
pour ceux qui veulent en passer en fraude. Tout le tabac de
notre vaisseau fut promptement enregistre et bien enfermé , et
comme les gens de l’équipage ne pouvoient s’en passer, on leur
en donnoit chaque semaine la quantité nécessaire pour leur
consommation.
On vend, dans les rues , des châtaignes qui sont fort grosses,
et se mangent grillées dans une poêle percée de petits trous
comme une- écumoire.
Le 28 , je fis porter mes ballots à la poste , où on les pesa, et
je donnai 24 liv. pour leur transport et ma place dans le carrosse
de Paris. -
Le 29 , à quatre heures du matin, on vint m’avertir que le carrosse
ailoit partir à l’ouverture des portes. Je me trouvai absolument
seul dans cette énorme voiture , destinée pour dix personnes,
tirée par quatre chevaux, et chargée devant et derrière.
Le froid étoit assez vif et le temps nébuleux ; il avôit gelé tout
blanc et une croûte déglacé coüvroit la surface des ruisseaux.
Quand nous descendions quelque hauteur, on enrayoit une roue
de derrière avec une chaîne de fe r , et la violence du frottement
de cette roue produisoit une fumée assez épaisse. Je vis
beaucoup de pierres à fusil bleues et jaunes. Les maisons situées
le long du chemin, étaient construites avec Ces cailloux entremêlés
de chaux. La route est large et bordée d’arbres des deux
côtés.
Nous descendîmes entre dix et onze heures du matin à une
auberge où le dîner étoit tout préparé , et où l’o» changea
de chevaux. A neuf heures du soir, nous arrivâmes à la couchée.
L ’hôte vint me présenter une chaise pour descendre de voiture.
Pendant trois jours que dura mon voyage , je traversai plusieurs
villes fortifiées , et dans toutes les auberges j ’avois le choix
de manger en mon particulier, ou ce qu’ils appellent à table
d’ hôte c’ est-à-dire , avec un certain nombre de personnes qui
paient tant par tête , et sont servies en commun. Il ne faut pas
oublier de, donner pour boire au garçon , afin , qu’il vous réveille
le matin au Répart du coche.
Le long de la route les lieues, sont marquées sur des bornes ,
et les demi-lieues sur des pieux de bois recouverts de plaques
de cuivre.
Je remarquai , dans le voisinage des couvens , de petits garçons
et autres mendians, qui récitoient l’oraison dominicale en latin.
J’observai de différens côtés que les haies étaient formées
d’épines assez claires.
C H A P I T R E I V .
SÉJOUR à Paris , depuis le 1" décembre 1770, jusqu’au
12 juillet 17771-
L e i er décembre 1770, j’arrivai à Paris, Vers dix heures du
matin. Mes ballots furent visités à l’hôtel même des diligences ,
et on les transporta tout de suite dans une chambre garnie du
voisinage , où je m’installai provisoirement, en attendant un logement
plus proche des hôpitaux et des cours publics. J’allai
voir le même jour mon compatriote M. Hesseen , qui me donna
plusieurs instructions utiles pour un nouveau débarqué. Je vis
aussi en même temps le bel hôpital de la Charrie.
Le lendemain, de très-grand matin, mon hôte vint prendre
mon nom pour l’envoyer a la police avec mon adresse, et il
voulut bien me conduire à l’Hôtel-Dieu , que je ne manquai
pas ensuite de visiter tous les jours au moins une fois , pendant
mon séjour dans cette capitale, parce qu’il s’y présente continuellement
des occasions de s’instruire, soit pour les opérations ,
soit pour les traitemens.
■ J’ allai encore trouver deux autres de mes compatriotes, MM.
Rudolph et Lücke, qui étoient venus se perfectionner dans la