
C H A P I T R E II.
A r r i v é e à fifagasafci. — Précautions des -Japonois pour
empêcher la contrebande.
L e i3 au matin parut l ’isle de Meaxima, avec ses montagnes
hautes et pointues. Dans l’après - midi nous découvrîmes les
terres du Japon, et le soir, à neuf heures , nous mouillâmes à
l ’entrée du port de Nagasaki. Des montagnes très-élevées et
disposées en demi-lune, protègent l’entrée de ce port. A l’époque
où l’on attend les vaisseaux Hollandois, le gouvernement
Japonois distribue sur le sommet de ces montagnes , plusieurs
postes munis de lunettes d’approche qui découvrent les vaisseaux
de très-loin, et annoncent leur arrivée au gouverneur
de Nagasaki. Dès que ces postes nous apperçurent, ils allumèrent
plusieurs feux, et à peine eûmes-nous jette l’ancre,, que
des officiers Japonois vinrent, comme on va le voir, enlever
nos livres et nos armes. Ce jour-là nous rassemblâmes tous .les
livres de prières et les . bibles des matelots ; on les enferma
dans une caisse bien clouée -, elle fut remise ensuite aux Japonois,
qui né nous la rendirent qu’ à notre départ. Ils prennent
cette précaution pour empêcher l’introduction des ouvrages
relatifs au christianisme..dans le Japon : cm dressa sur le tillac
un lit avec son ciel , pour servir de siège aux officiers Japo-
nois qui dévoient se rendre à bord.
On fit la revue de tout l’équipage , qui se montoit à cent
dix hommes , y compris trente-quatre esclaves.. On inscrivit
le nom de chaque individu, sur un rôle qui devoit être remis
aux inspecteurs. Japonois 5 mais on ne fit pas mention du
lieu de leur naissance , parce qu’ils sont tous censés Hollandois ,
quoiqu’il y ait‘sur le vaisseau, des Danois, des Suédois, des.
Allemands , des Portugais .et des Espagnols. Immédiatement
après l’arrivée du navire, les Japonois font la revue de l’équipage
d’après cette liste , et récidivent la même opération
matin et soir, tous les jours que l’on décharge ou que l’on
charge le vaisseau. Car ces jours-là, la circulation entre la factorerie
et le navire est libre (1) : mais personne ne peut rester
à terre sans une permission spéciale.
Le i 4 , le vent fut si violent que nous ne pûmes lever l’ancre :
sur les onze heures nous coupâmes le cable pour mettre à la
voile.
Nous ne tardâmes pas à voir partir du rivage une barque
qui venoit à notre rencontre. Aussi-tôt le capitaine prit un habit
de soie bleu , galonné en argent, très-vaste et muni sur le devant
d’unénorme coussin. Cet habit servoit depuis long-tems à passer
la contrebande, parce que le chef de la factorerie, et les capitaines
de vaisseaux étoient les seuls officiers, exempts de visite.
Le capitaine faisoit régulièrement trois voyages par jour du
Vaisseau à la factorerie , et étoit quelquefois si chargé de marchandises,
que descendu à terre deux matelots le soutenoient
sous .les . bras. Il avoit aussi d’immenses culottes . qui ne lui
étoient pas moins utiles, que son habit : ces allées et venues
lui valoient plusieurs milliers de rixdalles, p a r la contrebande
qu’il passoit pour son propre compte et pour celui des officiers j
mais cette fois-ci la toilette de notre capitaine fut superflue,
comme on va le voir par les ordres qui nous furent signifiés.
La barque qui venoit du port, avoit été expédiée de la part
du chef de la factorerie, et nous amenoit un subrécargùe et
trois assistans pour nous féliciter de notre heureuse arrivée,
s’informer de la cargaison du vaisseau, des: nouvelles de Batavia
, &c. 1
(1) Cette liberté est cependant bien prennent les: Japonois ', pour empê-
eirconscrite, par les précautions que cher la contrebande. Rédacteur.