
H U I T I E M E P A R T I E .
V O Y A G E à Java, séjour à Batavia : du 2 mars
au 20 juin
JS~ o y J g e du Cap de 73 o une-JS/spéra nce a Java : du 2 mars
au 18 mai J//5.
L e 2 mars 1775, je quittai, non sans regret, le Cap de Bonne-
Espérance , où je laissois tant et de si bons amis , et je montai,
en qualité'de chirurgien surnuméraire ,.le vaisseau Loo, capitaine
Berg, qui faisoit voile pour Batavia.
Nous- avions sur le même bâtiment un jeune homme qui
se prétendoit issu de la maison impériale, et qui se qualifioit
de comte de Leuwenstein. Un de kces misérables marchands de-
chair humaine l’avoit fait passer au Cap, et il se trouvoit obligé
je ne sais comment,. d’aller à Java, sans que le gouvernement
du Cap osât prendre sur soi de le renvoyer en Hollande.
Il nous raconta qu’ en arrivant comme étranger à Nimewegue-
avec son domestique, il avoit été loger chez un vendeur d’ames.
Celui-ci , après lui avoir enlevé une grande malle qui contenoit
ses effets, l’avoit tenu enfermé pendant trois jours, et envoyé
ensuite à un de ses confrères d’Amsterdam, chez qui on l’avoit
encore gardé en charte privée pendant trois semaines avec son
domestique. Enfin ils furent mis à bord d’un vaisseau au Texel,
sans avoir passé la revue , ou seulement ete examines a la maison
de la Compagnie des Indes. Son domestique étoit mort
de maladie pendant la traversée; quant à lui^ sa santé n’ avoit
pas été beaucoup meilleure. Après être resté sur le grabat pen-
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dant to u te la ro u te , en arrivant au Cap de B o n n e -E sp é ran c e , il
e to it entre à l’h ô p ita l, ou l’un de ses compatriotes l ’avo it r e connu.
Mais engagé en qualité de s o ld a t , il ne lu i re s to it de tous
ses’ effets qu’un hab it ro u g e et une b a gu e d’ assez g ran d p r ix . L e
gouve rneu r du Cap , instruit de toutes ces c ir co n s tan c e s , l’ e n -
v o y o it à Ba ta via pour l ’y fa ire re con n o ître . Il é to it à b o rd
sur le p ied de p a s sa g e r , e t mangeoît à la table des officiers.
L a Compagnie a c co rde à c e u x -c i une ce rta ine quantité de
b iè re fo r t e , qu’on leu r p a r ta g ea dès que nous eûmes le v é l ’ ancre
, la proposition du so u s -p ilo te , qui é to it d’ avis qu’ on la v en d ît
pour en p artager le p ro d u it , n’ ay an t p as é té adoptée. Qu o iqu e
la Comp agnie fournisse du vin e t d e la b iè re p our la tab le des
o ffic ie r s , ils n’ en goûten t g u è r e , ou b ien on ne leu r se rt q u e
de mauvaise boisson : le cap ita ine e t le p remie r p ilo te la fr e la t
e n t , l ’ altèrent , e t se la partagent. Ces dilapidations ré v o ltan te s
o blig ent lès passagers e t même les personnes aisées de l ’ équip
a g e de se munir d’une fo u le de provisions que l ’on trou v e
sur les bâtimens des autres nations.
Nous continuâmes n o tre route par un Bon v en t , en tirant
d ’ abord presqu’ entièrement v e rs le sud jusqu’à là h au teu r d e
quarante degrés de la titude y alors nous virâmes v e rs l ’ est
chaque jour nos montres re ta rd è ren t d’un qua r t-d ’h eure , e t
■ même p lu s , selon la fo r c e du v en t e t la v ite s se de no tre marche.'
L e 5 avril ap rè s -m id i, nous découvrîmes l ’ î le S a in t -P a u l, e t
nous voguâmes toute la n u it suivante entre c e t te isle e t c e lle
d’Amsterdam , q u i , le 6 , é to it encore à notre vue.
Le 2 mai, nous découvrîmes l’île Mone, èt le 3 on apperçut
la terre du haut du mât; le jour suivant nous la voyions de
dessus letillae.
Plus nous approchions de la zone to r r id e , plus le nombre
de nos malades augmentoit. L a maladie dominante dans notre
n av ire é to it le scorbut. Quelques-uns avo ient ga gn é des r.e~
froidissemens par le passage du froid au ch au d .