
offerte : J*ai , ajouta-t-il , dans mes bureaux 3 un
homme qui fa it , à ce quçii m'a dit 3 d'ajfeç bons vers j
vous me ferle£ plaifir de le prendre a ma place f i
vous n avez rien de mieux à ckoifir. C e t homme ,
à qui le miniftre propofoit tnmfporter aux académiciens de la bonne volonté qu'ils lui avoient té-
moignéepourlui-même, étoitM.Malet. Le prix qu’il
venoit de remporter, les éloges de la reine Anne,
alors l ’hérome de la France, dont elle avoit été
dix ans la terreur ; le préfent qu'elle avoit envoyé
à M. Malet j plus que tout eela , la recommandation
du qu’elle miniftre, déterminèrent l’Académie à ce
choix , ne put directeur jamais juftifier aux yeux du
pub lic, & que le ne tenta de juftifier
devant Louis X IV , qu'en lui faifant beaucoup valoir
le fuffrage de la reine Anne, à qui ce Prince
avoit alors tant d’obligations. C e fut ainfi que
M. Malet fut élu & reçu à l’Académie françaife ,
le 29 décembre 1714. Il mourut le 12 avril 1736,
& on n'a pas d'autre éloge à faire de cet académicien
, que de dire qu’ayant été toute fa vie employé
dan$ les finances, il mourut avec peu de
fortune.
MARILLAC. (Hifi} de Fr. ) ( Voye£ cet article
dans le Dictionnaire.) Aux perfonnages diftingués
mentionnés dans cet article , nous ajouterons ici
Gabriel deMarillac, q ui, d’abord avocat célèbre,
plaida éloquemment & avec beaucoup de raifon
la caufe du collège royal contre l’Univerfité fou-
levée par les intrigues au fyndic Béda. Marillâc fut
depuis avocat- général au parlement de Paris. Il
étoit frère du fameux Charles de Marillac , archevêque
de V ienne, employé en diverfes am-
baflades à Conftantinople, en Angleterre , en Allemagne,
& c . Tous deux étoient oncles du maréchal
décapité en 1632, & du garde-des-fceaux.
L'avocat - général fut fufpeét de proteftantifme ,
ainfi que l’archevêque fon frère, parce qu’en toute
•occauon il prenoit le parti des lettres & des fa-
vans contre les ignorans & Ie s fanatiques.
M A R M O N T E L (Jean-Fr a n ç o is ) , (Hifi. lut.
m o d . ) , h ifto r io g ra p h e d e F r a n c e , fe c r é ta i r e p e rp é t
u e l d e l ’ A c a d ém ie f r a n ç a i f e , a é t é un d e s m e illeu r s
lit t é r a te u r s & d e s p lu s la b o r ie u x é c r iv a in s d u d ix -
h u it ièm e f iè c le . I l a t ra v a illé dans ta n t d e g e n r e s ,
q u 'i l fa u t l e décompofer, c om m e M . d e F o n t e n e l le
l ’ a d i t d e L e ib n i t z . L e f é v è r e L a h a rp e lu i r e fu fe
& lu i a c c o r d e b ie n d e s ta len s d iv e r s . N o u s n e
fom m e s ic i q u e le s h ifto r ien s & n o n le s ju g e s d e
fe s t ra v a u x . A r r iv é d e l ’A u v e r g n e fa p a t r ie à
P a r i s , i l s ’ a n n o n ç a , dan s fa je u n e f fe , c om m e un
v é r it a b le am i d e s le t t r e s , p a r d e s h om m a g e s p u b
lic s e n v e r s c e u x q u i le s h o n o ro ie n t l e p lu s a lo r s 5
i l fem b la v o u lo i r m e t t r e fo u s le u r p r o t e c t io n fe s
ta len s naifians 5 il c é lé b r a F o n t e n e l le p a r u n e p iè c e
d e v e r s q u i fu t r em a rq u é e , & q u i f e t r o u v e dans
u n a n c ie n Mercure. I l s 'a t ta c h a p a r t ic u lié r em e n t à
M . d e V o l t a i r e . Il v iv o i t e n t r e c e g ran d -h om m e
& M. de Vauvenargues fon ami, & il a reconnu
par une très - belle allégorie poétique , dans fon
épître dédicatoire de Denis le- Tyran3 les avantages
qu’il droit de leur commerce.
Tendre arbrifleau, planté fur la rive féconde,
Où ces fleuves mêloient les tréfors de leur onde,
Mon efprit pénétré de leurs fucs nourriflans
Sentoit développer fes rejetons naiflans.
C'eft dans la jeuneffe que le talent a la vigueur-'
néceffaire pour s élever au tragique. M . Marmontel
parut avec éclat dans cette carrière. Le fuccès de
Denis-le- Tyran & d’Arifioiriene fut brillant^ mais
il ne fe foutint pas. M. de Laharpe relève de
grandes fautes dans ces pièces , qui ont réufii, &
fait voir de grandes beautés dans les Héraclides &
dans Numitor, pièces qui ^n'avoient point été accueillies,
mais qui à la vérité n'étoiént point telles
qu’on les trouve aujourd’hui dans l'édition de
1787.
M. Marmontel a eu aufli des fuccès au Théâtre
lyrique. On a vu de lu i , à ce Théâtre, plufieurs
opéra, dpnt il n'a confervé que d eu x, Didon &
Pénélope , dont le fuccès , plus grand encore que
celui des autres, s'eft beaucoup plus foutenu. -
Parvenu à une grande réputation & aux honneurs
fuprêmes de la littérature , il a paru def-
cendre , en ne dédaignant pas de s'attacher à une
autre branche de la poéfie lyrique , les opéra comiques
j mais il a élevé ce genre jufqu'à lu i, &
il n’y a point de genre qu’on n'ennoblifte par des
ouvrages tels que Zémire & A^or , T Ami de la
Maifon , Lucile , Sylvain , & c .
Long-tems auparavant, & lorfqu'il n’étoit encore
que poftulant pour l’Académie , il fttparoître
d'abord un à un dans le Mercure , oenfuite raffem-
blés dans un recueil, fes Contes moraux. C'eft peut-
être , de tous les ouvrages modernes, celui qui a
le plus univerfellement été lu : il n’y avoit point
de maifon de campagne où l'on ne le trouvât j il
n'y avoit perfonne q u i, pouvant aller pendant
quelques jours refpirer l'air à la campagne , ne
l'y portât avec foi pour amufer fon loilîr, comme
Horace y portoit, avec Platon , Ménandre , Eu-
polis & Archiloque : .
S i vacuum tepido cepijfet villula teSlo,
Quorfiim pertinuit ftipare Platona Menandro ,
Eupolin , ArchUochum comités educere tantos ?
Etoit-on feul ? on fe trouvoit en bonne compagnie
avec ce livre. Avoit-on du monde ? c ’étoit
une des plus agréables lectures qu'on pût faire en
fociété. Elle amufoit l’efprit le plus fage , atta-
choit le plus frivole, fans exiger, ni un grand talent
dans le leCteur , ni une grande attention dans
les auditeurs, & la morale y gagnoit toujours la
correction de quelque travers, la fuppreflion ou la
diminution de quelque ridicule. C é to ien t autant1
de petites comédies de caractère en narration,
qui n'aftreignoient à aucune des règles du théâtre.
Elles ont fourni en effet beaucoup de fujets de
comédies & d'opéra comiques : c’étoit une mine
très-abondante & qu’on ne ceffoit <le fouiller.
M. Marmontel y paroiffoit à la fois homme du
monde & homme de lettres. On voyoit qu’il avoit
vécu dans des maifons opulentes, & qui avoient
pour le moins des prétentions à être la bonne compagnie.
Cependant les gens qui avoient beaucoup
d’ufage, ou qui s’en piquoient, ne convenoient
pas que ces moeurs & le ton de la bonne compagnie
fuffent partout finement faifis & fidellement
peints dans ces contes ; ils aceufoient quelques
détails d’un peu de mauvais goût. Madame de
Genlis en a critiqué quelques-uns d’une rnanière
pour le moins fpecieufe. On pouvoit critiquer ce
livre , mais on ne pouvoit le quitter.
Peu de tems après parut là Poétique de M. Marmontel,
ouvrage favant, & qui annonçoit un goût
éclairé par la réflexion. M. de Mairan difoit que
c ’étoit un pétard à la porte de l’Académie, qui en
effet s'ouvrit alors pour Marmontel. Il fut reçu a la
place de M. de Bougainville, le 22 décembre 1763.
Quelque tems auparavant il avoit effuyé une
violente tempête dans une occafion où il montra
du courage & de la générofité. On avoit effaÿé
de jeter du ridicule fur quelques perfonnes qui
avoient alors une grande influence fur l'adminif-
tration des fpeétâcles > on avoit donné à une petite
fatyre, qui ne réuflit que trop bien dan? le tems,
la forme d'une parodie de la rameufe fcène d Au-
gufte avec Cinna & Maxime. Parmi ceux qu’ atta-
quoitcétte fatyre, quelques-uns, difoit un nomme
de lettres étoient affez grands pour pouvoir fe
venger, & affez petits pour le vouloir. Marmontel
pouvoitavoir eu quelque part à cette fatyre, comme
beaucoup d’autres, dans un fouper où chacun avoit
dit fon mot ; mais il n'en étoit pas l’auteur j il
connoiffoit l'auteur principal, & ne voulut jamais
le nommer. Comme de tous ceux qu'on foup-
çonnoit, Marmontel étoit le plus reconnu pour
)o ète, ce fut à lui que l'on s'en prit : il fut mis à
a Baftille ; il avoit le Mercure , on le lui ôta , fans
pouvoir tirer de lu i , ni l’aveu qu'il fût l'auteur ,
ni le nom de celui qui l’étoit. Le miniftre , tout-
puiffant alors, qui ne faifoit que rire de cette tra-
cafferie , comme de beaucoup d’autres chofes ,
voulut avoir une convention avec Marmontel à
ce fujet, & prit le ton le plus févère qu'il put : il
cita ce vers :
» qui avoit ainfi tourné ce v e r s , & qu il y avoit
» dans l ’original : «
Vous qui me tenez lieu de ma défunte femme.
Oh ! répliqua le miniftre, j'aime mieux l’autre
leçon > celle-ci eft plate. Au refte, cette affaire a
donné lieu à trois Donnes actions qui ont honore
les gens de lettres. i° . Le refus confiant que^fit
Marmontel de nommer l’auteur , quoiquil put,
par ce feul m o t, fe tirer d’embarras. 2°. Le rems
que fit l’abbé Barthélemi du Mercure qui lui fut
offert, quoique Marmontel le conjurât de l ’accepter.
Vous qui me tenez lieu du merle & de ma femme.
N ’eft-ce pas , dit-il, m'offenfermoi-même, que
de parler, avec cette irrévérence familière, d'un
homme au nom duquel on n’ignore pas l’intérêt
que je dois prendre? « Monfieur , répondit Mar- I
j> montel, j'ai entendu dire que ç ’étoit le public *
L'abbé ne voulut jamais recueillir la dépouille
d'un homme vivant & d'un écrivain efti-
mable. Obligé d’accepter une penfion de yooo liv.
fur ce même Mercure , pour ne pas rebuter la per->
févérante bonté du miniftre qui lui offroit tous ces
biens , il les a diftribués entre divers gens de lettres
qui en avoient plus befoin que lu i , & n en a
rien confervé. Sa réponfe au miniftre fut celle
d'Horace à Mécène j
Satis fuperque me benignitas tua
Ditavit, haud paravero
Quod aut avarus , ut chremes , terra premam,
DifcinHus aut perdam ut nepos.
3°. On alla propofer à M. Thomas de fe mettre
fur les rangs pour l’Académie , afin d exclure
M. Marmontel : un refus l ’expofoit àunedifgrace \
il refufa.
Arrivé à l’Académie, M. Marmontel ne fut que
plus laborieux. Sa vie entière fut confacrée au travail.
On fait la tracafferie théologique qu'il effuya
pour Bélifaire. On connoît fon poème en profe
des Incas 3 fa traduction de tout ce qu'il y a de
I plus beau dans Lucain, fes Elémens de Littérature,
! dans lefquels il a fondu Ja Poétique. C ’éft l’ouvrage
dJun penfeur profond, d'un favant plein'd'efprit
& de goût. M. de Laharpe dit que M. Marmontel
a eu d’abord des principes de goût erronés, mais
que la réflexion & l ’expérience les lui ont fait abjurer.
Il eft peut-être plus beau de reconnoîtrè fes
fautes, que de n’en point faire :
Si non errajfet fecerat ille minus.
M. Marmontel n'aimoitpas Boileau & l'a beaucoup
critiqué. C e paradoxe, félon l’ufage, a ete
répété & exagéré par beaucoup d’ echos. M. de
Voltaire ne paffoit point à fon élève ce fingulier
tic , comme il 1 appeloit, & il difoit que cela lui
avoit porté mal'ieur.
Parmi les poéfies légères de M. Marmontel,
nous remarquerons furtout la pièce intitulée Les
charmes de VEtude 3 qui a remporté le prix de l’Académie
françaife en 1760:, &: qui n'a laiffé à l E-
pître au Peuple , un des bons ouvrages de M. Thomas,
que les honneurs de Yaccejfit.