
sur leurs pas , mais que peur moi je continuerais seul mon
voyage. Soit honte de me quitter, soit crainte de traverser seuls
des lieux dangereux , ils se déterminèrent à me suivre.
En récompense de leur docilité, je les laissai quelques jours
reprendre courage et haleine. Je profitai de cette halte pour visiter
les rivages de la mer et les montagnes voisines qui étoient
couvertés de toutes sortes de buissons, et principalement du calao
nommé arduina (1).
Us étoient -si épais dans certains endroits, qu’il me falloit
marcher en rampant, le ventre contre terre, quelquefois même
assez loin. Les épines déchiraient mes habits et mes mains ;
l’Hottentot qui me suivoit avoit les pieds en sang et me faisoit
véritablement pitié : mais égaré parmi ces buissons à la recherche
des fleurs , je n’ avois aucun moyen de le soulager. Je vis,
au bas de la montagne, des rochers plats sur lesquels les chiens
de mer dormoient à la chaleur du soleil, ce qui lui a fait donner le
nom de Robbenberg (2). Elle s’avance si loin dans la mer
qu’elle forme une isthme, et elle est couverte de coquilles. Cette
montagne me parut mériter d’autant plus d’attention, qu’ elle
diffère de toutes celles que j’ ai vu en Afrique. La couche du
milieu est un assemblage et un mélange confus de pierres
ponces carrées, et de chaux durcie , qui peut avoir environ
quatre brasses d’épaisseur, ce qui ressembloit à une espèce de
maçonnerie singulière. La couche supérieure me parut composée
de pierres plates brunes , et l’inférietire de grès très-
fin ; sur un autre côté de la même montagne, étoit un sable durci
et façonné par l’eau. Dans plusieurs endroits , la terre étoit
mélangée de sable, et formoit des morceaux d’une espèce de
pierre poreuse. Dans l’esplanade située au pied de la montagne ,
du côté de la mer, se trouvoient plusieurs trous de différentes
grandeurs, semblables à des marmites de géans, les uns ronds,
( l ) Arduina bispinosa. (?) Montagne des chiens de mer.
d’autres longs ou ovales , et aussi bien taillés que s’ils l ’eussent
été de la main dés hommes ; une terre glaise grise formoit la
couche inférieure. D’un autre côté, la même montagne avoit
de longues fentes d’où pendoient d’épaisses., stalactites (1) ,
couvertes d’un fin duvet, quelquefois verdâtres.
Les environs de la montagne sont ornés de fleurs jaunes et
bleues, d’une espèce de bihai (2) , dont on voit des oignons
en Europe, Les Hottentots en mangent le fruit.
Les colons des villages ne sont pas beaucoup plus avancés dans
les arts que les Hottentots*. Ils manquent souvent aussi des us-
tensiles jes plus nécessaires ; certains sont obligés de mettre leur
lait dans des outres de peau; ils n’ ont pas même de souliers,
ne pouvant en aller acheter au Cap ; ils se servent de ce qu’ on
nomme généralement ici souliers de campagne , et qu’ils font
eux-mêmes avec de la peau de buffle, de boeuf, ou même quelquefois
de zèbre,, qui est rayée.
Ces peaux sont préparées par les Hottentots d’une manière
fort simple ; ils les tendent sur la terre avec des piquets , les
couvrent de cendre chaude ,; et en enlèvent le- poil avec un
couteau ou un hoyau. Ces peaux ne leur manquent pas , car
les campagnes voisines sont couvertes de buffles sauvages, qui
se promènent par troupeaux de cent et de deux cents.-La plupart
sont tranquilles, dans les bois pendant le jour, et la nuit vont paître
dans la; plaine,
La maison de notre hôte étoit grande , commode , et bien
bâtie enterre glaise, avec des portes et des volets en place de
fenêtres vitrées , parce qu’il est difficile et même,impossible de
se procurer des carreaux à une aussi grande distance du Cap,
Tout le plafond de la cuisine étoit garni de morceaux de buffle
séché, fumé, et destiné pour la consommation de la métairie- -
Les colons envoient les Hottentots à la chasse des buffles ,,
(1) Stalactites. ( ? ) Strelitsien