui s’ étoit
attaché aux Romains. Cet homme, d’une taille gi-
gantefque , d’une force de corps proportionnée
à fa taille, 8c d’un courage bien fupérieur, s’étoit ,
rendu le fléau des peuples barbares. Il leur faifoit,
en barbare lui-même, une guerre continuelle, ou
plutôt une chaffe plus cruelle 8c plus funefte qu’aucune
guerre. Il fe cachoit dans les forêts , les
épioit, les fuivoit comme le chaffeur fait fa proie,
8c faififfant les momens connus de leur fommeil
ou de leur ivrefie, il êgorgeoit tous ceux qu’ iL
trouvoit dans l’un ou l ’autre de ces deux é ta ts,
8c portoit leurs têtes à Trêves, où elles lui étoient
apparemment payées. D’abord il opéroit feul 8c
n’affocioit perfonne à ces horribles boucheries :
dans la fuite fa réputation s’étant accrue avec fes
fuccès, on s’empreffa dèTervir fous lu i, & de
prendre part à fes expéditions 5 alors elles changèrent
en quelque forte' de nature ; de voleur 8c
d’affaffin, il devint guerrièr j il eut une petite armée >
il fut au moins chef de troupes légères : leur objét
principal étoit de tendre des pièges, de dréffer
des embûches, d’ attirer l’ ennemi par des fuites
fimulées fur un terrain ou dans des poftes défa-
vantageux, de pénétrer par des paffages difficiles
8c peu connus dans les retraites les plus inaccefli-
bles} enfin de faire une guerre qui ne pouvoit être
faite que par eux, 8c qui n’étoit point à l’ufage
des Romains. Leur adreffe 8c leur connoiffance
des lieux étoient un fupplément néceffaire à la valeur
romaine , 8c contribuèrent beaucoup à la réduction
de ces diverfes peuplades germaniques. "
C e Charietton furvécut aux empereurs Conftance,
Julien 8c Jovien. Sous Valentinien, en 366 ,
il fervoit encore les Romains contre les Allemands,
autre peuple de la Germanie, qui n’avoit pas encore
donné fon nom à tout ce pays. Il fut tué dans
un grand combat qu’il perdit cette même année
contre c e peuple.
CHARLES-LE-TÉMÉRAIRE. (Hifi. de Fr. )
Charles-le-Téméraire, dernier duc de la fécondé
Maifon de Bourgogne, fucceda,en 1467, à Phi-
lippe-le-Æo/z fon père. Une impulfîon irréfiftible
pouffoit Charles à la guerre 8c aux périls. Inquiet,
téméraire, ambitieux, il chercha dans les combats
la gloire des h éro s , 8c il y trouva une mort
violente comme fon caractère. Mauvais politique,
puifque la haine 8c la vengeance préfidoient le plus
fouvent à fes démarches, fa vie entière fut un tiffu
de triomphes, de défaites, de fureurs 8c d'infortunes.
Implacable ennemi, contempteur orgueilleux
de Louis XI fon rival , il en étoit haï 8c redouté.
Dès leur plus tendre jeunefle ils avoient
I fenti l’un pour l’autre une antipathie invincible.
[ La franchife altière 8c généreufe de Charles s’iiv*
âignoit de la foupleffe artificieufe de Louis. Louis,
n é jaloux, voyoit avec inquiétude les grandes
qualités de Charles.Sc fa réputation naiffante. Louis,
chaffe par fes propres intrigues de la cour du Roi
fon père, trop heureux de trouver un afile à la
cour du duc de Bourgogne, tourna ce bienfait
contre fes bienfaiteurs même > il mit la difcorde
entre Charles.8c le duc Philippe 5 il tenta la fidélité
de leurs fuiets. Charles voyoit toutes ces trames
obfcures, dédaignoit de les rompre, 8c fe propo-
foit de les punir un jour avec éclat ; mais lorfqu’il
vit Louis , monté fur le trône, recueillir en politique
quelquefois habile , le fruit des troubles
qu’il avoit femés en intrigant 5 quand il vit Philippe
, affoibli par l’ âge 8c trompé par des miniftres
vendus à Louis, confentir à la reftitution des places
de la Somme, qui lui avoient été engagéés par le
traité d’Arras, alors fa fureur ne connut plus de
bornes > il entra dans la Ligue dite du bien public,
ou il la forma ; il fouleva tout le royaume contre
Louis, q u i, dans la fuite, fouleva contre lui une
partie de l’Europe. La bataille de Mont - Lhéri
(d u 16 juillet 146y ) fut pour ces rivaux une
heureufe occafion de fignaler leur courage 8c d’af-
fouvir leur hainé. 11 feroit difficile de dire lequel
fut vainqueur : ils furent vaincus tous deux : les
deux armées furent prefqu’égalèment détruites.
L’aile gauche du R o i, l’aile droite de fon ennemi
furent rompues : il y eut une véritable déroute de
part 8c d’autre. La frayeur emporta des fuyards des
deux armées jufqu’à cinquante lieues , fans qu’ils
ofaffent regarder derrière eux ni s’arrêter pour
manger. Cependant les deux chefs donnoient
l’exemple de la conftance 8c de 1 intrépidité : on
les rencontroit partout où le péril étoit le plus
grand, prodigues de leur v ie , avides de gloire 8c
de vengeance, tranfportés du defir de vaincre. Le
Bourguignon penfa deux fois être pris ou tué i mais
il refta maître du champ de bataille, 8c cet honneur
lui infpira une prefomption qui lui fut bien
funefte dans la fuite.
Louis, preffé de toutes parts, 8c incapable de
réfifter à tous les grands du royaume conjurés
contre fa tyrannie , fut employer avec fuccès un
art inconnu à 1 inflexible Charles, lJart de divifer
8c de régner, de diffimuler pour fe venger plus
fûrement, d’accorder tout pour pouvoir tout reprendre
dans un tems plus favorable. Tous ces
chefs adroitement difperfés, occupés chacun chez
eux , perdirent les avantages qu’ ils tiroient de leur
réunion ,• Ôc^furent fubjugués 8c trompés les uns
après les autres. Les Liégeois, excités par Louis,
firent à la Maifon de Bourgogne des outrages cruels,
.dont ils furent cruellement punis > les Flamands ,
furtout les Gantois, fe révoltèrent auffi: Charles
parut 8c les fournit. Il fe hâtoit de voler au fecours
de fes alliés, mais la Ligue n’ étoit déjà plus : le
Roi l’avoit diffipée par un mélange heureux d’artifice
8c de force.
Pendant le cours de leurs divifions, la fortune
% offrit tour-à-tour aux deux rivaux des occafions
dont ils ne crurent pas devoir profiter, ou du moins
abufer. Chacun d’ eux eut fon ennemi en fa puiffance,
8c ne voulut oun’ ofa s’en affurer. Louis XI,
affe&ant de la franchife par diffimulation, vint
trouver Charles dans fon camp devant Paris, pour
conférer avec lui. Les foldats bourguignons di-
foient en riant : Ÿ^oila pourtant le Roi au pouvoir de
notre F rince. Charles, pour répondre à ce procédé,
reconduifit le Roi jufques fous les murs de Paris ^
8c foit diftra&ion, foit confiance, fe Iaiffa engager
jufqu’au-delà des premiers re.tranchemens de l’armée
ennemie : il fe reffouvint alors du Pont de
Montereau 8c de la fin tragique du duc Jean Joh
aïeul. Louis même v l’ avertit de, fon imprudence
par unfourire ’, 8c le maréchal de Bourgogne gronda
Charles avec cette févérité que le zèle infpire
8c autorife. Quelques années après, Louis XI crut
montrer une confiance héroïque en allant lui-
même fans fuite négocier à Péronne avec le duc
de Bourgogne. Il y porte des paroles de paix 3 il
eft reçu comme un ami. En même tems on apprend
que les Liégois, à fon inftigation 8c fur fes pro-
méfiés, viennent, en fe révoltant de nouveau, de
commettre les plus atroces 8c les plus barbares
infolences. La. colère du duc de Bourgogne, à
cette nouvelle, n’eut plus de bornes, 8c la vie de
Louis XI fut en danger. Il faut plus de prudënée
quand on fe permet tant de perfidies. Un machia-
vélifte habile fe remet rarement entre les mains
de fon ennemi, 8c ne s’y met jamais au moment
où il l’outrage. Louis s’étoit pris au piège qu’il
avoit tendu lui-même :1a mine avoit joué plus tôt.
qu’il n’ avoit voulu, 8c il en éprouvoit toute la
violence. Incertain de fon fo r t, obfervé de trop
près pour pouvoir fonger à la fuite -, il avoit devant
les yeux cette tour de Péronne où l’infortuné
Charles-le-S’i/njp/e étoit mort dans les fers d’Herbert
, comte de Vermandois. Si le diic de Bourgogne
eût dit un mot, Louis XI auroit eu le fort
de Charles-le-Sim/j/e j il en auroit peut-être aujourd’hui
la réputation. Le duc de Bourgogne imagina
une autre vengeance j il força Louis XI d’ af-
lifter 8c de contribuer de fa perfonne 8c de fes
armes à la deftruétion des Liégeois fes complices :
on veilloit fur lu i , on connoiffoit fa valeur : il
fallut qu’il cueillît toutes les palmes de cette hon-
teufe 8c funefte viétoirej il fallut qu il triomphât
à force d’ exploits, 8c du défefpoir de fes amis, 8c
des défiances ’•de fon tyran. Le duc le congédia
enfin avec quelques froides excufes auffi injurieufe*
que l’ offenfe, 8c le Roi parutjs’en contenter.
Après divers traités 8c diverfes ruptures arriva,
en 1472, la prompte 8c funefte mort de Monfieur,
frère de Louis X I , dont les intérêts avouent fervi
de prétexte aux ligues formées contre le Roi. Perfonne
ne douta qu’ iln eut été empoifonnépar l’abbé
de Saint-Jean-d'Angely, avec lequel Louis XI
entretenoit une eorrèfpondance fecrète:les foup-
çons s’étendirent jufqu'au Roi. L’abbé de Saint