
S E C O N D E P A R T I E .
S é j o u r au Cap de Bonne-Espérance, et différentes excursions
dans l ’intérieur des terres : depuis le îy avril jusqu’au
y septembre 1772.
C H A P I T R E P R E M I E R .
S É J O D R A U C A P :
E n arrivant an Cap , mon premier soin fut d’aller rendre
mes devoirs à M. 'le baron Joacbim van Plettenberg , vice-
gouverneur , ainsi qu’aux autres membres de l’administration,
pour lesquels j’avois des lettres de recommandation. Je remis à
M. de Plettenberg, la~ lettre adressée à M. Tulbagh, qui étoit
mort le mois d’août précédent, dans un âge avancé et généralement
regretté ; mais je n’y perdis rien, car le vice-gouverneur
me reçut très-bien , et promit de me seconder dans le projet
que j’avois formé de faire un voyage dans l ’intérieur du pays,
pendant mon séjour au Cap.
Tandis que ma chère patrie, que j’avois laissée au-delà de
la ligne, goûtoit déjà les prémices du printems, l’hiver commen-
çoit ici à se faire ressentir. Il me fallut attendre plusieurs mois
avant de m’engager dans l’intérieur du pays, et je ne commençai
mes courses qu’en septembre. Je ne crus pouvoir mieux
faire que d’employer ce tems à étudier l’économie rurale , à
connoître les établissemens de la ville du Cap , les productions
animales et végétales des environs et des montagnes voisines,
où je fis différentes excursions, en attendant que je pusse pénétrer
plus avant, et examiner avec plus d’attention.
Le Cap de Bonne-Espérance est la pointe de terre de l’Afrique,
et même de tout l’ancien continent , la' plus avancée:;; vers le
midi ; c’est aussi le plus grand cap connu.
Barthelemi Dias , Portugais, le découvrit en i 48y , et le roi
Emmanuel lui donna le nom de Cap de Bonne-Espérance (1).
.Vasco de Gama y aborda pour, la seconde fois en i4g7 , par
ordre du roi de Portugal : selon les observations de la Caille ,
ce Cap gît vers le 35e degré 35 minutes de latitude sud , et 35
degrés 2 minutes de longitude.
La baie de la .Table , .où les vaisseaux mouillent dans une
grande rade , est à un peu plus d’un quart de mille de la ville.
Le lendemain du-jour de notre arrivée on transporta les malades
à l’hôpital ; le sous-chirurgien les accompagna. Les soldats , conduits
par leur chef, entrèrent dans la ville, où celui-ci ne fait
plus que le service de sergent.
La ville est bâtie avec beaucoup de régularité , et s’étend
depuis le rivage de la mer jusqu’au pied de la montagne de la
Table, derrièrela partie gauche de la montagne du Lion , et un
peu à l’est de la montagne du Diable. Sa plus grande dimension '
Se mesure conséquemment du sud à l’est.
En descendant à terre, on n’est pas fouillé ni interrogé par
des commis, ni arrêté par des barrières. Quoique la ville n’ ait
ni portes, ni remparts, elle n’en est .pas moins en sûreté au
milieu des sauvages.
Toutes les maisons ici sont de pierres , et blanchies avec
une , quelquefois deux, mais rarement trois couches de. chaux 5
la plupart des toits plats, ou couverts d’ une herbe indigène
nommée gazon des toits (2), qui pousse sur une charpente fort
basse, à cause des grands ouragans qui empêchent qu’on n’élève
les bâtimens à une certaine hauteur, et qu’on ne les.couvre en * 2
(j) V oyez les Découvertes des Portugais
dans leslndes, par le P . Laffiteau,
1 .1 , p. 6 7 , éd. in -1 2 . Note du rédacteur.
(2 ) Restio tectomm. L , Suppl, p. 4a5.