
ment violées ou-éludées par les protections ou l’autorité*
le plus grand ordre dans les villes et les villages , un goût
héréditaire et un zèle infatigable pour l’agriculture, un
amour passionné pour leur pays, où ils sont cependant
enfermés; un dévouement aveugle à la volonté de leurs
princes, volonté , au reste, qui plie devant la loi ; aucune
innovation dans les modes, un costume absolument semblable
pour tout le monde , la paix à l’extérieur depuis
plusieurs siècles, les troubles intestins étouffés dès leur
naissance, une abondance régulière, qui les dédommage
bien amplement de tous les jouets pompeux des Européens;
point de dettes nationales, point de banque , ni de
change, ni de papier-monnoie; point de luxe chez les gens
opulens,ni même à la cour, mais en récompense une aisance
générale ; point de corporations, la plus parfaite concorde
entre tous les différens ordres , entre ceux même qui professent
différentes religions ; tel est le tableau rapide *
mais fidèle, du Japon. Je me suis attaché à représenter les
habitans au naturel, avec leurs bonnes qualités, leurs
défauts et leurs inconséquences , au risque de paroître
quelquefois inconséquent moi-même. Les innovations ou
les,changemens étant très-rares au Japon, j’ai cru devoir
annoter soigneusement tous ceux arrivés depuis Koempfer
jusqu’à mon séjour dans ce royaume. Puissai-je obtenir
des voyageurs qui marcheront sur mes traces le .témoignage
avantageux que j’ai rendu à celui-ci ! Au reste , je
n’ai quitté le Japon que lorsqu’il ne m’a plus présenté
d’observations curieuses ou utiles.
J’aurois bien désiré, à njon retour, séjourner un peu plus
longlong
tems à l’île de Ceylan ; je n’ai eu le tems que de parcourir
les captons les plus connus de-celte île. Néanmoins
j ’ai encore été à même de me convaincre par moi-memp
que le climat et la fertilité du sol en feraient un des plus
heureux séjour de la terre, sans le despotisme des princes
naturels , l’avidité insatiable des Européens , non moins
despotes que les premiers; enfin, sans l’intolérance de la
religion musulmane , trois fléaux qui affligent également
l’île de Java et la plupart de celles de l’Océan indien.
C’est-là sur-tout que l’on doit gémir sur la coupable industrie
des hommes qui semblent s’être étudiés à traverser
toutes les bienfaisantes intentions de la Providence ; c’cst-
là véritablement que l’on rougit d’être homme, en voyant
ses semblables ravalés au niveau des bêtes brutes, et
aveuglément soumis aux caprices ridicules et sanguinaires
d’un stupide despote, qui se croit l’égal de la divinité, dont
il se dit allié ; mais plus méprisable encore que les malheureux
qui végètent et gémissent sous son sceptre sanglant.
Les ^seules productions de la nature me presentoient
d’heureuses distractions, la vue d’une magnifique campagne
reposoit mes yeux et mon coeur ; je, tachois. d oublier
les infortunés qui l'habitoient, pour n’examiner que
les animaux qu’elle nourrissoit, les végétaux qui y crois-
soient, et les minéraux renfermés dans son sein.
Pendant les neuf années de mes voyages en Afrique et en
Asie, j’ai rassemblé quatre cents animaux nouveaux,
soixante-quinze genres et plus de quinze cens espèces
d’herbes inconnues , sans en compter une foule d’autres
que je réserve pour un plus mûr examen.
Tome I, c