
Cartous, et aboutit aux campagnes de Carro en traversant
Boek-Veld (1).
Les habitations des colons se trouvent dispersées au milieu
de toutes ces montagnes, et dans les vallées qui les entrecoupent.
Les immenses campagnes de Carro commencent derrière la
masse imposante de montagnes dont je viens de parler. Elles
s’étendent en longueur du nord-ouest au sud-est ; et en largeur,
jusqu’à Rogge-Veld et Sneeberg (2). J’ai déjà observé
que le manque d’eau empêchoit les Hommes et les animaux de
se fixer dans ces campagnes. On trouve après la saison des
pluies, un peu d’eau saumâtre dans quelques trous. Les colons
établis à Rogge-Veld et Sneeberg, profitent de ce moment pour
traverser le désert et pour venir camper dans les endroits où
il y a de l’eau ; ils sont obligés de marcher pendant dix ou
douze heures de suite et avec beaucoup de vitesse. Il faut
aussi qu’ils eonnoissent bien les lieux où ils trouveront de
l’eau j car les Hottentots que Ton rencontre se gardent bien de
les indiquer : ce sont des asyles qu’ils se réservent .pour eux-
mêmes , dans le cas où ils se verroient'poursuivis. Les chevaux
ont beaucoup de peine à trouver de quoi subsister dans cette
plaine aride ;. mais les boeufs se contentent très - bien d’eau
et de feuilles de buisson salées. S i, pendant le fort de la chaleur,
on fixe les yeux sur cette immensité nue et aride , l’ air paroit
sautiller et pétiller comme la flamme.
Les Hottentots qui parcourent fréquemment les campagnes
de Carro, ont-plusieurs moyens d’appaiser leur faim et leur
soif : j’ai déjà parlé de la vertu de la plante qu’ils nomment
kon (3) : ils se servent encore de deux autres grosses racines 1
(1) La plaine des boucs ou des gazelles. (3) Ou Guima. Mnembrianlhcmum
(2) Campagne à seigle j et montagne emarcidum.
à neiges.
pleines de jus et de suc : le ku et le kameka ou barup.
Pendant huit mois de l’année, il ne tombe pas ici une seule
goutte -d’eau. Quoique le climat soit brûlant, je ne puis comprendre
comment le petit nombre de plantes et de buissons qui
y croit encore, peuvent résister à cette sécheresse et à cette
chaleur dévorante : les tiges et les‘ branches ont l’air d’être
desséchées; mais les feuilles toujours vertes, sont fort épaisses
et contiennent un jus salé. Il y a grande apparence qu’elles
pompent dans l ’air, pendant la nuit, "une certaine humidité qui
les* alimente. ■ Le - sol paroît brûlé; il est constitué de terre
grasse, de sel commun et d’élémens ferrugineux, dont il a la
couleur jaunâtre. — Mais si nous n’y prenons garde, nous
finirons par nous ensevelir avec le lecteur sous ces sables brû-
lans : il est tems de reprendre notre route.
Le premier janvier 1774, nous arrivâmes à l’habitation de Jan-
Van-Stadé, sans nous arrêter à celle de G ert-Van-Roy en, ni
de* Van-Fors. ' ' . .
Nous ordonnâmes à nos Hottentots de prendre , avec les
voitures, le chemin d’Artaquas, et de nous attendre à Riet-
Vàlley, poste de la Compagnie, parce que mon compagnon et
moi, nous avions fait la partie de traverser à cheval la plaine
de Carro. Cette brillante entreprise fut plus pénible qu’heureuse.
A peine engagés dans ces sables, où l’on ne reconnoît
aucun vestige de pied humain, nous nous égarâmes , et bientôt
nous ne sûmes plus quelle direction prendre pour avancer ou
retourner sur nos pas. Nos chevaux étoient rendus, le soleil bais-
soit, et nous n’appercevions aucun indice d’habitation. Après
la chûte du jour, perdant alors toute espérance, nous nous décidâmes
à passer la nuit dans une espèce de vallée, auprès
du lit d’un petit ruisseau, où il restoit encore un peu d’eau :
quelques arbres croissoient sur les bords. Nous dessellâmes
donc nos montures et nous leur attachâmes un pied avec leur
bridon, pour les empêcher de s’écarter. Nos fusils nous servirent
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